Chaque semaine, notre ami Richard Werly, conseiller éditorial de la rédaction de Gavroche, partage sa vision de la France sur le site d’actualités helvétique Blick. Vous pouvez vous abonner ou consulter sa lettre d’information Republick.
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Vue de France, c’est une terrible habitude helvétique. Préférer les solutions aux passions. Préférer les compromis à l’affrontement. Préférer une saine gestion aux dérapages répétés et pas toujours assumés. Alors rêvons : et si 2025 était l’année des solutions françaises ?
Solution politique, avec l’accord d’un nombre suffisant de partis et de députés pour ne pas faire à nouveau chavirer au milieu des récifs internationaux ce bateau France, dont la coque est déjà suffisamment endommagée.
Solution budgétaire, avec le lancement (de plus en plus probable) d’un grand emprunt national pour redonner de la marge de manœuvre à un État aujourd’hui incapable d’assumer ses promesses domestiques sans effrayer ses bailleurs de fonds étrangers.
Solution sociale, avec des pourparlers sur un « donnant-donnant » crédible : plus de pouvoir d’achat contre d’indispensables concessions sur la productivité et l’allongement de la vie active.
Solution citoyenne, en privilégiant le retour de la seule donnée qui intéresse les usagers des services publics : leur efficacité.
Solution européenne avec une France capable de devenir la boîte à idées pour l’avenir – pacifié – d’une Ukraine prise en charge par l’UE.
2025, l’année des solutions ? Qui, parmi vous chers « Républickains », prendra l’initiative de compléter cette liste ?
Bonne année à tous, gardez l’espoir et vive la Républick !
(Pour débattre: richard.werly@ringier.ch)
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Le référendum est périodiquement réclamé en France comme procédure de “respiration démocratique” ? Qu’en est-il vraiment ? Depuis 2005, il n’y est plus fait recours, son usage ayant été discrédité par un contournement, certes constitutionnel au termes d’arguties dont les pouvoirs et leurs juristes sont experts.
Il fût largement utilisé dans la période gaullienne de la Vème République mais pas toujours en accord avec la constitution (art 11 contre art 89-) du moins à l’époque (question actuellement tranchée par le Conseil Constitutionnel) et à des fins plébiscitaires. La démission en 1969 du Général de Gaulle en est l’application chimiquement pure. On ne rejette pas la réforme du Sénat ni du Conseil Économique et Social, c’est le Président qui est rejeté. Le référendum est une version de la question de confiance à laquelle il est répondu par une motion de censure. Le regain de popularité que revêt actuellement le référendum se situe dans la perspective d’une tentative de conduire le Président à la démission. D’où la question de l’intérêt du Président Macron d’y recourir ; soit certain d’obtenir sur un texte une majorité de oui, soit, en cas contraire, d’avoir un motif “gaullien’ de retrait ? ou non gaullien de se maintenir ?
D’autres hypothèses de recours au référendum sont prévues par la constitution, mais c’est c’est celle de l’art 11 qui soulève des questions au regard des pouvoirs du Président qui est le maître de la décision d’y recourir, les consultations et informations préalables auxquelles il doit se soumettre ne le lient pas.
Les régimes politiques politiques, en Europe, ne connaissent pas le référendum à l’exception de la Suisse qui est un cas à part souvent exhibé comme modèle à suivre par ses partisans. Ici, ils sont nombreux, la pratique est rodée, ils ne sont pas articulés à un régime de type présidentiel mais parlementaire “pur” et ne portent que sur des questions assez subsidiaires et surtout locales ; Ailleurs le référendum n’existe pas, non pas pas parce que l’on craint l’expression populaire, mais en raison de la facture parlementaire des régimes. En Allemagne et en Italie il fût proscrit, après la guerre, en raison des pratiques systématiques de recours à l’acclamation des foules par des dictateurs. L’Italie l’adopta mais, ingénieusement, en tant que référendum d’abrogation.
Le régime parlementaire s’accommode mal, par principe, des instruments de démocratie directe ou indirecte puisque la loi émane des représentants élus au terme de débats entre les composantes politiques. issues d’élections la plupart du temps à la proportionnelle… La loi si elle est le résultat d’une majorité a été adoptée à l’issue de débats dans lesquels les minorités se sont exprimées et ont pu faire valoir leurs points de vue et faire adopter certaines de leurs positions.
Le référendum est supposé trancher un débat par oui ou par non. A supposer que la question posée soit simple et non équivoque et admette une réponse, exempte d’ambiguïté, le résultat ne satisfait, la plupart du temps, ni le camp perdant ni le camp gagnant. Les “oui” bienque majoritaires sont contraints de s’exprimer abruptement et auraient probablement ajouter un ‘mais”, oui, mais”. La question si elle doit être simple et univoque ne l’est souvent qu’en apparence. Ainsi opter pour un mandat présidentiel de 5 ans ou de 7 parait simple et pourtant, le mandat de 5 ans conduit à bouleverser l’équilibre des pouvoirs, ce qui n’est pas explicité ni même prévu voire prévisible au moment du vote.
L’effet du référendum conduit à un clivage des positions sans que des débats préalables, même si une campagne précédée, puissent amender le texte proposé et inclure des éléments de l’opposition ce que feraient les débats parlementaires. Le scrutin majoritaire à deux tours, lui même clivant lorsqu’il accouche d’une majorité, renforce les dynamismes clivants comme l’élection du Président au suffrage universel. Même si la dérive plébiscitaire du référendum n’est pas directement liée, en France, à l’effet du référendum, elle s’y ajoute et la renforce.
Un recours au référendum dans un futur proche, peut être motivé par des effets attendus en termes de gains politiques, mais les risques d’effets inattendus sont nombreux… le Président Macron y aura-t-il recours en 2025 ? Le recours récent à la dissolution, contre toute espèce de nécessité et produisant les effets inattendus qui ont été constatés, sera t-il renouvelé à l’occasion d’un prochain référendum ?
Les derniers vœux du Président de la République expriment-ils une conversion de type helvétique ? Aurait-il bu les eaux du Léman ? Et aurait-il été convaincu par les homélies de Monsieur Werly ? Les commentaires avisés de nombreux journalistes “autorisés” se sont précipités sur les pistes du référendum, des référendums à venir.
Le recours au référendum est un topos macronien, agité mais inutilisé, et servi de manière dégradée sous la forme de “consultations citoyennes” aux compositions opaques, une autre forme de la “démocratie” censitaire dont les propositions servirons tout au plus de bases à l’élaboration de textes législatifs. Autant dire un instrument de dévalorisation du parlement.
Sous la Vème République, l’institution référendaire, instrument possible d’un pouvoir arbitral du Président a été dévoyée dans un sens plébiscitaire et sous l’effet de sa pratique gaulienne. Il ne peut être par ailleurs mis en œuvre, hormis le cas de saisine par les électeurs
(initiative populaire), mais de fait impossible vu le nombre d’initiatives requises (4,5 millions ; 500 000 en Italie) et la censure que s’autorise le Conseil Constitutionnel sur sa recevabilité, interprétant les cas de saisine limités par l’art 11 de la constitution. De plus le dernier recours au référendum, en 2005, à propos de la “constitution européenne, semble avoir dévitalisé et discrédité son usage.
Alors un futur référendum pourquoi et sur quoi ?
1) Pourquoi ? Pour remettre en scelle un Président désarçonné et produire une légitimité renouvelée ? On peut en douter étant donné la faible légitimité du Président, mais celui-ci aime les paris même suicidaires. Un non accentuerait le départ anticipé du Président fort attendu dans diverses parties de l’opinion.
2) Sur quoi ? Sur des sujets faisant consensus dans l’opinion ? Outre le risque évoqué, quels pourraient-ils être ? Les limitations de l’article 11 semblent exclure, stricto sensu, des textes relatifs à la “fin de vie” comme l’instauration d’une proportionnelle qui relèvent de la loi ordinaire. L’examen de la recevabilité de ces textes par le Conseil Constitutionnel pourrait se prononcer autrement et ouvrir la voie au référendum sur de tels textes.
La question de l’instauration d’une proportionnelle intégrale (pas d’une dose quelle que soit la proportion, mais cette option est loin d’être admise) pourrait être la voie choisie par le Président et “voulue” par une grande partie de l’opinion publique. Cela suppose que le Président accepte et endosse une évolution du régime dans un sens plus parlementariste que les dernières élections législatives, surtout la dernière provoquée par la dissolution, attestent.
L’effet d’une telle réforme acterait une progression vers un système plus parlementaire tel que Michel Debré l’envisageait initialement ; L’abandon par le Président, dans un tel cadre, de ses oripeaux institutionnels acquis par un usage présidentialiste largement usurpé par les effets du mode de scrutin transférant, les pouvoirs du Premier ministre au Président, serait acté, sanctionnant encore un peu plus la fin de la Vème République et avènement d’un régime politique plus conforme au modèle parlementaire européen.
Il n’est pas impossible qu’une telle évolution se dessine bien qu’entamant la superbe macronienne mais lui garantissant une fin de règne plus paisible. La perspective annoncée d’une victoire du RN aux futures présidentielles, la question de la possibilité pour la candidate de se présenter mis à part, fournit une base d’acceptation majoritaire par les forces politiques pour une telle évolution. Une présidence dont on aurait réduit les “effets nocifs”au cas ou…
Le maintien du référendum, maintenu en l’état, ne serait plus entaché de césarisme mais serait réduit à un instrument d’arbitrage en cas de conflit insoluble par les voies parlementaires usuelles. Faudrait-il élargir le champ du recours au référendum ? Pas certain, comme c’est le cas chez nos voisins qui l’ignorent pour une grande partie d’entre eux. Le parlement ainsi renouvelé serait plus apte, parce que plus représentatif, à délibérer dans le cadre d’un dialogue des forces politiques présentes ce que le référendum, pratique clivante et ne satisfaisant personne ne peut faire. Bien au contraire il exclue la culture du débat, du dialogue et du compromis ; On exhumera le cas suisse, mais les référendums (votations) suisses, mis en œuvre très localement s’expriment sur des questions locales et subsidiaires, plus rarement à l’échelle de la Fédération
Parmi les réformes possibles pour aller dans le même sens supposerait la suppression du Conseil constitutionnel qui, sous le motif et la théorie de l’État de droit, confisque que le pouvoir souverain des chambres. En effet gouverner c’est juger et seul le parlement est habilité à juger non seulement de l’opportunité mais de la légalité (ou de la constitutionnalité) des décisions prises au nom du peuple français. Il faut bien admettre que cette proposition iconoclaste n’est pas dans l’air du temps et que l’évoquer est un tabou.
Il faudrait, de plus, pour que les effets attendus d’une telle évolutions se manifestent, que les décisions de la Cour de Justice de l’Union Européenne et celles de la Cour Européenne des Droits de l’Homme soient subordonnées, si l’orientation des institutions européennes se fait dans un sens fédéral (cette option n’est pas unanime est est contestée voire rejetée) à un Parlement Européen pleinement dépositaire de pouvoirs réels et souverains.
Notre éditorialiste, toujours prompt à prodiguer, “urbi et orbi” des leçons helvétiques est sans doute bien avisé à propos de l’empressement qu’aurait l’école polytechnique de Lausanne de recruter l’un de nos nombreux mozarts de la finance dont la bureaucratie française accouche trop souvent : Bruno Lemaire, sept ans ministre des déficits des comptes publics dissimulés…
Sans doute pour prodiguer ses diagnostics et ses analyses sur les meilleures moyens de gérer les finances publiques par le mensonge, certes partagé et attendu par tout un chacun, dans une complicité malsaine.
Les helvètes à la recherche d’un professeur d’imposture “hors pair” à moins que ce ne soit pour les qualités vaguement pornographiques de ses laborieux romans ? Les solutions ou les passions ?