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GAVROCHE – ROMAN: La voie du farang», épisode 11: Karens blancs et Karens rouges

Journaliste : Patrice Montagu-Williams
La source : Gavroche
Date de publication : 11/12/2020
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Suivre la voie du farang suppose d’accepter de prendre des risques. Amis lecteurs: ne sentez vous pas que l’affaire risque de mal se passer pour cet ancien agent de la DGSE à la recherche de son honneur et de son passé ? Nous l’avons suivi à Bangkok. Le voici à la frontière Birmane. Suspense !

 

« La voie du farang » : un roman inédit de Patrice Montagu-Williams.

 

L’intrigue.

 

1996 : sur fond de contrat pétrolier sulfureux passé avec la junte militaire birmane, de manipulation des médias et des ONG par différents services secrets, Martin Decoud, agent de la DGSE, la Direction Générale de la Sécurité Extérieure, est envoyé en mission à Bangkok.

 

Persuadé que, comme le dit Ernest Hemingway, « Un homme, ça peut être détruit, mais pas vaincu », le farang, l’étranger, retournera en Thaïlande, près de vingt-cinq ans plus tard, pour tenter d’y reconstruire une existence que la vie a brisée et trouver le « Noble Chemin » des bouddhistes qui mène au nirvana.

 

Rappel de l’épisode précédent : GAK et Martin invitent à dîner Jessie, du Haut Comité pour les Réfugiés. Ils veulent la convaincre d’accepter de les aider à mettre en place l’aide financière que Total propose de fournir aux ONG. À la fin du repas, elle propose à Martin de l’accompagner pendant la visite qu’elle doit effectuer au camp de de Ban Mai Nai Soi où le HCR a un bureau.

 

Épisode 11 : Karens blancs et Karens rouges

 

Le voyage prendrait une partie de la journée : une heure vingt de vol de Bangkok à Chiang Mai puis quarante-cinq minutes de Chiang Mai à Mae Hong Son. Il faudrait ensuite environ une heure de route pour se rendre en voiture jusqu’au camp de Ban Mai Nai Soi.

 

Assise près du hublot, Jessie prend la peine d’expliquer au farang que les Karens se partagent entre Karens Blancs et Karens Rouges. Ce nom de Karen leur a été donné par les Anglais. Eux préfèrent s’appeler Pwa ka Nyaw, qui signifie les hommes ou le peuple. Leur organisation sociale est structurée par le mariage : même après s’être mariées, les femmes restent dans la famille de leurs parents où viennent vivre leurs maris. Dans les héritages, les terres et les maisons sont généralement transmises aux épouses tandis que les hommes héritent du mobilier et des animaux.

 

Elle lui parle aussi des Padaung, que l’on appelle aussi Kayan, ces femmes girafes qu’il pourra voir, s’il le veut, à Nai Soi, à trois kilomètres du camp. Elles portent une sorte de collier-spirale en laiton qu’on leur enroule autour du cou à partir de l’âge de cinq ans. Ensuite, le collier est changé au fur et à mesure de la croissance.

 

— Beaucoup d’hypothèses ont été émises sur l’origine de cette pratique. On a dit que c’était pour se protéger des morsures de tigres, pour rendre ces femmes moins attrayantes aux yeux des autres tribus afin qu’elles ne se marient pas ou soient prises en esclavage ou, enfin, pour les faire ressembler à un dragon, qui est une figure importante du folklore Kayan. En fait, aujourd’hui, elles servent essentiellement à maintenir la tradition. Pour les Kayan, elles incarnent un certain idéal de beauté. Sans compter l’attrait qu’elles exercent sur les touristes dont l’argent bénéficie à toute la tribu !

 

La ville des trois brumes

 

— Mae Hong Son, Martin, cela veut dire, en thaï, « la ville des trois brumes », car elle est souvent recouverte par une mer de nuages, lui dit Jessie après qu’ils eurent atterris. C’est une petite ville calme traversée par une rivière, la rivière Pai, qui s’est développée autrefois grâce au dressage des éléphants sauvages qui vivaient dans les forêts alentours. La région est magnifique, la plus belle de Thaïlande, selon moi, car ses montagnes et ses forêts l’ont protégée du tourisme. C’est ici que vivent ce que l’on appelle « les tribus des collines », les Akha, les Hmong, les Lahu, les Lisu et les Yao, ajoute-t-elle, tandis qu’une pluie chaude et violente, habituelle en cette saison de mousson, s’abat sur la route qui serpente entre les rizières et que le 4X4 Toyota Land Cruiser est secoué violemment.

 

Au camp de Ban Mai Nai Soi

 

Quand ils pénètrent dans le camp, après avoir franchi le check point, le déluge a cessé et le sol de terre est déjà presque sec.

 

Ban Mai Nai Soi est une véritable ville avec ses centaines de maisons en bambou recouvertes de feuilles en guise de toit – maisons qui comportent, parfois, un petit jardin où les habitants cultivent des légumes ou élèvent des animaux – ses petits commerces, ses restaurants de rue, ses églises, ses temples, ses écoles et ses postes médicaux. Sans compter les bureaux des ONG et des agences internationales. Des dizaines d’enfants courent de tous les côtés en s’efforçant de ne pas se faire renverser par les motos et les tuk-tuk.

 

— Je ne t’ai pas fait venir ici pour rien, Martin, dit Jessie en passant au tutoiement, pour la première fois. Je ne sais même pas qui tu es, ni pour qui tu travailles vraiment. Vous m’avez parlé d’une « cellule de crise » de votre ministère des affaires étrangères. Mais tu pourrais parfaitement être un agent des services secrets français ! Qu’importe : tu peux apporter des fonds à des gens qui en ont besoin, alors je ne vais pas chercher à savoir ce que tu caches, rassure-toi…Demain matin, j’irai au Département d’éducation karenni, le KnED. C’est l’organisme local qui supervise et coordonne toutes les activités éducatives dans le camp. Je dois assister à la réunion mensuelle entre les enseignants, les agents des ONG et le HCR pour discuter du déroulement des formations et de la promotion des élèves qui sont sur le point d’obtenir un diplôme. C’est l’occasion, pour nous, d’améliorer les cours existants et d’en proposer de nouveaux en fonction de ce que les résidents du camp demandent. Il y aura un type d’une ONG qui sera certainement très sensible à tes arguments. Je lui parlerai, petit farang, ajoute-t-elle en souriant…

 

A suivre…

 

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