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CAMBODGE – POLITIQUE: Sam Rainsy relance son programme en 10 points

Journaliste : Redaction
La source : Gavroche
Date de publication : 12/12/2019
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Dix points pour restaurer la démocratie au Cambodge et éviter les sanctions européennes: c’est sous ce titre que l’opposant en exil Sam Rainsy vient d’adresser une longue lettre au peuple cambodgien. Objectif: démontrer, après son retour raté au Cambodge, qu’il demeure une force politique incontournable. Avec un argument de poids: ignorer les appels de la communauté internationale reviendrait, pour le gouvernement du premier ministre Hun Sen, à prendre le risque de saboter durablement l’économie du pays.

 

Nous reproduisons ici l’appel lancé par Sam Rainsy

 

Depuis 2017 la crise politique au Cambodge a pris un nouveau tournant pour le pire. Jusque-là, le régime autoritaire et répressif du Premier Ministre Hun Sen pouvait présenter une image de stabilité derrière une façade de démocratie qui occultait une opposition ligotée, des élections manipulées et une justice aux ordres. Mais cette façade trompeuse s’est brusquement effondrée avec l’arrestation en septembre 2017 du chef de l’opposition Kem Sokha et la dissolution en novembre 2017 du seul parti d’opposition parlementaire, le CNRP que Kem Sokha avait fondé avec Sam Rainsy en 2012.

 

Élections législatives controversées

 

A partir de 2013 le CNRP a obtenu le soutien de presque la moitié du corps électoral. Sa dissolution a été suivie par l’organisation en juillet 2018 d’élections législatives très controversées au cours desquelles le parti de Hun Sen a raflé la totalité des sièges à l’Assemblée nationale grâce précisément à l’élimination — juste avant la compétition électorale — du CNRP qui était son seul vrai concurrent. Ce retour à un système de parti unique signale la mort de la démocratie sans plus aucune possibilité de dissimulation et constitue une violation des Accords de Paris de 1991 qui garantissent pour le Cambodge un système de “démocratie libérale et pluraliste”.

 

Face à cette dérive totalitaire la communauté internationale, à l’exception de la Chine, a réagi avec maintes condamnations. La plus forte réaction est venue de l’Union Européenne qui a lancé une sorte d’ultimatum au Cambodge en l’enjoignant de rétablir les mécanismes démocratiques avant le 12 décembre 2019 sous peine d’une suspension d’avantages commerciaux vitaux pour l’économie cambodgienne connus sous le nom “Tout Sauf les Armes”.

 

Moment de vérité

 

Le Cambodge est maintenant confronté à un moment de vérité et à un choix décisif qui s’articule autour des dix points suivants:

 

1- Hun Sen n’acceptera pas facilement de céder le pouvoir de son plein gré. Habitué à un pouvoir autocratique depuis 1985 et ayant commis beaucoup d’actes répréhensibles au cours de son long règne, il cherche à tout prix à s’assurer une impunité que seul le pouvoir peut lui garantir. Avançant en âge, il veut conserver ce pouvoir au sein de sa famille et prépare un de ses fils, Hun Manet, à lui succéder. De plus en plus guidé par la peur, il paraît déterminé à réaliser son plan de garder et de transmettre le pouvoir comme il l’entend, sans se soucier de l’avis du peuple cambodgien ni de l’opinion publique internationale.

 

2- Devant la montée de l’opposition démocratique unie représentée par le CNRP, symbolisée par le couple Kem Sokha-Sam Rainsy et largement soutenue par une jeunesse impatiente de changement dans un pays classé parmi les plus autoritaires, les plus pauvres et les plus corrompus du monde, Hun Sen n’a d’autres moyens que d’accentuer le côté répressif de son régime.

 

3- Les dernières performances spectaculaires de l’opposition qui a recueilli 44% des voix aux élections législatives de juillet 2013 comme aux élections locales de juin 2017, et cela malgré de nombreuses irrégularités en faveur du parti au pouvoir, ont pris Hun Sen de court et l’ont conduit à ordonner la dissolution du CNRP en novembre 2017.

 

4- Le tournant de 2017 ne signifie pas simplement un changement des règles du jeu politique, mais carrément un changement de jeu imposé par Hun Sen qui rejette soudainement et brutalement le jeu démocratique et ne se soucie plus d’une quelconque façade pour préserver les apparences.

 

5- Une accusation fallacieuse de “trahison” portée à l’encontre de Kem Sokha a servi de prétexte à son arrestation et à la dissolution du CNRP. Cette dissolution a entraîné le bannissement de 118 dirigeants du CNRP de toutes activités politiques et la confiscation de tous les postes électifs que le CNRP avait obtenus par le suffrage universel. Ces postes gagnés par l’opposition aux niveaux national et local ont été redistribués aux partisans du parti au pouvoir.

 

6- Face à cette négation du suffrage universel et à ce rejet des principes et mécanismes démocratiques fondamentaux, l’Union Européenne exige pratiquement le renversement et l’annulation de toutes les mesures répressives prises par le régime Hun Sen depuis 2017: levée des restrictions sur la liberté de Kem Sokha, abandon de toutes les accusations prononcées contre lui et les autres dirigeants du CNRP, restitution des postes électifs indûment confisqués et rétablissement des mécanismes démocratiques fondamentaux nécessitant la présence et la participation d’une véritable opposition dans la vie politique du pays. Dans les circonstances actuelles, le CNRP représente le seul parti d’opposition crédible parce que, face au pouvoir, il est le seul à bénéficier d’un soutien et d’une légitimité populaires incontestables.

 

7- Les exigences de l’Union Européenne se heurtent à la volonté farouche de Hun Sen de préserver son pouvoir absolu. A juste titre, Hun Sen perçoit l’opposition démocratique unie sous la bannière du CNRP comme la principale menace à son régime. Il continue donc à chercher à anéantir le CNRP par tous les moyens. Maintenant Hun Sen est en train de faire pression sur Kem Sokha — qui se trouve encore à ce jour dans la position d’un otage — pour l’amener à briser l’alliance Kem Sokha-Sam Rainsy, provoquant ainsi une division fatale de l’opposition démocratique.

 

8- Ni Kem Sokha ni Sam Rainsy ne sont dupes des manœuvres de Hun Sen. Tous les deux comprennent l’impérieuse nécessité de rester unis pour faire triompher la cause de la démocratie. Cette union ne peut se poursuivre que dans le cadre d’un CNRP légalement restauré, d’où la demande fondamentale et légitime des démocrates cambodgiens d’une réhabilitation et réactivation du CNRP.

 

9- Parce que Kem Sokha a été injustement accusé de “trahison” et de “collusion” avec les États-Unis pour renverser le régime de Phnom Penh par des moyens violents et illégaux — accusation sans fondement qui a servi de prétexte à Hun Sen pour dissoudre le CNRP — la réhabilitation du CNRP et de tous ses dirigeants ne devra pas — en toute logique — poser de problème: elle devra se faire automatiquement dès lors que Kem Sokha lui-même sera réhabilité après la reconnaissance de son innocence. Un cercle vertueux de la réhabilitation devra venir remplacer le cercle vicieux de la répression.

 

10- C’est alors que viendra le moment de vérité. Hun Sen devra enfin faire preuve de logique et de bonne foi. La vérité est que Hun Sen est pris à son propre piège car le cynisme a des limites. L’accusation de “trahison” portée à l’encontre de Kem Sokha, à l’origine des mesures de répression prises par Hun Sen depuis 2017, est en train de se déliter. Hun Sen lui-même devra reconnaître qu’il n’existe aucune preuve sérieuse pour étayer cette accusation. Un juge aux ordres de l’exécutif vient de déclarer — après n’avoir rien trouvé de concluant pendant une recherche de plus de deux ans — que l’enquête sur Kem Sokha était close. Hun Sen devra alors soit innocenter Kem Sokha et lever toutes restrictions sur ses droits et libertés, c’est-à-dire le réhabiliter complètement, soit organiser très vite une farce judiciaire pour le faire condamner pour un crime imaginaire, ce qui serait inacceptable pour l’Union Européenne. En effet, même si la condamnation de Kem Sokha était suivie d’une grâce royale, un tel arrangement à titre personnel ne serait pas de nature à restaurer la démocratie et l’état de droit. Ce sera aussi le moment de vérité pour l’Union Européenne qui montrera son respect — ou non — des normes de vérité, de justice et de démocratie qui font partie du socle des valeurs qu’elle affiche aux yeux du monde entier.

 

Sam Rainsy
Co-fondateur, ancien président et président par intérim du CNRP.

 

L’équipe dirigeante du CNRP, actuellement réfugiée à l’étranger, comprend le président par intérim du parti nommé après l’arrestation du président Kem Sokha, deux vice-présidents sur trois (Mu Sochua et Eng Chhai Eang) et quinze membres du comité permanent sur vingt cinq qui occupaient leurs postes depuis avant la dissolution arbitraire et illégal du parti par Hun Sen en 2017.

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