Des galères et des petits boulots à trois sous, « Miss Da » en a plein sa sacoche. Cette surdiplômée thaïlandaise tente de faire son petit bout de chemin sur la banquise française, non sans mal. Elle pose un regard humoristique sur les symptômes de la société française à travers un cornet de glace. Envie d’une boule ? Alors suivez le guide…
Dans la restauration, la question de l’hygiène est cruciale.
Mon kiosque à glaces n’échappe pas à la loi.
Règle n°1 : « Il ne faut pas que les clients voient les éponges, tu les mets dans l’évier. Ça ne fait pas propre. » Mais oui, bien sûr, les éponges ça ne fait pas propre et, en plus, c’est tellement pratique d’utiliser des éponges trempées et imbibées de glace, de lait, de milkshake… Quant à l’éponge utilisée pour sécher les cuillères à glace avant de servir, elle est comme neuve… Pour preuve, sa fraiche odeur de lait fermenté pourri.
Règle n°2 : « Il est interdit de préparer deux verres de milkshake dans le même mixeur. Ça ne fait pas propre non plus ». Je ne vois pas comment le fait de verser le contenu d’un seul bol-mixeur dans deux verres souillerait davantage les milkshakes. Enfin bon, ce n’est pas moi qui décide.
Règle n°3 : « Il faut verser le milkshake sous les yeux du client, sinon, ça ne fait pas propre ! » Oui chef ! Je le verserai à la façon d’un barman avec son shaker. Et encore, je vous épargne les règles n°4, n°5…
Inutile de vous donner le détail des pseudo codes de propreté régnant dans mon kiosque à glaces.
Un jour, le client est revenu me voir. « Mademoiselle, regardez ce que j’ai trouvé dans la glace ! ». J’ai vu un petit morceau de plastique de taille minuscule, 1/2 cm peut-être, au creux de sa main. « J’ai trouvé ça dans la glace de ma fille. Vous vous rendez compte si elle l’avait avalé ! » « Je suis vraiment désolée, monsieur. J’en informerai ma responsable ». « Bien sûr ! » a-t-il lancé, avant de verser le reste de sa glace dans la poubelle la plus proche. J’ai vraiment compati.
Heureusement qu’il s’agissait d’une glace et non d’un milkshake, sinon sa fille aurait pu aspirer ce petit morceau de plastique avec sa paille. Ce n’est pas la première fois que je vois de tels morceaux de plastique. Ils proviennent des couvercles cassés. J’en ai bien averti ma responsable. Elle s’est contentée de me dire : « Vous n’avez qu’à faire attention ! ». « Mais ces morceaux sont tellement petits qu’on ne peut pas les voir. Pourriez-vous remplacer les couvercles usagés ou en commander des plus résistants ? », ai-je rétorqué. « Non, c’est à vous de faire attention » a-t-elle répondu. Comment peut-on distinguer des morceaux si petits dans les boules de glace ? Achetez-nous une loupe, ou un filtre à plastique peut-être. Et si le père de la fille avait porté plainte ? Paniquée, j’ai appelé ma responsable pour l’avertir de cette éventualité mais, au bout de fil, elle a répété d’une voix agacée : « Mais je t’ai déjà dit de faire attention ». Elle est complètement hermétique à la remise en question. Comment pourrais-je parvenir à lui faire comprendre que les morceaux sont invisibles et que les couvercles ne sont pas utilisables ad aeternam.
Monsieur, faites-moi plaisir, allez porter plainte ! Cela lui permettra, peut-être, de faire « plus attention ».
Lilly, ma collègue, m’a appelée un soir, paniquée. « Tu sais quoi ? Violaine m’a demandé qui a sorti les beignets du congélateur ? » me dit-elle. « Bah c’est bien, non ? Comme les glaces ne marchent pas trop, tu as pris l’initiative de sortir les beignets », la rassurai-je. « Je le pense aussi, sauf qu’elle m’a appris que les beignets étaient périmés depuis deux ans ! » « Quoi ? Ce n’est pas vrai ? » « Elle m’a engueulé parce que je n’ai pas regardé la date. Moi, je pensais que tout ce qui était dans la réserve était consommable », m’explique dit Lilly. Qui pourrait imaginer que la patronne laisse un produit périmé depuis deux ans dans le stockage courant ? Nous regardons rarement les dates de péremption parce que les produits congelés se conservent, en général, un à deux ans.
Ces beignets devaient trainer depuis plusieurs années alors…Cela me fait penser qu’on ne regarde jamais non plus celle des glaces, qui pourraient bien dater, qui sait, de l’âge de glace ! « J’ai peur que Violaine me licencie », s’inquiète Lilly. « Mais non, ne t’en fais pas, c’est aussi de sa faute. Pourquoi a-t-elle gardé ces beignets ? Il aurait fallu les jeter depuis deux ans. » Nous sommes vraiment désolé pour vous, chers clients qui avez acheté ces beignets.
Pour vous rassurer, je vais vous faire une confidence : la responsable est très gourmande de nature Elle se laisse facilement tenter par les douceurs, son pêché mignon. Ce jour-là, je l’ai surprise en train de se servir discrètement d’un beignet. Elle n’en a pas souffert.