Michel Hermann est un homme de plumes et d’information aux multiples facettes. Notre poète hebdomadaire, qui nous alimente chaque semaine en chroniques, fut aussi un intime de la famille Mitterrand. Il avait, à ce titre, ses habitudes au 22 rue de Bièvre, le domicile parisien du défunt président de la République. Le voici parti pour nous en raconter l’histoire à sa manière dans un livre dont Gavroche vous recommande la lecture.Un feuilleton qui en dit long sur la France, ses rites et ses grands hommes.
Nous reproduisons ici un chapitre en vers du livre de Michel Hermann, «La maison Mitterrand»
Une rue tranquille (1972 – 1977)
Tout a été dit. Biographes, thuriféraires,
Politologues, les chroniqueurs aux vains mots,
Les académiciens, les devins et les sots,
Qui ont, soi-disant, connu le sanctuaire.
De François, Danielle, les amis et les autres,
De toutes ces notoriétés, un jour, disparues,
Il reste les derniers intimes, méconnus,
De la Rue de Bièvre, les derniers hôtes.
Cet ancien relais de Poste, ni beau ni laid,
Situé au 22, au milieu de la rue,
Oublié de l’histoire, malade et reclus,
Sortit de l’ombre, un jour, pour la célébrité.
Il jouxte un square, refuge des clochards,
Qui soliloquent, boivent, et refont la vie,
Miséreux, que la société a bannis,
Et plonge dans un univers terne et blafard.
La police arrive, alertée par les voisins,
Elle les conduit, puant l’urine et le vomi,
Aux urgences de l’Hôtel Dieu, ultime abri
Pour ces exclus, en quête d’amour et de soins.
Derrière l’imposante porte en bois vert,
Se cache, comme un joyau, une petite cour,
Un arbre, des pavés, on en fait vite le tour,
Aussi riante en été, que triste en hiver.
En mille neuf cent soixante-douze, changeant de lieu,
Quittant la rue Guynemer, le Prince et la fratrie
Occupèrent la maison. Respectant la hiérarchie,
Chacun selon son rang, s’installa au mieux.
Danielle entreprit des travaux pharaoniques,
Faisant creuser par ci, ouvrir par-là,
Aménager chambre, bureaux, en haut, en bas,
Pour rendre habitable ce lieu historique.
Construit à l’ancienne
Car l’endroit est tordu, construit à l’ancienne,
L’espace est restreint, il faut composer.
Bureaux, chambres, cuisines, salles à manger,
Rien n’est prévu, pour une vie mitoyenne,
Autour de l’escalier en pierre, majestueux,
Indolent, les étages s’étirent en hauteur.
Les murs en pierre, figés, et tout en largeur,
Protègent la bâtisse, des ans et des curieux.
Vu de la cour, en face, quatre étages,
À droite, trois ; le quatrième est caché.
On y accède par un étroit escalier,
Qui part du troisième ; c’est l’antre du Sage.
Dans l’entrée, le secrétariat de Marie-Claire
Papegay. Puis c’est l’ancien grenier transformé
En bureau. Les murs mansardés sont tapissés
De livres, du savoir, et de la lumière.
Mai soixante-huit n’était pas loin
La période était folle, le pays en devenir,
Mai soixante-huit n’était pas loin, la société,
Assoiffée de changement, s’impatientait.
Le Florentin, dans sa tour, préparait l’avenir.
Le sanctuaire vivait à son rythme.
François recevait, Danielle recevait,
Marie-Claire, souvent, réglait le ballet.
Les enfants avaient leur vie, publique ou intime.
À droite, trois porte-fenêtres vitrées,
Deux pour le salon, une pour la cuisine,
Visibles depuis la rue, derrière la vitrine,
On aperçoit, dedans, les illustres invités.
Car le salon, salle à manger, ne désemplit pas,
Toute la gauche s’y retrouve, cherchant l’union,
Un programme commun, un espoir, une fusion.
Du lard et du cochon parfois, dans un même plat
Tandis qu’ici, se dessine le monde,
En face, deux autres porte-fenêtres vitrées,
Jean-Christophe, Élisabeth, un nid douillet.
Pas bien grand, mais que le bonheur inonde.
Contactez Gavroche pour obtenir le livre: redaction@gavroche-thailande.com