Pas mal d’articles de presse se sont rués ces derniers jours sur cette comparaison facile: les États-Unis n’auraient fait, en Afghanistan, que répéter la tragédie du Vietnam et leur départ de Saïgon. Trop facile. Et complétement faux. La chute de Saïgon fut, d’abord, le résultat d’une incontestable victoire militaire nord vietnamienne dans un conflit qui opposait deux États. L’accord de paix de Paris avait par ailleurs été signé en janvier 1973. Dernier différence enfin: au Vietnam, les Américains n’avaient pas entrainé leurs alliés européens dans leur faillite militaire et politique. Alors qu’en Afghanistan, ces derniers furent très impliqués et se retrouvent condamnés en en payer le prix…
L’objectif de notre éditorial n’est pas de stigmatiser une partie de la presse, amateure de raccourcis rapides car spectaculaires. Il est de rappeler les faits et les différences contextuelles. Ce qui s’est passé à Kaboul est un abandon de la communauté occidentale toute entière: européen et américains côte à côte. L’Afghanistan ne compte plus dans la guerre contre le terrorisme. Plus personne ne voulait continuer à payer le prix fort pour sa réhabilitation. Ce désintéressement a évidemment fait le jeu des Talibans et du Pakistan voisin.
Jusqu’au bout, l’armée sud-vietnamienne s’est battue
Le cas de Sud Vietnam est très différent. Jusqu’au bout, les américains ont maintenu sur place des conseillers militaires. Et jusqu’au bout, l’armée sud-vietnamienne s’est battue, en tout cas ses unités les mieux formées et les mieux encadrées. A l’inverse, les Talibans ont profité de la désagrégation totale des unités de l’armée Afghane, dont les chefs ont souvent accepté de se rallier ou de déposer les armes moyennant finance.
Autre différence: les Européens ne furent au Vietnam que spectateurs de cette défaite américaine et les États-Unis assumèrent en partie leur fardeau en accueillant massivement des « boats peoples ». Ils n’étaient pas, contrairement à l’Afghanistan sous couvert de l’Otan, engagés militairement sur le terrain aux cotés des GI’s. Gardons enfin à l’esprit que le Nord Vietnam disposait d’une réelle légitimité internationale, en plus du soutien massif de l’URSS et de la Chine.
Ultime sursaut tragique de la décolonisation
Dans un cas, le règlement d’un conflit pour l’indépendance, ultime sursaut tragique de la décolonisation. De l’autre, une guerre contre le terrorisme dans laquelle les Afghans se sont retrouvés pris en otage, tandis que les Talibans ne baissaient pas les armes. Sans parler des promesses de démocratisation et d’État de droit jamais suivies d’effets….
La guerre du Vietnam eut bien sûr son lot de mensonges occidentaux. La faillite du régime sud-Vietnamien pro américain était aussi une réalité. Mais la trahison, envers les Afghans fut bien pire: leur pays, ce cimetière des «empires», n’a jamais été pris en considération. Seuls nos intérêts l’ont été.
La chute de Kaboul, obtenue sans réelle victoire militaire, confirme l’indépendance farouche des Afghans, fossoyeurs des Empires depuis des siècles. Mais elle signe surtout la faillite des fausses promesses de l’occident, magnifique cadeau fait à tous les États de la planète – à commencer par la Chine et la Russie – qui dénoncent les mensonges et le peu de confiance que doivent, selon eux, inspirer les démocraties.