Intervenant régulier dans les colonnes de Gavroche, le leader de l’opposition cambodgienne en exil Sam Rainsy lance, en ce début 2024, un appel à Emmanuel Macron et au nouveau ministre français des Affaires étrangères Stéphane Séjourné.
Un appel de Sam Rainsy
Le président français Emmanuel Macron s’apprête à recevoir la semaine prochaine le nouveau premier ministre cambodgien Hun Manet, après avoir reçu le prédécesseur et père de celui-ci, Hun Sen, en décembre 2022.
Les Cambodgiens appréhendent les conséquences probables de la “visite officielle” de Hun Manet en France les 18 et 19 janvier 2024 parce qu’ils ont été traumatisés par les fâcheuses retombées de la rencontre Emmanuel Macron- Hun Sen à l’Élysée le 13 décembre 2022.
Ce jour-là, le magazine francophone Gavroche basé en Thaïlande avait publié une lettre que j’avais adressée au président français pour l’avertir des conséquences qu’une telle rencontre pouvait avoir sur la situation au Cambodge, notamment pour ce qui concerne les violations des droits de l’homme.
J’avais mis en garde le président Macron en ces termes : “Vous devez savoir que Hun Sen, ce dictateur honni par la majorité du peuple khmer et condamné de toutes parts par la communauté mondiale des nations démocratiques, ne poursuit qu’un seul but quand il est hors de son pays: se reconstituer une légitimité internationale fortement mise à mal par ses violations de plus en plus graves des droits de l’homme.”
Mais Emmanuel Macron n’a pas voulu ouvrir les yeux et a donné à Hun Sen ce que ce dernier voulait, exactement comme je l’avais écrit : “Hun Sen s’amuse à présenter tout geste cérémonial et honorifique à son égard venant de dirigeants occidentaux comme une caution à sa politique de répression au Cambodge.”
Effectivement, à son retour de France, revigoré par l’onction diplomatique qu’il a reçue à l’Élysée, Hun Sen a immédiatement accentué sa politique de répression durant toute l’année 2023 :
– 16 janvier : Arrestation de Thach Setha, vice-président du Parti de la Bougie (CLP), seul parti d’opposition encore autorisé. Thach Setha sera condamné à 18 mois de prison en septembre, puis encore à trois ans de détention en octobre, pour des motifs aussi fallacieux les uns que les autres selon les organisations internationales des droits de l’homme.
– 13 février : Fermeture de “Voice of Democracy”, le dernier média indépendant au Cambodge que Hun Sen a décidé de ne plus tolérer.
– 3 mars : Kem Sokha, président du Parti du Salut National (CNRP) qui avait failli mettre fin au régime actuel de Phnom Penh par les urnes en 2013 et qui avait été arbitrairement dissous par Hun Sen en 2017, a été condamné à 27 ans de prison pour “trahison avec la complicité des Américains”.
– 15 mai : Pour un motif grotesque dénoncé par les diplomates occidentaux sur place, le Parti de la Bougie (CLP) s’est vu signifier l’interdiction de présenter des candidats aux élections législatives du 23 juillet 2023. Ces élections sans la présence de l’opposition seront remportées triomphalement par le parti au pouvoir.
– 25 mai : La chef syndicaliste Chhim Sithar est condamnée à deux ans de prison après avoir été arrêtée quelques mois auparavant. Amnesty International et des organisations syndicales internationales continuent de réclamer sa libération.
Depuis les élections du 23 juillet dernier jugées “ni libres ni équitables” par tous les observateurs indépendants et depuis le remplacement de Hun Sen par son fils Hun Manet au poste de premier ministre le 22 août dernier, la démocratie au Cambodge poursuit sa descente aux enfers avec l’arrestation et la condamnation en nombre croissant de sympathisants de l’opposition, représentants ouvriers, militants des droits de l’homme et défenseurs de l’environnement. S’ils ne sont pas jetés en prison ou contraints à l’exil, ces citoyens critiques sont souvent agressés physiquement, battus violemment et parfois tués dans la rue par les sbires du régime qui bénéficient d’une totale impunité.
Le président Macron a-t-il été informé d’une telle situation ? Sait-il que, par la voix d’un Rapporteur spécial, le Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme vient de publier en octobre dernier un rapport accablant sur le régime Hun Sen-Hun Manet ?
Dans ses discours et ses écrits les plus récents à propos du Cambodge Emmanuel Macron n’a pas dit un seul mot sur les droits de l’homme dans ce pays. Ni sur la corruption érigée en système de gouvernement. Ni sur la mise en place toute récente d’une dictature kleptocratique héréditaire de style moyenâgeux. Ni sur les inégalités sociales de plus en plus révoltantes.
Dans sa lettre d’invitation à Hun Manet le président Macron n’a mentionné aucune des préoccupations pressantes que ressentent actuellement les Cambodgiens ordinaires.
Ces Cambodgiens sont en train de se dire que le président français, après avoir été trompé par “Papa Doc Hun Sen” en 2022, va à nouveau être induit en erreur par “Bébé Doc Hun Manet” en 2024. Comme en 2023, ils s’attendent en 2024 à des évènements douloureux dont Emmanuel Macron et ses conseillers sont en partie responsables par leur apparente complaisance.
Sam Rainsy
Président par intérim du CNRP
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