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GAVROCHE – ROMAN: «La Voie du Farang», épisode 3: Montmartre, derniers jours

Journaliste : Redaction
La source : Gavroche
Date de publication : 09/11/2020
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Il faut toujours quitter Paris pour y revenir. Le héros du nouveau roman-feuilleton de Patrice Montagu Williams, ancien agent secret français, croyait avoir trouvé la paix dans le quartier de Montmartre. mais son passé l’a rattrapé. Et l’Asie aussi….Cette Asie qui, lorsqu’elle vous envoute, ne vous lâche plus jamais.

 

Un roman inédit de Patrice Montagu-Williams

 

L’intrigue

 

1996 : sur fond de contrat pétrolier sulfureux passé avec la junte militaire birmane, de manipulation des médias et des ONG par différents services secrets, Martin Decoud, agent de la DGSE, la Direction Générale de la Sécurité Extérieure, est envoyé en mission à Bangkok.

 

Persuadé que, comme le dit Ernest Hemingway, « Un homme, ça peut être détruit, mais pas vaincu », le farang, l’étranger, retournera en Thaïlande, près de vingt-cinq ans plus tard, pour tenter d’y reconstruire une existence que la vie a brisée et trouver le « Noble Chemin » des bouddhistes qui mène au nirvaṇa.

 

Rappel de l’épisode précédent: après une première mission effectuée deux ans plus tôt au Cambodge, la DGSE annonce à Martin Decoud, qu’elle va l’envoyer en Thaïlande pour essayer de mettre fin au scandale qui vise le Groupe Total, accusé de financer le régime militaire birman.

 

Épisode 3 : Montmartre, derniers jours.

 

Grande, blonde, ses yeux bleus étaient légèrement bridés. Martin l’avait rencontrée un soir, un peu par hasard, alors que tous deux sortaient du métro Abbesses. Comme il pleuvait et qu’ils n’avaient pas de parapluie, ils attendirent que l’orage passe, debout sous l’édicule Guimard qui protégeait l’entrée de la station. Elle lui apprit qu’elle s’appelait Nadia, qu’elle étudiait aux Beaux-Arts, qu’elle était russe originaire de Tsarskoïe Selo, une localité située à vingt-cinq kilomètres de Saint-Pétersbourg connue pour abriter la nécropole des chevaux du Tsar dont on avait depuis changé le nom en Pouchkine.

 

Le mur des Je t’aime

 

Quand la pluie cessa, il lui proposa d’aller voir le Mur des Je t’aime, square Jehan-Rictus, à quelques mètres de là : sur six cent douze carreaux de lave émaillée, on avait gravé « Je t’aime » en deux cent cinquante langues différentes dont le navajo, l’inuit, le bambara et l’espéranto.

 

Belle comme un agent des services secrets

 

Paris fascinait Nadia qui pimentait un français parfait d’un léger accent. La première réaction de Martin avait été de se méfier : elle était belle comme un agent du SVR, le service d’espionnage russe. Il fit faire une enquête par un ami de la DGSI, la Sécurité Intérieure, tout en pensant que ce métier le rendait paranoïaque.

 

— Elle est totalement clean, l’informa ce dernier quelques jours plus tard. Tu peux y aller…

 

Elle lui avait laissé son numéro de portable. Alors il l’appela et lui proposa de venir dîner chez l’un de ses amis peintres, Cité des Fusains, cette cité d’artistes située au 22 rue Tourlaque construite en partie avec des éléments d’anciens pavillons de l’Exposition Universelle de 1889 où vécurent, entre autres, Derain, Bonnard, Renoir, Arp et Miro.

 

Le studio 28

 

En la raccompagnant au métro, ils s’embrassèrent comme s’ils étaient amants.

 

Le lendemain, ils allèrent au Studio 28, rue Tholozé. Inaugurée en 1928, c’était la plus vieille salle de cinéma de Paris. Les lustres accrochés au plafond étaient signés Jean Cocteau. Avant la séance, ils burent une coupe de champagne dans le bar-jardin.

 

Ce soir-là, on projetait Ridicule, de Patrice Lecomte, avec Jean Rochefort et Fanny Ardant. Pendant la projection, elle s’était lovée contre lui, le souffle court, avant de prendre sa main et de la presser entre ses cuisses. Elle n’en pouvait plus. Ils sortirent avant la fin du film et il l’emmena chez lui.

 

Passionnée comme une Russe

 

Comme toutes les Russes, Nadia était passionnée, excessive. Sexe, boisson, elle ne connaissait aucune limite. Pour cette raison, les amis de Martin la surnommèrent La Goulue, comme celle qui symbolisa le French Cancan et le Moulin Rouge aux côtés de Valentin le Désossé. Et ça lui plaisait, à la Cosaque. Surtout ici, à Montmartre, où elle avait découvert l’histoire de cette blanchisseuse devenue modèle pour Renoir avant d’être immortalisée par Toulouse-Lautrec.

 

Martin s’était attaché à elle. Elle lui rappelait l’époque où il était étudiant. Mais il connaissait la règle du jeu : jamais de liaison de plus de trois mois. Nadia, de son côté, pensait qu’elle était amoureuse de ce type étrange dont elle ne savait pas exactement quel métier il faisait.

 

— Agent secret, avait affirmé Michou, en riant, un soir au cours d’un dîner à La Mascotte où le Prince bleu de Montmartre avait une chaise à son nom.

 

Elle sursauta : agent secret, ça lui rappelait les hommes de la Guépéou, la police d’état soviétique qui avait terrorisé la population de son pays.

 

— Tu ne vas pas croire ce type, lui dit Martin : c’est le prince des transformistes, le roi de l’illusion !

 

Un homme de la Guépéou

 

La bande l’avait adoptée. Ce jour-là, ils étaient tous là, assis à la terrasse de la brasserie.

 

— Je pars, leur annonça-t-il à la fin du déjeuner. Pour un certain temps. Je ne sais pas quand je rentrerai.

 

Tous comprirent aussitôt qu’il n’avait pas pris la peine d’en informer Nadia.

 

Elle se leva alors de table.

 

— Il avait raison, Michou : t’es bien un mec de la Guépéou, dit-elle à Martin avant de lui tourner le dos et de se diriger vers la place des Abbesses tandis qu’il restait assis.

 

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