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Entretien avec Michaëlle Jean, secrétaire générale de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF)

Journaliste : Redaction
La source : Gavroche
Date de publication : 23/11/2016
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Alors que le XVIe sommet de la Francophonie se déroulera à Antananarivo les 26 et 27 novembre, la secrétaire générale de l’OIF a accordé un entretien exclusif à Gavroche avant sa visite. Alors qu’elle se trouvait à Vientiane au moment du décès du roi de Thaïlande, Michaëlle Jean a exprimé sa profonde tristesse et rendu hommage « à un grand francophile ».

 

Vous avez rencontré les présidents vietnamien et laotien et le roi Sihamoni du Cambodge lors de votre récent voyage dans la région. Quels sont les sujets que vous avez abordés et les attentes de ces pays vis-à-vis de la Francophonie ?

 

Nous avons beaucoup discuter sur la façon de continuer d’activer les échanges commerciaux et la coopération dans l’espace francophone. En mettant l’accent sur le développement, la croissance, la stratégie économique. Ces pays ont un rôle réel à jouer et se projettent déjà dans cet espace. Et ce n’est pas seulement une question de recevoir, c’est aussi ce qu’ils ont à offrir. Et pas seulement à travers la coopération.

 

Comment conceptualisez- vous cette projection économique dans un espace francophone ?

 

C’est inscrit dans l’histoire de l’humanité. Les peuples se sont rencontrés en commerçant. Partenariats entre entrepreneurs, filières à développer, l’offre et la demande, les marchés sur lesquels déboucher, les secteurs que l’on veut développer, les capacités que l’on veut renforcer. C’est tout cela en même temps : les acteurs économiques, mais aussi les pays s’engageant les uns avec les autres. Ces pays sont la passerelle avec toute la région de l’ANASE (Association des Nations d’Asie du Sud-Est – ASEAN, ndlr). Ils en sont très conscients et avancent la volonté de voir apparaître dans cette relation, aux côtés de l’anglais et des autres langues de la région, le français comme langue de négociation. C’est leur plus-value et ces pays poussent pour que l’OIF et l’ANASE se rapprochent, développent une relation, comme nous le faisons avec le FMI et les autres espaces linguistiques tels le Commonwhealth avec qui nous travaillons étroitement. La langue commune est une façon d’établir une connivence, une compréhension mutuelle, des échanges, y compris économiques.

 

Concrètement, comment l’OIF peut- elle apporter son soutien ?

 

Nous nous engageons à comprendre comment nous pouvons venir renforcer l’entreprenariat, notamment des jeunes et des femmes. Cette région est un bassin de jeunesse et les femmes y sont extrêmement dynamiques. Avec l’innovation, ce sont des moteurs économiques, des facteurs de croissance. Et c’est cet investissement qui intéresse l’OIF et dont nous allons discuter.

 

Quelle solution leur amenez-vous ?

 

L’OIF n’arrive pas avec une solution toute faite. Nous devons réfléchir avec chaque pays et voir comment il se projette, quel est son plan, dans quel secteur, dans quelle filière ; quelles capacités, quelles compétences, quels débouchés il cherche. Et c’est passionnant. Je serai là pour les écouter. L’important, ce n’est pas notre influence, à nous l’OIF, mais la leur.

 

Comment convaincre cette jeunesse économique que vous allez rencontrer que s’adresser à cet espace francophone peut leur amener ce qu’ils recherchent. Une formation, un emploi par exemple ?

 

L’OIF joue un rôle de catalyseur, envoie des signaux. Ce que je leur dis, c’est par exemple ce que peut représenter telle ou telle filière dans cet espace là. Quel partenariat peut-on engager, quel type de
débouché peut-elle amener, en quoi la maîtrise du français est une fenêtre qui ouvre des possibilités immenses dans cet espace. Vous savez, les jeunes, et notamment les jeunes entrepreneurs, ont dans leur ADN cette audace, cette créativité, cette capacité de se propulser avec une idée. Nous devons leur rappeler que le français permet, comme l’anglais, de déboucher sur des marchés. Leur faire comprendre qu’elle reste la troisième langue des affaires et qu’elle permet d’engager des relations, des partenariats, de créer des passerelles. C’est une chance. De façon plus générale, nous parlons la même langue.

 

Quand je dis ça, cela veut dire que nous, OIF, sommes en phase avec les priorités de ces pays-là, leurs attentes. Nous portons une stratégie économique et numérique, nous avons aussi une stratégie jeunesse et une autre avec les femmes, ces forces vives qui sont des acteurs de changement, de croissance, de créativité. J’ai été épatée en me rendant dans la région (en 2014, en tant que candidate à l’élection du nouveau Secrétaire Général de l’OIF, ndlr) de voir ce dynamisme. Cette capacité de bien comprendre la demande. Regardez les jeunes créateurs de mode, ils sont extrêmement dynamiques, inventifs, avec une signature qui est la leur et ont développé une grande confiance en eux. Cette assurance, il faut la développer avec la jeunesse, les acteurs économiques, en leur disant qu’elle fait déjà partie de leur patrimoine, que le français est déjà là, qu’il est à leur portée.

 

En Asie du Sud pourtant, le français est en perte de vitesse. Comment peut-on imaginer un espace francophone où l’on parle de moins en moins le français ?

 

Les fondations sont toujours là. Ce qu’il faut, c’est les valoriser. Le plus grand défi est d’expliquer aux jeunes en quoi le français peut leur être utile. Nous leur répondons que le français est une langue de communication, mais aussi la langue de la gestion, de l’administration, des nouvelles technologies, de l’innovation. Qu’ils peuvent, avec cette langue, exister sur le plan professionnel et économique également. Et j’insiste sur le « également ». Je ne vais pas dire aux jeunes que l’anglais est un péché. Mais qu’il ne faut pas sous-estimer que le navire français est là aussi et qu’il va leur permettre d’aller à la rencontre du monde, de millions de gens, aidés par des diasporas extrêmement dynamiques qui sont autant de passerelles dans la francophonie, parce que la franco- phonie est un espace pluriel, un espace de mobilité. La mobilité est d’ailleurs fonda- mentale et là-dessus nous entendons les jeunes entrepreneurs, leur envie de circuler pour aller à la rencontre de ces marchés. Nous soutenons également la formation professionnelle et technique, en adéquation avec les besoins du marché. Nous prenons le temps d’écouter et de comprendre afin de nourrir une action stratégique qui est à mes yeux fondamentale.

 

Comment perçoivent-ils ce message ?

 

Ils répondent présents avec plus de force que jamais.

 

Les gouvernements vous suivent-ils ? Quels sont les moyens donnés à la francophonie ? Allez-vous plaider plus de budgets ?

 

C’est un travail de tous les instants. Les autorités savent, dès lors qu’elles en sont convaincues – et c’est le signal qu’elles m’envoient – que c’est un travail qui demande des efforts supplémentaires de part et d’autre. Ces pays comprennent également la nécessité de jouer de leur influence et qu’ils doivent s’engager davantage au niveau des infrastructures, des programmes et de leur politique d’enseignement du français et en français, et dans quels domaines et quelles matières. La Francophonie vient en partenaire et en appui en répondant à une volonté. C’est une stratégie que l’on doit porter ensemble. Une ambition partagée. Et c’est ce qu’ils manifestent en ce moment. Une vraie volonté.

 

La croissance et le développement ne viennent pas sans la stabilité. Dans un monde fragilisé par les questions de sécurité, quel est le rôle de l’OIF en tant qu’organisation politique ? A-t-elle une influence ?

 

Vous avez raison de préciser que nous sommes également une organisation politique rassemblant 80 Etats et gouvernements. Nous évoluons dans une situation complexe, face à des enjeux qui ont une dimension politique très grande. La question de la sécurité est prioritaire. Nous sommes aujourd’hui sous une forte menace qui est celle de la déstabilisation par le terrorisme. Aucun de nos pays n’est épargné. Depuis 2015, nous avons fait trois interventions auprès du Conseil de Sécurité et je prendrai moi-même la parole ce 7 novembre sur les questions de terrorisme et la crise migratoire. Nous ne sommes pas sous le radar. Je voudrais rappeler à ce propos que de toutes les opérations de maintien de la paix, la moitié se déroulent dans des pays de l’espace francophone.

 

Nous fournissons un grand contingent de militaires engagés sur ces missions de l’ONU. Nous avons des engagements pour accompagner le processus électoral dans ces pays. J’ai moi-même initié l’idée de coordonner nos efforts et de travailler avec plus de concertation et de coordination entre l’ONU, l’Union Africaine, l’Union Européenne, l’OIF et les organisations régionales où nous intervenons. Nous parlons de nos voix spécifiques et singulières, mais en même temps nous faisons bloc. Cela a permis de désamorcer des crises qui auraient pu être catastrophiques. Ce n’est pas toujours une totale réussite, parce que le défi est considérable, mais il reste que le processus est engagé. Face à l’accélération des facteurs de crise et de déstabilisation, la concertation et la coordination seront les plus grands défis du prochain secrétaire général de l’ONU.

 

Pays membre observateur depuis 2008, la Thaïlande a été suspendue de la Francophonie en juin 2014 suite au coup d’Etat militaire. Quelles sont les conséquences de cette « mise à l’écart » ?

 

Cela veut dire plus de participation du royaume aux instances. Cela affecte également la coopération. C’est dommage, car la Thaïlande est au centre de cette dynamique économique régionale que nous appuyons. Nous avons pris cette décision parce qu’elle venait de rompre un pacte. La bonne gouvernance réclame une vigilance de tous les instants. Ne pas cultiver un rapport de con- fiance avec sa population, c’est aller à sa perte. Une bonne gouvernance ne peut être qu’inclusive. Nous avons pris cette décision avec la voix de tous les autres Etats.

 

Propos recueillis par Philippe Plénacoste

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