Retrouvez régulièrement les délicieuses chroniques de notre ami Michel Hermann, arpenteur de sa province de Sukhothai. Ancien journaliste de l’Agence France Presse, ancien attaché culturel de l’Ambassade de France à Bangkok, Michel fut, pendant prés de vingt ans, l’âme du Lotus Village, boutique-hôtel de charme dans la cité historique thaïlandaise. Un regard perçant et tendre sur le Siam. Cette nouvelle chronique vous propose une balade champêtre illustrée dans un village communautaire situé près de Sukhothaï.
Bien assise sur sa planche en bois de teck,
Les pieds sur les quatre pédales de bambous
Du métier à tisser, elle fait passer dessous,
Dans la foulée, la navette en bois avec
Son fil de trame, qui va ainsi s’insérer
Entre les fils de chaîne. Un rang de tissus
Est ainsi créé dans l’ensouple avant, tenu
Et léger, Elle manie ensuite le harnais
Avec la pédale, inversant l’ouverture
De la foulée, pour introduire la navette
Entre les fils encroisés. En bas, la planchette
Inférieure fait un clap sonore. La texture
Du tissus de coton prend forme peu à peu.
Elle manipule ainsi avec dextérité
Les fils de chaîne en coton et les harnais
Pendant des heures dans un calme religieux.
A Ban Nan Ton Chan, village communautaire,
Elles sont nombreuses à tisser sous leur maison
En bois de teck sur pilotis, à l’unisson,
Ces étoffes souples et raffinées hors pair.
Elles vous accueillent avec chaleur et sourire
Lorsque, au détour d’un court sentier cimenté,
Vous pénétrez dans leurs maisons, riantes et gaies,
Ouvertes à tous vents et pleines de souvenirs.
Je flânais ainsi entre jardins potagers
Et imposantes bâtisses traditionnelles,
Dans cette riche végétation informelle
Où se côtoient plantes sauvages et vergers.
Ce village, niché à quelques quatre-vingt
Kilomètres environ au nord de Sukhothaï,
Entre Uttaradit et Sri Satchanalaï,
Propose un éco-tourisme à visage humain.
Tante Sangiam
Rien n’aurait été possible sans le courage
Et la volonté de Sangiam Sawaenglap,
Fondatrice et visionnaire qui, étape
Après étape, a façonné son ouvrage,
Pour en faire après trente années de lutte,
Une communauté dont la réputation
A dépassé les frontières de la nation.
Cela n’a pas été simple. Souvent en butte
A l’incompréhension, l’argent, la jalousie,
Elle est partie de rien, comme femme au foyer
Vendant des fruits et légumes sur les marchés.
A soixante-cinq ans, sa tâche est accomplie.
Tout est biologique ici. Même les teintures
Sont conçues à base de plantes naturelles
Ou cultivées. Des recettes traditionnelles
Perdues ont été retrouvées, madame nature
S’occupant du reste. Les tissus en coton
Sont ainsi assouplis en les faisant mijoter
Dans un mélange de teinture et de boue filtrée,
Tel que les paysannes de cette région
Le faisaient pour leurs sarongs dans les temps anciens.
Grâce à leur exceptionnelles qualité,
Les tissus de Ban Na Ton Chan sont exportés
Aux Etats-Unis et en Italie. Soutiens
Sans faille, le Ministère thaï du tourisme
Et le Département de la promotion
Industrielle participent aux actions
Et aux projets du village, que le charisme
De Tante Sangiam a permis d’élargir
A beaucoup d’activités. Vêtements stylés,
Légumes et fruits bio, jouets en bois, homestays
(Hébergements chez l’habitant) pour accueillir
Les visiteurs, musiques, danses et massages
Traditionnels, visites guidées, sont offerts
Maintenant à ceux qui souhaitent se mettre au vert,
Ou simplement veulent s’initier au tissage.
Certifications, prix internationaux,
Ban Na ton Chan, au creux de collines arborées
En cumule beaucoup. Mais cette renommée
N’a pas changé les habitudes des locaux
Qui prennent plaisir à montrer leur savoir-faire.
Habitué des lieux, où j’amenais souvent
Depuis Sukhothai famille, amis, clients,
Je rencontrais parfois, la cheville ouvrière
De l’institution. Malgré ses obligations,
Sangiam, sans soucis de l’endroit ou de l’heure,
Prenait le temps d’accompagner son auditeur
Au restaurant pour raconter avec passion
Son histoire et ses futurs projets innovants.
Devant nos soupes de nouilles, spécialité
« Maison », elle aspire pour sa communauté
À un monde toujours meilleurs et rayonnant.
Des vingt-et-une épouses de fermiers, début
De l’aventure, aux trois-cent-huit adhérents
De la communauté aujourd’hui, trente ans
De succès ont passé : quel chemin parcouru !
Michel Hermann