La nouvelle est tombée le 12 février. Mais c’est seulement jeudi 13 qu’a été diffusé le communiqué intégrale de la commission européenne justifiant sa décision de retirer au Cambodge le bénéfice des préférences tarifaires dont le pays profitait jusque là pour accéder au marché unique. Le voici en intégralité. Il confirme, sur ce sujet, la défaite politique du premier ministre Hun Sen, «puni» pour la détérioration de la situation des droits de l’homme dans le royaume dont le premier partenaire commercial et militaire est …la Chine !
La Commission européenne a décidé de retirer une partie des préférences tarifaires accordées au Cambodge au titre du régime commercial «Tout sauf les armes» (TSA) de l’Union européenne en raison des violations graves et systématiques des principes en matière de droits de l’homme consacrés par le pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Le retrait des préférences tarifaires – et leur remplacement par les tarifs standards de l’UE (nation la plus favorisée, NPF) – affectera certains produits textiles et certains types de chaussures, ainsi que tous les articles de voyage et le sucre. Le retrait représente environ un cinquième (soit 1 milliard €) des exportations annuelles du Cambodge vers l’UE. Sauf objection du Parlement européen et du Conseil, ce retrait prendra effet le 12 août 2020.
Érosion de la démocratie
Josep Borrell, haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et vice-président de la Commission européenne, a déclaré à ce propos: «Compte tenu de la durée, de l’ampleur et de l’impact des violations, par le Cambodge, des droits à la participation politique et aux libertés d’expression et d’association, l’Union européenne n’a eu d’autre choix que de retirer en partie les préférences commerciales. L’Union européenne ne restera pas passive face à l’érosion de la démocratie, aux atteintes aux droits de l’homme et à la suppression de la liberté de débattre. La décision d’aujourd’hui reflète notre engagement déterminé aux côtés du peuple cambodgien et en faveur de ses droits et du développement durable du pays. Si elles veulent que les préférences commerciales soient rétablies, les autorités cambodgiennes doivent prendre les mesures qui s’imposent.»
Le commissaire chargé du commerce, Phil Hogan, a déclaré à ce sujet: «L’Union européenne est déterminée à soutenir le développement économique et social du Cambodge au moyen des préférences commerciales. Toutefois, le respect des droits de l’homme n’est pas négociable pour nous. Nous reconnaissons les progrès accomplis par le Cambodge, mais de graves préoccupations demeurent. Notre objectif est que les autorités cambodgiennes mettent fin aux violations des droits de l’homme, et nous continuerons à travailler avec elles pour y parvenir.»
Violation des droits de l’homme
La décision de la Commission porte sur les violations des droits de l’homme qui ont déclenché la procédure, tout en préservant l’objectif de développement poursuivi par le régime commercial de l’UE. Elle reconnaît la nécessité de continuer à soutenir le développement économique du Cambodge et la diversification de ses exportations. Toutes les industries émergentes au Cambodge continueront à bénéficier d’un accès en franchise de droits et sans contingent au marché de l’UE. Il en ira de même pour les vêtements à haute valeur ajoutée et certains types de chaussures.
La décision de la Commission fait suite à un dialogue approfondi avec le gouvernement et les parties prenantes du Cambodge. En particulier, au cours des douze derniers mois, la Commission et le Service européen pour l’action extérieure ont mené des missions d’information au Cambodge et ont tenu plusieurs réunions avec les autorités cambodgiennes, tant au niveau technique qu’au niveau politique.
En ce qui concerne les droits civils et politiques, aucun progrès significatif n’a été enregistré depuis le lancement de la procédure de retrait du régime TSA en février 2019.
La Commission prend toutefois acte des mesures adoptées par les autorités cambodgiennes, notamment dans les domaines des droits du travail et des droits fonciers. Toutefois, de graves problèmes subsistent, notamment en ce qui concerne les affaires non résolues engagées au civil et au pénal contre des syndicalistes.
L’Union européenne rappelle la nécessité, pour le gouvernement cambodgien, de rouvrir l’espace politique dans le pays, de créer les conditions nécessaires au rétablissement d’une opposition crédible et de lancer un processus démocratique de réconciliation nationale en instaurant un véritable dialogue sans exclusive. Il s’agit notamment de rétablir les droits politiques des membres de l’opposition et d’abroger ou de réviser des lois, telles que la loi sur les partis politiques et la loi sur les associations et les organisations non gouvernementales.
La Commission et le Service européen pour l’action extérieure poursuivront le dialogue avec les autorités cambodgiennes et continueront de surveiller de près la situation des droits de l’homme et des droits des travailleurs dans le pays. Si le Cambodge fait état de progrès notables, notamment en matière de droits civils et politiques, la Commission pourrait revoir sa décision et rétablir les préférences tarifaires au titre du régime TSA.
Contexte
L’UE est le premier partenaire commercial du Cambodge, attirant 45 % des exportations cambodgiennes en 2018. Les exportations vers l’UE en provenance du Cambodge ont atteint 5,4 milliards € en 2018, soit plus du double de celles enregistrées en 2013 (2,5 milliards €). 95,7 % de ces exportations sont entrées sur le marché de l’UE en bénéficiant des préférences tarifaires au titre du régime TSA (soit 5,2 milliards € sur un total de 5,4 milliards €).
Le TSA est l’un des régimes commerciaux préférentiels relevant du système de préférences généralisées (SPG) de l’UE. Il accorde un accès au marché de l’UE en franchise totale de droits et sans contingent pour tous les produits, à l’exception des armes et des munitions, provenant des pays désignés par les Nations unies comme les pays les moins avancés. L’accès à ces préférences s’accompagne de l’obligation de respecter les droits de l’homme et les droits des travailleurs.