Certains éditoriaux sont terribles à écrire. Celui-ci, rédigé le lendemain de la disparition de notre ami Jacques Bekaert, décédé dans la nuit du 3 au 4 octobre à Bangkok, l’est particulièrement. Pour la Thaïlande de Gavroche – lancé, comme chacun sait, en 1994, ce qui en fait de loin le plus ancien média francophone du royaume – Jacques Bekaert était un repère. Un point d’ancrage. Il avait su, avec talent, décrypter l’ouverture des ex pays de l’Indochine française dans les années 80, sous la chape de plomb du communisme victorieux. Il connaissait par cœur les arcanes des grandes familles sino-Thaïlandaises. Il était musicien, journaliste, écrivain. Impossible de ne pas faire le lien entre sa disparition et celle de trois autres amis de Gavroche, décédés ces deux dernières années: Arnaud Dubus, Marcel Barang et Kraisak Choonhavan. Tous incarnaient cette Thaïlande qui, peu à peu, disparait avec eux.
Léo Ferré l’a chanté. «Avec le temps va, tout s’en va….» ces paroles collent aussi à la Thaïlande où, logiquement, ceux qui l’observèrent dans les années 80 et 90 – décisives pour son décollage économique – commencent à nous quitter. Jacques Bekaert était, parmi eux, un esprit rare de curiosité, de convivialité et de connaissances. Il n’était «ni jaune, ni rouge». Il savait que les royalistes, en Thaïlande, vivent avec sur leurs épaules le poids de traditions dont ils sont, quelque part, aussi les victimes. Il savait combien, dans le passé, l’armée n’hésita jamais à faire couler le sang pour se maintenir au pouvoir et préserver la monarchie.
L’interlocuteur de tous
Aux cotés de «Nee», sa fidèle compagne et assistante, Jacques était l’interlocuteur de tous. Comme Arnaud. Comme Marcel. Comme Kraisak, qui fut son interlocuteur privilégié lors des pourparlers de paix sur le Cambodge, aux cotés de son collègue et ami Pansak Virayatn. «Avec le temps va, tout s’en va…»Mais Gavroche est aussi là pour se souvenir. C’est aussi à cela que servent les médias comme le notre, enracinés dans leur terroir, français ou asiatique: à ne pas laisser l’instantané des réseaux sociaux nous faire oublier l’histoire. La Belgique, pays de Jacques Bekaert, et l’Ordre de Malte, qu’il servit comme diplomate, viennent de perdre un «asiate» dont ils pouvaient être fiers. Et Gavroche vient de perdre un de ses plus chers amis.
Les messages d’amitié pour Jacques Bekaert peuvent être adressés à Gavroche: redaction@gavroche-thailande.com
Les veillées funèbres pour Jacques Bekaert ont lieu ces lundis et mardi à Bangkok au Wat That Thong (BTS Ekkamai) de 18h à 19h. La crémation mercredi à 14h, même lieu.
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