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CAMBODGE – JUSTICE: Après la mort de Douch «l’exécuteur», retour sur l’impossible procès des Khmers Rouges

Journaliste : Redaction
La source : Gavroche
Date de publication : 03/09/2020
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Le décès, mercredi 2 septembre, de Douch, l’exécuteur en chef de la prison de Tul Sleng à Phnom Penh durant le régime du Kampuchea Démocratique (1975-1979) justifie un coup de projecteur sur le tribunal qui le condamna une première fois en 2010, puis définitivement en 2012. Nuon Chea, qui était l’adjoint de Pol Pot, le chef des khmers rouges ; le ministre des Affaires étrangères des khmers rouges, Ieng Sary ; l’ex-chef d’État, Khieu Samphan ; et l’ex-ministre des Affaires sociales, Ieng Thirith sont les autres accusés à avoir comparu devant le tribunal spécial crée par l’ONU et le gouvernement cambodgien. Seul Khieu Samphan, né en 1931, est aujourd’hui encore vivant.

 

Le verdict de culpabilité rendu contre Douch en 2010 puis 2012 au Cambodge par le tribunal spécial chargé de juger les anciens dirigeants khmers rouges fut le premier pas important dans la recherche de la justice pour les victimes du régime génocidaire du Kampuchea Démocratique.

 

Kaing Gech Eav, alias « Douch », décédé mercredi 2 septembre à Phnom Penh, était le premier des cinq anciens responsables khmers rouges (Ieng Sary, Ieng Thirith, Nuon Chea, Khieu Samphan, Meath Muth) traduits devant les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC) à avoir été déclaré coupable de «crimes contre l’humanité». Durant les huit mois de son premier procès, il avait reconnu sa responsabilité pour nombre des crimes horribles commis alors qu’il dirigeait la prison de Tuol Sleng, à Phnom Penh, où plus de 14 000 personnes ont été torturées et envoyées à la mort sous le régime khmer rouge entre 1975 et 1979.

 

D’abord condamné à 35 ans de prison

 

Douch, arrêté en 1999 avant la création à Phnom Penh du tribunal soutenu par les Nations Unies, a d’abord été condamné à 35 ans de prison pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Il a ensuite été condamné en 2012 à la perpétuité.

 

« Bien qu’il ait fallu attendre plus de trente ans après la chute des khmers rouges pour que la justice soit rendue, le fait que Douch ait rendu compte de ses crimes était essentiel », expliquait lors de sa condamnation Sara Colm, chercheuse basée au Cambodge pour Human Rights Watch.

 

Juger les « hauts dirigeants » et « autres hauts responsables » Khmers Rouges

 

Le mandat de ce tribunal spécial était de juger les « hauts dirigeants » et « autres hauts responsables » pour des atrocités commises par les khmers rouges entre 1975 et 1979. Mais depuis sa création, l’ingérence pour des motifs politiques de la part du gouvernement cambodgien a entravé d’autres inculpations . Exemple: en janvier 2009, la co-procureure cambodgienne, Chea Leang, a invoqué des considérations politiques – et non le défaut de preuves ou bien des points de droit – pour rejeter les dossiers de six nouveaux suspects présentés par le co-procureur international, Robert Petit. Parmi ces considérations figuraient « l’instabilité passée » du Cambodge et le « besoin de réconciliation nationale ».

 

Alors que la chambre préliminaire avait jugé en août 2009 que de nouveaux dossiers pourraient être présentés, le Premier ministre Hun Sen ainsi que d’autres hauts responsables ont fait de nombreuses déclarations avant et après le jugement dans lesquels ils soutenaient que le tribunal ne poursuivrait pas d’autres détenus que les cinq suspects alors en détention. Par exemple, dans un discours public de mars 2009, Hun Sen a déclaré qu’il préfèrerait voir le tribunal échouer plutôt que le retour de la guerre au Cambodge comme conséquence de procès supplémentaires.

 

L’opposition de Hun Sen

 

« Je prierais pour que ce tribunal manque de fonds et que les juges et les procureurs étrangers s’en aillent », avait alors affirmé Hun Sen, toujours premier ministre du Cambodge en 2020 et lui même ancien jeune officier subalterne des Khmers Rouges. Nuon Chea, qui était l’adjoint de Pol Pot, le chef des khmers rouges ; le ministre des Affaires étrangères des khmers rouges, Ieng Sary ; l’ex-chef d’État, Khieu Samphan ; et l’ex-ministre des Affaires sociales, Ieng Thirith.

 

Le tribunal soutenu par l’ONU, dont le siège se trouve dans la capitale du Cambodge, Phnom Penh, a été créé en 2006 comme une chambre spéciale au sein du système judiciaire cambodgien. Il s’agit d’un tribunal « hybride » constitué de juges et de procureurs cambodgiens et internationaux.

 

Nuon Chea (mort le 4 août 2019) et Khieu Samphan ont été condamnés en novembre 2018 au Cambodge à la prison à vie pour «génocide», un qualificatif retenu pour la première fois par le tribunal international 40 ans après la chute du régime qui a fait quelque deux millions de morts.

 

Ieng Sary est décédé en mars 2013 avant la fin de son procès de même que son épouse Ieng Thirith, décédée six mois plus tôt.

 

Voici le communiqué du Tribunal Spécial pour le Cambodge (Chambres extraordinaires auprès des tribunaux cambodgiens) sur le décés de Douch

 

Mercredi 2 septembre. Le co-procureur national souhaite informer le public que le condamné Kaing Guek Eav alias Douch, Cambodgien, est décédé à l’hôpital de l’amitié khmero-soviétique le 2 septembre 2020 à 00h51.

 

Il était né le 17 novembre 1942 dans le village de Poy Veuy, commune de Peam Bang, district de Stoung, province de Kampong Thom. Il était professeur et ancien président du centre de torture de Tuol Sleng, baptisé S-21. Il a été arrêté et détenu le 10 mai 1999 et transféré au centre de détention des CETC le 30 juillet 2007. Le 31 juillet 2007, il a été accusé de crimes contre l’humanité, d’infractions graves aux Conventions de Genève du 12 août 1949, de torture et d’homicide en vertu du Code pénal de 1956.

 

Début des poursuites en mars 2009

 

Le 30 mars 2009, la Chambre de première instance a commencé les poursuites contre Kaing Guek Eav alias Douch et a tenu des audiences de preuve des témoins et des parties civiles pendant une période de 72 jours.

 

Le 26 juillet 2010, le jugement du procès a été prononcé, concluant que Kaing Guek Eav alias Douch était responsable de S-21 pendant plus de trois ans, causant la mort de plus de 12 272 victimes. Par conséquent, la Chambre de première instance l’a déclaré coupable et l’a condamné à 35 ans de prison pour extermination, meurtre, réduction en esclavage, emprisonnement, torture et autres actes inhumains constitutifs de crimes contre l’humanité, ainsi que pour homicide volontaire, torture et traitement inhumain, pour avoir délibérément causé de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé, et pour avoir délibérément privé un prisonnier de guerre ou un civil du droit à un procès équitable et régulier, et pour avoir illégalement détenu un civil en raison de graves violations des Conventions de Genève du 12 août 1949.

 

Les co-procureurs, les parties civiles et Kaing Guek Eav alias Douch ont fait appel du jugement de première instance devant la chambre de la Cour suprême.

 

Le 3 février 2012, la chambre de la Cour suprême a rendu un jugement en appel et a condamné Kaing Guek Eav alias Douch à la prison à vie.

 

Kaing Guek Eav alias Douch a été transféré au centre correctionnel provincial de Kandal le 6 juin 2013 pour y purger sa peine suite à la décision de la chambre de la Cour suprême.

 

Aujourd’hui, le co-procureur national notifie que Kaing Guek Eav alias Douch est décédé.

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