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THAÏLANDE – CHRONIQUE : « Moisson ordinaire à Sukhothai »

Journaliste : Michel Hermann Date de publication : 17/09/2024
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Les inondations dans la Province de Sukhothaï ont précipité les moissons, avant que les rizières, -qui servent de bassin de rétention-, soient complètement inondées et les récoltes perdues. Les victimes seront indemnisées par le gouvernement. Je vous invite donc à cette occasion, à découvrir ou redécouvrir l’un des aspects fondamentaux de la vie à la campagne : la moisson…

 

Vivre à la campagne en Thaïlande, c’est vivre avec le riz, sa culture, ses rites, ses saisons, ses croyances, ses passions, ses enjeux économiques et politiques. Mais c’est avant tout le gagne-pain d’une large partie de la population du Royaume. Loin des circuits touristiques, cette chronique illustrée relate une moisson ordinaire dans la province de Sukhothaï. Bonne lecture donc. En photos, vous verrez deux types de moissonneuses-batteuses, une ancienne, majoritairement utilisée, et une nouvelle, dernière génération.

 

 

À l’horizon, le vert virait au jaune clair.
Les épis de riz, au bout de leur frêle tige,
S’agitaient parfois comme saisis de vertige
Sous les caresses du vent. Mais cette matière

 

Mouvante vivait, libre, ses derniers instants,
Car l’implacable moissonneuse-batteuse
Engouffrait, dans sa large gueule rabatteuse,
Pailles et épis qu’elle séparait sur le champ.

 

L’engin bruyant et peinturluré, adapté
Aux minces rizières, bien qu’étant archaïque,
Grignotait de façon gloutonne et rustique
Les milliers de fines tiges de graminées.

 

Ses chenilles laissaient de profondes traces
Dans l’eau boueuse des parcelles inondées.
Derrière la machine, on se bousculait
Pour ramasser les crabes d’eau douce, hélas,

 

Piégés par la moisson. Ces petits crustacés
Noirs, finiront crus ou cuits dans les assiettes.
À Sukhothaï, chaque famille a sa recette,
En émiettés chauds ou en salade épicée.

 

Sur la route, les vieux tracteurs multifonctions
Attendaient que la moissonneuse décharge
Sa marchandise de la trémie à grains, large
Boyau d’où sortait le riz ainsi récolté.

 

La famille et les voisins étaient venus
Pour l’ultime opération, fruit d’un labeur
De plusieurs mois. Ils regardaient avec ferveur
Les tracteurs se remplir ; de l’or pour leur salut.

 

Puis ce sera l’usine de décorticage.
Certaines semences seront, elles, séchées
Sur la route pour être à nouveau replantées.
Cycle immuable qui traverse les âges…

 

Michel Hermann

 

 

 

1 COMMENTAIRE

  1. Le riz est l’âme du Siam et au delà sur de nombreux territoire de l’Asie orientale. Manger du riz signifie simplement manger ; c’est l’une des expressions les plus prononcées dans la journée d’un thaïlandais. Le riz est la substance vitale des corps. Il est le sang du pays. Il est un miracle de transsubstantiation, la terre, l’eau, le soleil ; une alchimie produite par le génie des hommes et des sociétés. Le géographe Pierre Gourou (“Riz et civilisation”, ed Fayard, 1984) en fait une somme, l’indianiste F. Durand Dastes, géographe lui aussi ont bien montré en quoi la riziculture est, pour reprendre l’expression d’Émile Durkheim et Marcel Mauss, un “fait social total”.
    Poussant à l’état sauvage, présent en Inde et en Asie du Sud-Est, il a prospéré après le réchauffement de l’holocène. Sa domestication qui repose sur l’eau d’où sa culture à l’époque des pluies et aux abords des rivières remonterait à 8 000 avant notre ère à shangshan. Il commence à prendre une place dans l’alimentation vers 4500 avant notre ère ; il est domestiqué en Inde vers 2500-2000 avant notre ère. Cultivé d’abord sur un sol sec (il l’est toujours) il le fut en grand à la faveur des moussons et de la domestication de l’eau suite aux crues puis dans la maitrise progressive des techniques de rétention (digues et barrages) et de distribution de l’eau. L’historien karl Wittfogel parlera de sociétés hydrauliques (“Le despotisme oriental”, paru aux USA en 1957 avec une traduction aux ed. de Minuit en 1964). Le riz va alors et essentiellement pousser dans l’eau.
    Cette évolution va s’effectuer dans les plaines sauf dans les îles ou au Japon, Bali ou les Philippines, ou la culture en terrasses et l’acheminement de l’eau vont être maitrisés.
    La culture du riz nécessite une population nombreuse, plutôt sédentaire et relativement contrainte mais aussi une domestication animale appropriée à l’eau, le buffle. Une civilisation du riz va apparaitre avec son calendrier, ses rites et surtout une certaine forme de pouvoirs… La rizière a exigé quotidiennement des populations nombreuses qu’exigeaient, la plantation, la récolte et des travaux d’infrastructures gigantesques et d’entretien constant. Une civilisation opposée à celle des chasseurs cueilleurs.
    Une système économique et social organisant toute la société a généré des formes d’États puissants dont la force y compris civilisationnelle était financée par la recherche de surplus de la culture céréalière. Il en est résulté des progrès dans les techniques et la sélection d’espèces propres à produire plusieurs récoltes annuelles. D’où la maitrise des techniques de conservation et de stockage ainsi que de lutte contre les prédateurs insectivores.
    Seules les plaines et les deltas pouvaient fournir un cadre géographique propice. Il en est également progressivement résulté des innovations dans les techniques de commandement d’États de plus en plus puissants et organisés, des techniques de commandement de “management,” de techniques comptables, l’émergence de marchés, etc. Un ensemble civilisationnel impliquant des cosmologies unifiantes et mobilisatrices des énergies indispensables s’est alors progressivement consolidé.
    L’anthropologue américain James C.Scott (récemment décédé), dans son livre célèbre,” Zomia ou l’art de ne pas être gouverné”, trad française en 2013 aux éditions du Seuil) à montré comment à partir des plaines de l’Asie du Sud-Est, celle de la grande plaine centrale de la Thaïlande par exemple, s’est constituée une “zomia”; un espace de sociétés “contre-étatiques”, pouvant momentanément participer, plus ou moins volontairement, aux tâches rizicoles mais s’empressant, une fois la tâche accomplie, de fuir vers les régions montagneuses du nord. James C. Scott y voit un exemple de modèle de société fuyant l’État plus, dans la lignée de Pierre Clastres (“La société contre l’État, ed de Minuit, 1974) de sociétés contre l’état.
    D’autres régions dans le monde cultivent le riz comme en Afrique mais nulle part ailleurs, le riz n’est à ce point un catalyseur des structures sociales.

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