Nous le savons à Gavroche : comparaison n’est pas raison. Pourquoi consacrer un même éditorial à deux personnages à priori aux antipodes de la scène politique en Asie du sud-est ? Quoi de commun entre le nouveau président indonésien élu Prabowo Subianto et l’ancien premier ministre Thaïlandais libéré (mais toujours sous surveillance) Thaksin Shinawatra ? L’un, rappelons-le, a vocation à diriger son immense pays-archipel dans les cinq prochaines années. Le second, sauf coup de théâtre, ne reviendra jamais aux manettes de la politique thaïlandaise.
Et pourtant : ces deux hommes ont bien un point commun. L’un et l’autre viennent tout droit d’un passé que l’on croyait révolu. L’ancien général Prabowo Subianto ne sera pas ce qu’il est aujourd’hui s’il n’avait pas servi avec zèle la dictature de son ex beau-père Suharto, jusqu’à commettre au Timor Oriental des crimes documentés par les organisations de défense des droits de l’homme, lors de l’accession tumultueuse de ce petit pays à l’indépendance. Thaksin Shinawatra, lui, incarne l’argent roi qui, au début des années 2000, pensait avoir le dessus sur tout le reste : l’armée, la monarchie, les partis politiques, et la démocratie thaïlandaise toujours imparfaite mais néanmoins vivace. Ces deux hommes, surtout, illustrent une persévérance et une opiniâtreté politique sans équivalent. Les voici, enfin, parvenus là où ils le voulaient : le premier au sommet du pouvoir en Indonésie. Le second de retour chez lui, à Bangkok.
Docteur Prabowo et Mister Thaksin sont les deux face d’une même tradition politique asiatique. Celle des hommes forts et des clans. Reste à voir, désormais, si l’âge faisant, leur tempérament a évolué. Ces deux-là n’ont jamais voulu partager le pouvoir. Ils y ont été forcés. Avec, dans le cas de Prabowo, deux échecs présidentiels face à son prédécesseur Joko Widodo. Et si ces deux dinosaures se montraient enfin capables d’écouter leur peuple, au lieu de ne penser qu’à eux mêmes ?
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