L’organisation de défense des droits de l’homme Amnesty International hausse le ton avant l’ouverture ce mercredi 15 janvier à Phnom Penh du procès de l’opposant Kem Sokha. Selon Amnesty, les accusations de trahison portées par les autorités cambodgiennes contre le chef du principal parti d’opposition interdit du pays, sont fausses et doivent être abandonnées.
Kem Sokha, président du Parti national du sauvetage du Cambodge (CNRP), encourt jusqu’à 30 ans de prison s’il est reconnu coupable de trahison. Son procès devant le tribunal municipal de Phnom Penh devrait commencer à 8h30 le 15 janvier 2020.
«Après deux ans de détention arbitraire, les autorités n’ont présenté aucun élément de preuve crédible pour étayer une accusation de trahison» estime Nicholas Bequelin, directeur régional d’Amnesty International. «Le crime est inexistant. Il a été fabriqué politiquement pour favoriser la répression du parti d’opposition. Le tribunal de Phnom Penh doit acquitter Kem Sokha pour mettre fin à cette parodie de justice. »
Arrêté en septembre 2017
Sokha, 66 ans, a été arrêté lors d’une descente de minuit à son domicile de Phnom Penh le 3 septembre 2017 et accusé plus tard de «complot avec une puissance étrangère», ou trahison, en vertu de l’article 443 du Code pénal cambodgien. Il est accusé d’avoir comploté avec le gouvernement américain pour renverser illégalement le gouvernement cambodgien.
L’arrestation a eu lieu malgré le fait que Sokha bénéficiait alors de l’immunité parlementaire. Les autorités ont justifié son arrestation au motif que le crime était «flagrant» ou pris en flagrant délit, même si la seule preuve présentée était une vidéo d’un discours de Sokha de 2013.
Dans la vidéo fortement éditée publiée par les médias pro-gouvernementaux avant son arrestation initiale, Kem Sokha est vu en train de parler à des partisans du CNRP en Australie. Pendant le discours, Sokha déclare reçu des conseils de conseillers des États-Unis concernant la modification du leadership politique du Cambodge. Il n’y a aucune suggestion de violence ou de recours à la force dans l’extrait vidéo.
«Manque total de crédibilité»
«Plutôt que d’être basé sur des faits et des lois, ce récit concocté est un front pour le déni systématique des droits à la liberté d’association et d’expression de millions de personnes qui soutiennent le CNRP» poursuit Amnesty International. Au cours des trois dernières années, les autorités cambodgiennes utilisent la justice pénale pour éliminer le CNRP. La dissolution du parti et le ciblage de centaines de ses membres par les tribunaux constituent une campagne concertée de harcèlement contre l’opposition politique»
30 observateurs maximum au procès
Le tribunal municipal de Phnom Penh a annoncé le 9 janvier que 30 personnes au maximum seraient en mesure d’observer le procès en raison de l’espace limité et que tous les observateurs devaient s’inscrire à l’avance. De nombreux journalistes indépendants et observateurs des droits de l’homme craignent de se voir refuser l’accès au procès.
Sokha s’est d’abord vu refuser sa libération sous caution et a été placé en détention provisoire dans la prison éloignée du centre correctionnel 3 à sécurité maximale, à la frontière avec le Viet Nam, dans la province de Tbong Khmum. Le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a déclaré la détention de Sokha arbitraire et illégale. Il a été libéré sous caution et soumis à des conditions restrictives équivalant à une assignation à résidence en septembre 2018.
Menaces commerciales européennes
Ses conditions de libération sous caution ont été assouplies en novembre 2019, compte tenu du risque de révocation des préférences commerciales de l’Union européenne (UE) dans le cadre de l’initiative commerciale «Tout sauf les armes» (ABE) en raison de préoccupations en matière de droits de l’homme. Les conditions révisées de sa mise en liberté sous caution lui interdisent toujours de se livrer à toutes les activités politiques et de quitter le Cambodge.
Le programme TSA, dans le cadre duquel les économies les moins développées du monde peuvent bénéficier d’un accès à l’exportation en franchise de droits vers les marchés européens, exige le respect des droits de l’homme et des normes internationales du travail. Une décision finale et les résultats de l’examen de l’UE sont prévus pour février 2020.