Les photos de Nicolas Cornet montrant le visage actuel d’Hanoi, exposées au mois de mai à l’Alliance française, continuent leur voyage grâce à un livre écrit avec le journaliste Jean-Claude Pomonti. Rencontre avec un photographe conteur d’un peuple en évolution.
Un passionné d’architecture ? Non, pas spécialement. « Ce qui m’intéresse, c’est ce que le cadre raconte sur les gens qui y évoluent. On peut aborder une multitude de thèmes de société via l’architecture », explique Nicolas Cornet. C’est pourquoi ce photojournaliste a accepté sans hésiter la proposition de son confrère et ami, Jean-Claude Pomonti.
Durant deux ans, les deux compères ont sillonné les rues d’Hanoi à la recherche de l’âme de ce peuple en perpétuelle mutation. Leur choix ? Se lancer en quête d’une population en chantier, mais pas de façon brutale ni simpliste. Pour révéler toutes les réalités actuelles de la capitale vietnamienne et de ses habitants, utiliser les mutations urbaines incessantes sonnait comme une évidence.
Longuement, il a tenté de figer l’âme de la ville sur papier glacé. « J’ai commencé par écouter les gens, pour comprendre quels lieux avaient de l’importance dans leur quotidien. C’était souvent des endroits quelconques qui n’auraient jamais attiré mon attention de prime abord. Chaque emplacement en apparence sans intérêt m’en apprenait bien davantage sur tous ces gens que ne l’auraient fait une pile d’ouvrages sociologiques », explique le photographe.
Résultat ? Une traduction juste de générations croisées, entre traditions et désir d’évolution, dignité et refus de rater le wagon mondial. On y sent aussi ce Hanoi qui entasse ses fourmis usinières au sein de dortoirs périphériques pour « nettoyer » son centre. Regard décalé sur cette technocratie qui pompe l’énergie de tout un peuple, pourtant seul détenteur du pouvoir de sauver le pays. « Selon moi, Hanoi est bien plus révolutionnaire que ne l’est Saigon ».
La première travaille à bâtir l’avenir, l’autre s’agite dans un présent qui la dépasse. La capitale vietnamienne, dans son oeil, n’a rien de l’image calme de carte postale si chère aux nostalgiques de l’ex Indochine. Et pour cause. La première fois qu’il a mis les pieds au Viêt-Nam, c’était en 1985, juste après l’obtention de son diplôme à l’école de Vevey, en Suisse. « Je suis d’abord allé à Paris pour chercher du boulot, mais quand je me suis entendu proposer un poste de cinquième assistant avec carte orange offerte, j’ai craqué. Moi qui rêvais de reportage dans Géo, on me parlait ticket resto, alors j’ai fait ma valise. »
Il prend alors la décision de monter un petit studio photo à Hanoi, grâce auquel il sillonne l’Asie de long en large.
Chaque année, depuis 24 ans maintenant, il prend ses quartiers dans cette région du monde, dans laquelle il se sent finalement bien plus chez lui qu’en France. Sa parfaite connaissance du terrain lui a permis de s’attirer la confiance de nombreux magazines comme Géo, Grands Reportages, Le Figaro Magazine ou Le Monde. Sans parler des nombreuses expositions signées Nicolas Cornet organisées en France, en Suisse, en Indonésie et au Viêt-nam.
Après avoir publié trois livres sur ce pays, et un sur le Cambodge, il revient à ses premières amours en célébrant Hanoi. Contrairement à beaucoup de ses confrères, il ne cherche pas à se raconter à travers ses clichés. Refus total de s’adonner aux joies mégalomanes de l’autoportrait via les hommes qui figurent sur sa pellicule. Lui se contente de « dire les autres », et c’est déjà beaucoup…
Olivia Corre