Le chef de l’opposition cambodgienne en exil Sam Rainsy suit de très prés, depuis le début de la crise sanitaire mondiale, l’évolution de la pandémie de coronavirus en Asie du Sud-Est. Il nous a adressé plusieurs articles sur le sujet. Cette fois, c’est la question de «l’immunité cambodgienne» qu’il cherche à décrypter.
Une contribution de Sam Rainsy, leader en exil de l’opposition cambodgienne
La visite du ministre hongrois des affaires étrangères Pieter Szijjártó au Cambodge au début de ce mois, n’a pas laissé que de bons souvenirs. Alors qu’il avait testé négatif au coronavirus avant de quitter son pays le 2 novembre, il a testé positif à son arrivée en Thaïlande venant du Cambodge le 3 novembre. Conclusion: il a dû contracter le virus lors de son séjour de quelques heures au Cambodge.
Vent de panique
La nouvelle a déclenché un vent de panique dans la sphère gouvernementale au Cambodge qui avait reçu le ministre européen pendant son bref séjour à Phnom Penh. La panique est d’autant plus vive que des photos et vidéos montrent que le séjour s’est déroulé sans port de masque et sans mesure apparente de distanciation sociale de part et d’autre. Imité par plusieurs centaines de personnes parmi les plus haut placées, le premier ministre Hun Sen s’est aussitôt isolé pour deux semaines, tandis que les écoles et de nombreux lieux de fréquentation publique sont à nouveau fermés pour une période indéterminée.
Le Cambodge épargné
Mais toutes ces mesures commencent à apparaître disproportionnées et exagérées pour certains tant la COVID-19 semble relativement épargner le Cambodge jusqu’à maintenant. En effet, depuis le début de la pandémie il y a presque un an, le Cambodge n’a déploré aucun décès dû à la maladie virale et on n’y a relevé aucun cas sévère de COVID-19, alors que le pays n’a jamais fermé ses frontières et a continué d’accueillir sans aucune restriction les vols en provenance de la Chine, l’épicentre de la pandémie en décembre 2019.
Cette situation sanitaire privilégiée amène de plus en plus d’observateurs à se poser cette question: “Pourquoi les Cambodgiens résistent-ils si bien à la COVID-19 alors que de nombreux étrangers contaminés par le coronavirus auraient pu leur transmettre la maladie lors de leurs nombreuses visites ou passages dans ce petit pays qui abritent les merveilleux temples d’Angkor?”
Des facteurs génétiques
La réponse à cette question tient probablement à des facteurs génétiques que j’ai déjà exposés dans les colonnes de Gavroche, notamment ceux ayant trait à l’hémoglobine E que de grands savants français comme le professeur Jean Bernard ont décrite comme une caractéristique de la race khmère.
L’hémoglobine E qui protègerait les Khmers contre les formes les plus sévères du paludisme depuis l’époque d’Angkor, pourrait aussi protéger les Cambodgiens maintenant contre les formes les sévères de la COVID-19. Il est intéressant de noter que les formes les plus sévères des deux maladies (paludisme et COVID-19) présentent des similitudes pathologiques frappantes: thrombose (formation de caillots de sang), embolies pulmonaires, accidents vasculaires cérébraux (AVC).
Immunités croisées
Par ailleurs, on parle de plus en plus d’immunités croisées pour expliquer la résistance de certaines personnes à la COVID-19. Pourquoi une immunité partielle contre le paludisme ne conférerait-elle pas une forme d’immunité, au moins partielle aussi, contre la COVID-19? Les régions d’Afrique où le paludisme sévit d’une manière endémique et qui résistent relativement bien à la COVID-19, présenteraient d’autres exemples d’immunités croisées.
Que cela soit dû à un facteur génétique protecteur, à une immunité croisée ou aux deux à la fois, l’état de santé privilégié des Cambodgiens face à la COVID-19 mérite des recherches scientifiques plus poussées car, pour beaucoup de maladies, on peut apprendre autant des malades que des non-malades.
Sam Rainsy
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