La Troupe des deux mondes réunit des comédiens français et thaïs amateurs. Tous installés à Bangkok, ces passionnés collectionnent les succès sur scène. Rencontre avec les deux piliers de l’association.
Elle travaille pour l’Alliance française et lui est propriétaire d’un salon de coiffure… Autant dire que leur quotidien n’a pas grand-chose à voir avec les planches. Et pourtant. Anne- Sophie Jumelle et David Drai se démènent pour que vive le théâtre francophone à Bangkok. Elle endosse les rôles, lui met en scène les pièces jouées par leur troupe depuis 2005. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la recette de ces deux passionnés fonctionne. A chacune des représentations données par La Troupe des deux mondes, l’Alliance française enregistre des records en termes de nombre d’entrées. Leur dernière pièce, un hommage à la comédienne Sarah Bernhardt, est parvenue à réunir plus de 300 spectateurs en seulement deux soirs.
Le pari était pourtant osé. Un simple duo d’acteurs sur scène pour une pièce encore trop méconnue du grand public pour en garantir le succès. « Le but est aussi de prendre des risques pour permettre aux gens de découvrir des choses. Notre politique n’est pas de monter des pièces pour faire du chiffre », explique David Drai. Et c’est peut-être bien ça le secret de leur recette. Une troupe qui privilégie la qualité des mots, et ne souhaite pas céder aux sirènes de la facilité d’exécution. Tous répètent inlassablement, huit mois durant, pour que tout soit réglé au poil près. Jusque dans les moindres détails. Au total, plus de 300 heures de travail par pièce, en plus de leurs activités professionnelles respectives. Car cette troupe d’une dizaine de comédiens est entièrement composée d’amateurs. Mais dans le sens noble du terme. « Nous travaillons dur, oui, mais nous nous amusons aussi beaucoup », insiste Anne-Sophie Jumelle.
S’amuser, oui, mais pas sans exigences. « Mon but, c’est que comédiens et spectateurs soient heureux. C’est pourquoi j’essaie de pousser chacun dans ce qu’il peut donner de meilleur », raconte David Drai. Un perfectionnisme à outrance qui fait, au final, la réussite de chaque représentation. De la direction d’acteurs, en passant par les costumes, les décors ou la lumière : tout est réalisé par leur soins. Une sorte de troupe championne de la bidouille et de l’astuce qui, avec trois bouts de ficelle, parvient à enthousiasmer les foules.
Un parcours aux allures de success story pour cette bande de passionnés qui, au départ, a vu le jour un peu par hasard. « J’étais en train d’enregistrer des voix pour une méthode de français avec Katia et Stéphane. Entre deux prises de son, je ne sais trop pourquoi, nous avons commencé à parler théâtre. Et l’idée de monter une troupe est arrivée sur le tapis ! » se souvient Anne- Sophie. C’était en 2004 et, un printemps plus tard, la troupe jouait pour la première fois Hôtel des deux mondes, d’Eric-Emmanuel Schmitt. D’où le nom de la troupe aujourd’hui. Depuis, ces comédiens n’en finissent plus de sévir sur les planches de la ville. Deux à trois pièces par an en moyenne comme, récemment, Le cimetière des éléphants, ou Ionesco en Kit. Deux pièces intégralement mises en scène par David Drai, dont les vingt ans d’expérience dans le théâtre permettent désormais à la troupe de franchir un cap.
OLIVIA CORRE
