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CAMBODGE – DIPLOMATIE : Le parlement européen dénonce une fois encore les dérives autoritaires du pouvoir cambodgien

Journaliste : Rédaction Date de publication : 08/05/2022
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Parlement européen

 

Gavroche reproduit ici la résolution du Parlement européen du 5 mai 2022 sur la répression exercée sans relâche contre l’opposition politique au Cambodge.

 

Le Parlement européen,

 

– vu ses résolutions antérieures sur le Cambodge,
– vu les précédents rapports et déclarations du rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme au Cambodge,
– vu la décision du 12 février 2020 de la Commission de retirer, à compter du 12 août 2020, une partie des préférences tarifaires accordées au Cambodge au titre du régime commercial «Tout sauf les armes» (TSA) de l’Union européenne,
– vu la convention de l’Organisation internationale du travail sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical,
– vu la déclaration de la délégation de l’Union européenne aux Nations unies du 29 mars 2022 sur les dialogues interactifs avec le rapporteur spécial sur le Cambodge lors de la 49e session du Conseil des droits de l’homme des Nations unies,
– vu la résolution 48/23 du Conseil des droits de l’homme des Nations unies du 11 octobre 2021 sur les services consultatifs et l’assistance technique pour le Cambodge,
– vu les observations finales du Comité des droits de l’homme des Nations unies du 30 mars 2022 sur le troisième rapport périodique du Cambodge,
– vu l’accord de coopération entre la Communauté européenne et le Royaume du Cambodge, signé à Luxembourg le 29 avril 1997,
– vu les accords de Paris sur le Cambodge du 23 octobre 1991, en particulier son article 15, qui consacre l’engagement à assurer le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales au Cambodge, y compris par les signataires internationaux,
– vu la déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 et le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966,
– vu l’article 144, paragraphe 5, et l’article 132, paragraphe 4, de son règlement intérieur,

 

A. considérant que, le 16 novembre 2017, la Cour suprême du Cambodge a annoncé la dissolution du plus grand parti d’opposition, le Parti du sauvetage national du Cambodge (PSNC);

 

B. considérant que depuis que la Cour suprême a dissous le PSNC en prévision des élections de 2018, le gouvernement cambodgien se livre à une répression contre les membres de l’opposition politique, ce qui a poussé ces derniers à s’exiler par crainte d’arrestations arbitraires ou de représailles; que la répression menée par le gouvernement à l’encontre des médias indépendants, des organisations de la société civile et de l’opposition politique, qui a débuté en 2017, s’est poursuivie tout au long des années 2021 et 2022;

 

C. considérant que le Premier ministre Hun Sen exerce le pouvoir quasiment sans interruption depuis 37 ans, et que le Parti du peuple cambodgien qui dirige le pays détient un pouvoir absolu sur l’État et les organes législatifs;

 

D. considérant que le Cambodge organisera des élections municipales en juin 2022 et que les prochaines élections législatives devraient se tenir en juillet 2023; qu’à l’approche des élections municipales de juin 2022 et des élections nationales de l’année prochaine, la situation des droits de l’homme au Cambodge a atteint un point critique, dans la mesure où le gouvernement a intensifié la répression contre l’opposition politique, les journalistes, les médias indépendants et la société civile sous couvert de mesures de lutte contre la COVID-19; que la commission électorale nationale cambodgienne a retiré plus de 100 candidats du Parti de la bougie de la liste des candidats aux élections municipales du 5 juin 2022 ;

 

E. considérant qu’après l’envoi des assignations à comparaître en novembre 2020, les autorités ont engagé en 2021 des poursuites collectives contre plus de 100 membres de l’opposition et défenseurs des droits humains pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique; que parmi les irrégularités relevées dans ces procès figurent l’absence de preuves crédibles, la violation des droits à un procès équitable et des garanties d’une procédure régulière, ainsi que des condamnations par contumace pour plusieurs des accusés, en violation des garanties des droits de l’homme; considérant que plus de 60 défenseurs des droits de l’homme, dont des dirigeants syndicaux et des militants écologistes, sont actuellement emprisonnés;

 

F. considérant qu’en mars 2021, neuf cadres de parti, dont Sam Rainsy, ont été reconnus coupables par contumace de «tentative de crime» et «d’attaque» au titre des articles 27 et 451 du code pénal, et ont été condamnés à 25 ans de prison; que Sam Rainsy, Mu Sochua et d’autres responsables politiques de l’opposition ont été jugés par contumace, car ils n’ont pas été autorisés à rentrer au Cambodge pour se défendre devant les tribunaux;

 

G. considérant que, tandis que d’autres procès se tenaient en même temps, celui de Kem Sokha, qui a été libéré sous caution assortie de restrictions, a été reporté pendant près de deux ans, malgré les demandes réitérées de le reprendre; que son procès a repris en janvier 2022, mais sans perspective d’issue, ce qui prive l’homme politique de son droit fondamental de participation à la vie politique;

 

H. considérant que le chef du PSNC, Kem Sokha, a été arrêté en septembre 2017 et continue de faire l’objet d’accusations de trahison forgées de toutes pièces;

 

I. considérant que, le 17 mars 2022, le tribunal municipal de Phnom Penh a condamné les opposants politiques du parti au pouvoir à des peines de prison allant de cinq à dix ans, sans possibilité de libération sous caution; qu’il a également reconnu vingt personnalités politiques et militants de l’opposition coupables de vagues accusations d’«instigation» et de «conspiration», les condamnant à de longues peines de prison ;

 

J. considérant qu’en novembre 2021, Veourn Veasna, Voeung Samnang et Lanh Thavry, tous partisans du PSNC et réfugiés reconnus par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, ont été renvoyés de force au Cambodge depuis la Thaïlande, puis placés en détention pour instigation et violation de la loi sur la COVID-19 ;

 

K. considérant qu’en août 2021, le responsable syndical Rong Chhun, de même que les anciens membres de l’opposition politique Sar Kanika et Ton Nimol, ont été condamnés à des peines allant de vingt mois à deux ans d’emprisonnement et à une forte amende de 400 millions de riels (près de 95 000 euros) pour «incitation à commettre un crime ou à provoquer des troubles sociaux»; qu’en novembre 2021, Rong Chhun, Sar Kanika, Ton Nimol et d’autres militants arrêtés en même temps ont été condamnés à des peines avec sursis et sont libres depuis lors; ; que des femmes participant à des grèves pacifiques ont été régulièrement et de manière disproportionnée la cible d’opérations menées par le gouvernement pour les disperser ;

 

L. considérant que plus de 60 prisonniers politiques dûment recensés sont placés en détention provisoire, tandis que des représentants de l’opposition politique, des militants associatifs et des syndicalistes sont menacés d’arrestation, de détention et d’internement illégal; que depuis 2015, le nombre de détenus dans les prisons cambodgiennes a plus que doublé et que, selon les chiffres du gouvernement, 38 977 personnes sont actuellement incarcérées dans des prisons cambodgiennes dont la capacité officielle est de 8 804 individus; que cette surpopulation alarmante constitue une violation grave des droits des prisonniers, qui n’ont souvent pas accès à l’eau potable ou aux soins médicaux; que le gouvernement n’a pas non plus pris de mesures suffisantes pour prévenir les principaux foyers de COVID-19 au sein de la population carcérale ;

 

M. considérant que, selon certains rapports, cinq candidats du Parti de la bougie ont été emprisonnés ces deux derniers mois; que d’autres candidats ont été contraints de retirer leur candidature pour éviter des poursuites infondées sur la base d’accusations de complot par exemple; que le gouvernement s’est déjà servi de semblables allégations pour écarter des partis et des candidats de l’opposition; qu’en 2021, les autorités ont refusé d’enregistrer le Parti national du cœur du Cambodge, dont l’organisateur fait aujourd’hui l’objet d’une enquête diligentée par le ministère de l’intérieur; que ces dernières semaines, la commission électorale nationale, contrôlée par le Parti du peuple cambodgien, a interdit à un nombre important de candidats du Parti de la Bougie de se présenter aux prochaines élections; que plusieurs décisions ont conduit à l’annulation de listes entières de candidats dans onze communes ;

 

N. qu’en mars 2021, le gouvernement a adopté une nouvelle loi générale sur les mesures visant à empêcher la propagation de la COVID-19 et d’autres maladies graves, dangereuses et contagieuses, laquelle prévoit des peines de prison pouvant aller jusqu’à vingt ans et d’autres sanctions disproportionnées en cas de violation des mesures relatives à la COVID-19;
O. considérant qu’en février 2021, le gouvernement a adopté un sous-décret qui renforce le contrôle d’internet et étend la surveillance en ligne des internautes qui critiquent le gouvernement; qu’en mars 2022, le gouvernement a annoncé le report sine die de l’application de ce sous-décret ;

 

1. condamne les poursuites orchestrées par le Premier ministre Hun Sen et son parti, le Parti du peuple cambodgien, à l’encontre de membres de l’opposition, de syndicalistes, de défenseurs des droits de l’homme, de journalistes, d’écologistes, d’étudiants et d’autres personnes pour avoir exprimé leurs opinions; invite le Premier ministre cambodgien et son gouvernement à mettre immédiatement un terme à toutes les formes d’intimidation et de harcèlement, y compris le harcèlement judiciaire, à l’encontre des membres de l’opposition, des syndicalistes, des défenseurs des droits de l’homme, des médias et des acteurs de la société civile; demande aux forces de sécurité de ne pas recourir à la force de façon inutile et excessive contre les personnes participant à des manifestations pacifiques ;

 

2. condamne la dissolution du PSNC et demande une nouvelle fois que les charges retenues contre Kem Sokha, Sam Rainsy, Mu Sochua et d’autres responsables de l’opposition soient immédiatement abandonnées; demande instamment aux autorités cambodgiennes de libérer sans délai tous les prisonniers d’opinion, ainsi que les prisonniers détenus pour avoir exercé leur activité de manière légitime ou leurs droits, notamment les journalistes, les défenseurs des droits de l’homme, les militants écologistes et les syndicalistes; invite les autorités cambodgiennes à mener des enquêtes indépendantes sur toutes les allégations de harcèlement, d’intimidation, d’arrestation arbitraire et d’actes de violence et de torture contre des membres de partis d’opposition et des acteurs de la société civile, et à traduire leurs auteurs en justice ;

 

3. souligne que les procès de membres de l’opposition politique, de militants de la société civile, de défenseurs des droits de l’homme, de journalistes et de citoyens ordinaires sont menés en violation totale des règles internationales en matière de procès équitable; invite le gouvernement à réformer le système judiciaire qui est politisé, à garantir le droit à un procès équitable pour tous et à libérer immédiatement et sans condition tous les prisonniers politiques; invite les autorités cambodgiennes à préserver l’indépendance et l’impartialité totales du système judiciaire et à prendre des mesures juridiques et autres qui soient efficaces pour remédier à la surpopulation carcérale extrême, notamment en mettant fin aux détentions provisoires ;

 

4. demande instamment aux autorités cambodgiennes de veiller à ce que toutes les allégations d’exécutions extrajudiciaires fassent rapidement l’objet d’une enquête impartiale, notamment en ce qui concerne Sin Khon et Kem Ley, et à ce que leurs auteurs soient poursuivis; invite les autorités cambodgiennes à prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher et mettre un terme à ces exécutions ;

 

5. se déclare profondément préoccupé par le recul des droits de l’homme au Cambodge à l’approche des élections municipales de juin 2022 et des élections nationales de 2023, notamment en raison des restrictions imposées aux activités d’information indépendantes, de la pénalisation du droit à la liberté d’expression et de l’interdiction de facto des rassemblements pacifiques; exhorte les autorités cambodgiennes à lever toutes les restrictions illégales à la participation de la population aux affaires publiques et à veiller à ce que tous les partis politiques puissent mener une campagne électorale équilibrée, libre et transparente, dès les prochaines élections municipales du 5 juin 2022 et les élections nationales de juillet 2023 ;

 

6. se déclare vivement préoccupé par la surveillance en ligne opérée par le gouvernement et par les menaces qui pèsent sur la liberté d’expression et le droit à la vie privée; demande aux autorités cambodgiennes d’abroger la loi de février 2022 relative à une passerelle internet nationale qui permet au gouvernement de surveiller toutes les activités en ligne et d’engager des poursuites judiciaires contre les personnes qui dénoncent des faits commis par le gouvernement ou la police; invite le gouvernement cambodgien à abroger toutes les lois répressives, notamment la loi sur les partis politiques, la loi sur les syndicats et tous les autres textes législatifs limitant la liberté d’expression et les libertés politiques, ainsi que ceux qui ne sont pas pleinement conformes aux normes internationales et aux obligations internationales qui incombent au Cambodge ;

 

7. se déclare préoccupé par le durcissement de la répression à l’encontre des défenseurs de l’environnement, dont les militants du droit à la terre, qui ont été largement pris pour cible lors des procès collectifs qui se sont tenus récemment; regrette vivement, dans ce contexte, que l’exploitation forestière illégale dans les forêts protégées du Cambodge se soit accélérée pendant la pandémie et demande à l’Union européenne et aux États membres de favoriser la coordination internationale afin d’empêcher toute exportation illégale de marchandises depuis le Cambodge ;

 

8. rappelle aux entreprises établies dans l’Union qu’il est nécessaire de procéder à un contrôle préalable approfondi en matière de droits de l’homme et d’environnement, et de veiller à ne pas nouer de liens avec les dirigeants politiques ou les chefs des forces de sécurité responsables de graves violations des droits de l’homme et de la dissolution de l’opposition au Cambodge, puis de sa répression, ainsi qu’avec les entités détenues ou contrôlées par ces dirigeants et celles qui tirent profit de l’exploitation forestière illégale et de l’accaparement des terres ;

 

9. demande à l’Union européenne, aux États membres et à la communauté internationale, compte tenu du rôle du Cambodge en tant que président de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), de faire pression et de prendre des mesures publiques pour assurer la protection des militants et des défenseurs des droits de l’homme ainsi que pour soutenir les partis politiques dans leur lutte pour rétablir un certain espace politique et civique en vue des prochaines élections municipales du 5 juin 2022 et des élections nationales de 2023 souligne que les derniers événements portent atteinte à la crédibilité du gouvernement cambodgien dans l’application d’un programme constructif en matière de droits de l’homme dans la région et en tant que président de l’ASEAN ;

 

10. demande à nouveau au vice-président de la Commission et haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité de suivre de près la situation au Cambodge, en particulier de veiller à ce que le Parti de la bougie ne soit pas dissous dans des conditions grotesques comme l’a été le PSNC ;

 

11. demande une nouvelle fois que des sanctions ciblées soient prises et invite instamment le Conseil à adopter des mesures restrictives, notamment des interdictions de voyager et des gels d’avoirs, à l’encontre des dirigeants politiques et des responsables des forces de sécurité, ainsi que de leurs intérêts économiques, dans le cadre du régime mondial de sanctions de l’Union en matière de droits de l’homme, afin que toutes les personnes responsables de graves violations des droits de l’homme et de la dissolution de l’opposition au Cambodge, puis de sa répression, répondent de leurs actes ;

 

12. invite la Commission à surveiller de très près les prochaines élections locales et à se tenir prête à recourir à tous les moyens disponibles, y compris la suspension complète du régime TSA accordé au Cambodge et d’autres sanctions, si les observateurs électoraux devaient constater que les élections sont entachées d’irrégularités ;

 

13. demande instamment à la Commission d’insister, dans toutes ses interactions avec le gouvernement cambodgien, sur la définition d’objectifs clairs en matière de droits de l’homme et d’inscrire les préoccupations mises en exergue par la présente résolution dans le cadre de sa coopération renforcée avec les autorités, y compris pour ce qui concerne le régime TSA; invite la Commission à suivre de près la situation et à évaluer les effets de la suspension partielle du régime TSA sur les groupes les plus vulnérables de la société civile ;

 

14. demande à la Commission de contrôler toutes les aides financières bilatérales accordées au gouvernement cambodgien et de veiller à ce que ces aides aillent aux organisations de la société civile et aux partis d’opposition cambodgiens ;

 

15. charge sa Présidente de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, au vice-président de la Commission et haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au secrétaire général de l’ASEAN ainsi qu’au gouvernement, au Premier ministre et à l’Assemblée nationale du Cambodge.

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