Par Sam Rainsy
Le 2 avril 2025, le président américain Donald Trump a dévoilé sa nouvelle initiative commerciale baptisée « Liberation Day », annonçant une nouvelle vague de tarifs douaniers massifs sur les importations américaines. Tandis que la majorité de l’attention médiatique s’est concentrée sur les droits de douane de 34 % sur les produits chinois et de 24 % sur les produits japonais, le chiffre le plus choquant est largement passé inaperçu : un tarif de 49 % sur les importations cambodgiennes — le plus élevé de tous les pays.
Ce qui distingue ce tarif, ce n’est pas seulement sa sévérité, mais la méthodologie non conventionnelle qui le sous-tend. Plutôt que de s’appuyer sur des indicateurs économiques ou commerciaux standard, l’administration Trump a utilisé une formule simpliste et controversée, transformant le déficit commercial américain en une arme.
La base de la formule tarifaire de Trump
La méthode de Trump consiste en les étapes suivantes :
Diviser le déficit commercial des États-Unis avec un pays donné par les importations américaines en provenance de ce pays. Multiplier le résultat par 100 pour obtenir un pourcentage, qualifié par Trump de « tarif étranger effectif ». Diviser ce chiffre par 2 pour obtenir le « tarif de réciprocité » imposé par les États-Unis.
Cette approche ignore une multitude de variables telles que la demande des consommateurs, les chaînes de valeur, les flux d’investissement et les avantages comparatifs. Elle interprète plutôt les déficits commerciaux comme des barrières délibérées, justifiant une riposte.
Chine (Données 2024)
Déficit commercial des États-Unis : 295,4 milliards USD
Importations américaines : 438,9 milliards US
Tarif effectif imposé : 34 %
Japon (Données 2024)
Déficit commercial des États-Unis : 68,5 milliards USD
Importations américaines : 148,2 milliards USD
Tarif effectif imposé : 24 %
Cambodge (Données 2024) — Le pays le plus durement frappé au monde
Le Cambodge, petit pays à faible revenu, est devenu la cible la plus sévèrement sanctionnée par la doctrine commerciale de Trump — malgré sa vulnérabilité économique et sa forte dépendance aux exportations à bas coût comme les vêtements et les accessoires de voyage.
Déficit commercial des États-Unis : 12,3 milliards USD
Importations américaines : 12,7 milliards USD
Calcul : 49 %
Ce taux extraordinairement élevé résulte de l’application rigide de la même formule erronée utilisée pour des partenaires commerciaux bien plus grands et plus riches.
Conséquences et inquiétudes
L’imposition d’un tarif aussi élevé au Cambodge illustre les dangers de l’utilisation des déficits commerciaux comme outil de politique économique. Elle traite un déséquilibre comptable comme une agression économique, ignorant les facteurs structurels qui influencent les flux commerciaux, tels que le coût du travail, les régimes monétaires ou la spécialisation des chaînes d’approvisionnement.
Ce genre d’approche piétine les principes fondamentaux du commerce international, en particulier la théorie des avantages comparatifs formulée par David Ricardo, selon laquelle le libre-échange profite à tous, y compris aux nations les moins productives dans l’absolu. Face à une telle inversion des logiques économiques, Ricardo doit bien se retourner dans sa tombe.
En outre, cette mesure risque de compromettre la trajectoire de développement du Cambodge, alors que le pays tente encore de se remettre de la pandémie et de diversifier son économie. Une grande partie de ses exportations vers les États-Unis soutient des emplois d’usine pour des femmes et des travailleurs ruraux. N’ayant aucun moyen réel de riposter, le Cambodge se retrouve comme la plus grande victime d’une guerre commerciale qu’il n’a ni initiée ni les moyens d’influencer.
Conclusion
Le tarif douanier de 49 % imposé au Cambodge par Trump représente l’aboutissement logique d’une doctrine économique erronée. Présentée comme une question de réciprocité, la méthodologie ignore les réalités du commerce international et sanctionne des pays uniquement sur la base de déficits commerciaux chiffrés — sans prendre en compte les intentions, le niveau de développement ou la structure économique.
Le cas du Cambodge est particulièrement tragique : dans une politique censée s’attaquer à des superpuissances industrielles comme la Chine et le Japon, c’est une petite nation en développement qui paie le prix le plus élevé.
Sam Rainsy
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