Nos lecteurs ne partagent pas, au sujet de la Thaïlande, des opinions identiques. Et c’est tant mieux. Notre «semaine thaïlandaise», point d’orgue de notre lettre d’information hebdomadaire, a pour but d’attirer l’attention sur des points saillants de l’actualité du royaume. La force de Gavroche, présent depuis 25 ans à Bangkok, est de garder en tête l’histoire récente et de pouvoir ainsi prendre du recul. Alors, empoignons cette question difficile: où va la Thaïlande ? Notre réponse, en quelques lignes, est une bonne occasion de relancer le débat.
La Thaïlande suit son chemin à part. Il faut d’abord le comprendre et l’accepter avant de juger ce royaume qui, rappelons-le, ne fut jamais colonisé. Le résultat est parfois difficile à saisir et à comprendre pour les esprits occidentaux. La Thaïlande est-elle aujourd’hui un pays moderne sur le plan économique ? Incontestablement. Sa modernisation sociale est-elle notable ? On peut aussi répondre par l’affirmative. La Thaïlande politique plonge en revanche ses racines dans un autre siècle. Nous ne sommes, pour ce qui concerne l’exercice du pouvoir dans le pays, ni dans le libéralisme, ni dans la mondialisation populiste. La Thaïlande a des repères politiques qui ne seront jamais les nôtres. On peut le regretter, mais acceptons-le.
La question consécutive est de savoir si ces références traditionnelles correspondent, peu ou prou, aux vœux de la population. Peut-on aujourd’hui affirmer que le rapport des Thaïlandais à la monarchie n’a pas changé au fil des décennies ? Peut-on écrire, comme certains lecteurs nous l’ont fait savoir, que nous n’avons pas à juger l’action politique des dirigeants thaïlandais ? Doit-on fermer les yeux sur les coulisses peu reluisantes, et parfois brutales, de ce royaume dont nous respectons évidemment les institutions ? La réponse est non. La Thaïlande change. Les thaïlandais changent. Alors, essayons de regarder tout cela sereinement en gardant en tête l’essentiel: la santé économique du pays, sa stabilité, le bien être de la majorité de sa population, mais aussi les dangereuses inégalités, la propension d’une partie des élites à l’abus de pouvoir, et le risque d’un autoritarisme néfaste pour la croissance et l’innovation.
La Thaïlande suit son chemin à part. Le rôle de Gavroche, petit français tombé dans le ruisseau, est de poser par terre des cailloux pour essayer, toujours, de la suivre à la trace.