Le tribunal international spécial pour le Cambodge a prononcé vendredi des peines de prison à vie contre Nuon Chea, âgé de 92 ans,et Khieu Samphan, l’ancien chef de l’Etat du “Kampuchéa démocratique” de 1975 à 1979. Cette juridiction spéciale composée de magistrats internationaux et Cambodgiens a reconnu qu’une partie des exactions commises par le régime des Khmers Rouges constituaient un «génocide». Une condamnation historique qui laisse néanmoins un goût amer: Les deux hommes sont les derniers dirigeants encore en vie d’un mouvement dont tous les autres responsables ont disparu, dont plusieurs avant d’être condamnés.
Tous deux ont écouté la lecture du jugement par le Tribunal spécial chargé de les juger sous la tutelle du gouvernement cambodgien et des Nations-Unies.
Nuon Chea, considéré comme l’idéologue du régime Khmer Rouge, se trouvait à l’extérieur de la juridiction, dans la prison proche, au sein d’une cellule spéciale aménagée pour raisons de santé. Khieu Samphan, l’ancien Chef de l’Etat du Kampuchéa Démocratique, bien connu en France où il fit ses études et sa thèse dans les années 50, se trouvait lui dans la salle d’audience.
40 ans bientôt après le 7 janvier 1979, qui vit la chute du régime d’inspiration maoïste responsable de plus de deux millions de morts dans la population cambodgienne, leur condamnation à la prison à vie sonne le glas d’un procès très critiqué pour sa longueur.
Le Cambodge est dirigé depuis le milieu des années 80 par un homme fort, le premier ministre Hun Sen, qui concentre tous les pouvoirs dans ses mains et dans celles de sa famille.
Son principal opposant, Sam Rainsy, vit en exil forcé en France. Ancien officier de l’armée khmère rouge, rallié en 1978 aux Vietnamiens, Hun Sen n’était pas visé par les enquêtes du Tribunal exclusivement focalisées sur le dirigeants historiques du mouvement.
C’est en avril 1975 que la guérilla communiste Khmère Rouge dirigée par Pol Pot prend le contrôle du Cambodge.
Le régime qui en résultera porte le nom de «Kampuchea Démocratique» et restera au pouvoir jusqu’en janvier 1979, date de l’intervention militaire de l’armée vietnamienne qui chasse ses dirigeants vers la frontière de la Thaïlande voisine.
En quatre ans, près d’1,7 millions de Cambdodgiens et quelques milliers d’étrangers présents dans le pays à cette époque, sont tués lors de purges ou meurent dans les immenses travaux forcés d’irrigation entrepris sans réelle planification.
La qualification de «génocide » était de longue date attendue par les survivants et les descendants de victimes des Khmers Rouges, même si le Cambodge actuel tente de plus en plus de prendre de la distance avec cette mémoire sanglante, incarnée à Phnom Penh par l’ancien camp de détention S 21, où des milliers de personnes furent torturées et exécutées après des aveux extorqués sur leur soi disant participation à un complot de la CIA.
Le principal soutien international des Khmers Rouges était à l’époque la Chine communiste, obsédée par sa rivalité avec son ennemi Vietnamien.
Dans sa qualification des crimes commis, le Tribunal spécial crée au début des années 2000 a estimé que l’idéologue du régime, Nuon Chea, âgé de 92 ans,«a eu une contribution significative à la commission des crimes» et «détenait le pouvoir de décision ultime» avec Pol Pot. Khieu Samphan, le chef de l’Etat du «Kampuchéa démocratique», signataire des accords de paix de Paris en 1991 qui mirent fin à vingt années de guerre ininterrompues, était lui «le visage» du mouvement ultra-maoïste.
Plusieurs centaines de personnes, dont des membres de la minorité musulmane cham et des moines bouddhistes, étaient également présents.
Selon le jugement du Tribunal, lu à l’audience, le qualificatif de «génocide» vise les actions à l’encontre des Vietnamiens, de la communauté des Chams et d’autres minorités religieuses.
L’objectif des Khmers Rouges était, selon le juge, d’«établir une société athée et homogène (en) supprimant toutes les différences ethniques, nationales, religieuses, raciales, de classe et culturelles».
Le qualificatif ne concerne en revanche pas les massacres, fussent-ils de masse, des Khmers par les Khmers qui ne sont pas considérés par les Nations unies comme un génocide.
Un autre responsable Khmer Rouge, le chef de la prison S21 Douch, avait été condamné à la prison à vie par ce même tribunal en 2010.
Les autres co-accusés présents sur les bancs lors des premières audiences, l’ancien premier ministre Khmer Rouge Ieng Sary et l’ancienne ministre Ieng Thirith, sont décédés en cours d’instruction.
Le dirigeant suprême des Khmers Rouges, Pol Pot, dont le nom d’état civil était Saloth Sar, est mort le 15 avril 1998 à Anlong Veng, dans l’Extrême nord du Cambodge, alors qu’il était prisonnier d’un de ses anciens lieutenants, Ta Mok.
L’autre signataire des accords de paix de Paris, Son Sen, avait auparavant été exécuté en 1997 par Pol Pot.
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