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GAVROCHE – ROMAN : «La voie du farang», épisode 13: L’ombre des Nagas

Journaliste : Patrice Montagu-Williams
La source : Gavroche
Date de publication : 20/12/2020
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La sensualité est un élément incontournable des meilleurs polars. Patrice Montagu – Willams le sait, lui dont le héros explore son histoire à tâtons, au contact d’une thaïlandaise qui lui révèle l’amour et le plaisir de la chair, version siamoise. «La voie du farang» est sinueuse: elle exige de la ténacité et une volonté sans faille. Ne la lâchez pas, car les Nâgas guettent…

 

Un roman inédit de Patrice Montagu-Williams

 

L’intrigue.

 

1996 : sur fond de contrat pétrolier sulfureux passé avec la junte militaire birmane, de manipulation des médias et des ONG par différents services secrets, Martin Decoud, agent de la DGSE, la Direction Générale de la Sécurité Extérieure, est envoyé en mission à Bangkok.

 

Persuadé que, comme le dit Ernest Hemingway, « Un homme, ça peut être détruit, mais pas vaincu », le farang, l’étranger, retournera en Thaïlande, près de vingt-cinq ans plus tard, pour tenter d’y reconstruire une existence que la vie a brisée et trouver le « Noble Chemin » des bouddhistes qui mène au nirvana.

 

Rappel de l’épisode précédent :au camp de réfugiés de Ban Mai Nai Soi, Martin rencontre le responsable de l’ONG GTR, « Global Training for Refugees », qui accepte de recevoir les fonds de Total et de faire savoir que le groupe vient en aide aux réfugiés. Avant de rentrer à Bangkok, Jessie et Martin s’arrêtent dans un sanctuaire pour éléphants.

 

Épisode 13 : L’ombre des Nagas

 

— Peut-être que c’était notre destin, dit Martin en passant la main dans les cheveux de Jessie.

 

Dès le lendemain de son retour à Bangkok, Martin avait reçu le directeur de Total dans les bureaux de l’ambassade et établi le contact avec Woodward et le GTR. Il fut décidé, en accord avec Paris, qu’il resterait en Thaïlande encore quelques semaines pour assurer le suivi de sa mission.

 

Deux jours après, il appelait Jessie pour l’inviter à dîner et, maintenant, elle était là, dans son lit, la tête posée sur sa poitrine.

 

Une violente pluie de mousson frappe le toit de la chambre et ils sont agrippés l’un à l’autre, comme des naufragés dans la tempête.

 

C’était leur première nuit ensemble, mais il avait l’impression de la connaître depuis toujours. Il est vrai que les femmes thaïes n’ont aucune de ces fausses pudeurs derrière lesquelles se retranchent souvent les Occidentales, la première fois qu’elles font l’amour. Dans la façon dont Jessie s’était livrée à lui, le laissant totalement libre de faire ce qu’il voulait de son corps, il n’avait pas retrouvé le cynisme de Winnie, mais une simple envie de donner du plaisir à son partenaire. C‘est, sans doute, que, la Thaïlande n’ayant jamais été colonisée, les femmes de ce pays n’ont pas été imprégnées par la morale de l’Occident, surtout en matière de sexe, s’était dit Martin…

 

Le destin ça n’existe pas

 

— Le destin, chez nous, ça n’existe pas, petit farang, répond Jessie. C’est une idée de chrétien. Votre dieu créateur intervient en permanence dans votre vie. Vous devez lui rendre des comptes et lui obéir si vous voulez être récompensé après votre mort. Dans le cas contraire, l’Enfer vous guette pour l’éternité. On retrouvait déjà cette notion d’obéissance chez les Grecs anciens, mais, eux, c’était aux lois créées par les citoyens. Votre culture est un mélange de ces deux systèmes, grec et biblique. Il vous est donc impossible d’y échapper. Le Bouddha, lui, ne nous dit jamais ce qu’il faut faire ou ne pas faire. Et c’est cela que vous ne pouvez pas comprendre, car vous avez, toujours gravé dans votre inconscient, la nécessité de vous définir par rapport à des commandements ou à des lois.

 

Elle se lève alors et, toujours nue, va se poster à la fenêtre. Dehors, la tempête a redoublé. Elle parle sans se retourner.

 

— Cette nuit, j’ai fait un rêve. Des boules de feu montaient de notre lit vers le ciel. Chez nous, on les appelle des Nâgas. Elles surgissent, à la saison des pluies, à la surface du Mékong, du côté de Nong Khai, à la frontière avec le Laos. On dit que la cause en est le grand serpent Nâga qui vit dans le fleuve et qui veut ainsi avertir le Bouddha de la montée des eaux. C’est alors que j’ai compris qu’il voulait me prévenir que le danger, c’était toi, petit farang, conclut-elle en se retournant tandis qu’ils se mettent à rire tous les deux !

 

Je veux avoir un enfant

 

Plus tard dans la matinée, elle lui dit qu’aujourd’hui elle n’irait pas travailler.

 

— Quelque chose ne va pas, lui demande-t-il ?

 

— Je veux avoir un enfant, Martin. Si j’attends encore, ce sera trop tard. Mais, comprend moi bien : ce n’est pas un enfant de toi que je veux, car je sais que tu vas bientôt retourner en France. J’ai décidé d’en adopter un ! Cela me permettra peut-être de soulager un peu la misère que je vois partout dans ce monde.

 

— C’est une idée merveilleuse, Jessie, répond Martin en prenant sa main dans la sienne et en la serrant très fort.

 

Elle baisse alors la tête pour ne pas que le farang voie la joie inonder son visage.

 

Une petite fille

 

Une dizaine de jours plus tard, quand elle ouvre la porte de chez elle à Martin, Jessie tient une petite fille dans ses bras.

 

— Je te présente Nina. C’est moi qui l’ai baptisée ainsi. Nina est Karen mais elle parle le thaï. Elle a trois ans. Tout a été réglé par le HCR, à Ban Mai Nai Soi.

 

A suivre…

 

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