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GAVROCHE – ROMAN: «La voie du farang», épisode 8: Entre le Siam et la France

Journaliste : Redaction
La source : Gavroche
Date de publication : 28/11/2020
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L’ambassade de France à Bangkok, sur la berge de la rivière Chao Praya, est un condensé de grande histoire. Mais que se trame-t-il exactement dans cette belle résidence coloniale ? Et si la France tentait de retrouver, par les coulisses, son influence sur ce royaume qu’elle fut l’une des premières à reconnaitre sous le règne du roi Soleil ?

 

« La voie du farang » : un roman inédit de Patrice Montagu-Williams.

 

L’intrigue.

 

1996 : sur fond de contrat pétrolier sulfureux passé avec la junte militaire birmane, de manipulation des médias et des ONG par différents services secrets, Martin Decoud, agent de la DGSE, la Direction Générale de la Sécurité Extérieure, est envoyé en mission à Bangkok.

 

Persuadé que, comme le dit Ernest Hemingway, « Un homme, ça peut être détruit, mais pas vaincu », le farang, l’étranger, retournera en Thaïlande, près de vingt-cinq ans plus tard, pour tenter d’y reconstruire une existence que la vie a brisée et trouver le « Noble Chemin » des bouddhistes qui mène au nirvana.

 

Rappel de l’épisode précédent : Martin Decoud dîne en tête-à-tête avec Winnie, l’agent du SBB, la police politique du régime, chargée du suivre l’affaire Total. Elle lui parle de son passé. Ils passent la nuit ensemble.

 

Épisode 8 : Dans les jardins de l’ambassade.

 

GAK lui avait demandé d’assister à une réception que donnait l’ambassade en l’honneur d’une délégation du CNPF, le Conseil National du Patronat Français, qui faisait une tournée dans la région.

 

— Bienvenue à Bangkok, Chers amis, en cette année où votre organisation fête ses cinquante ans d’existence, commence l’ambassadeur.

 

Il refait ensuite, devant ses invités, l’histoire des relations entre la France et la Thaïlande et rappelle que, dès le XVIe siècle, le Royaume de Siam fut reconnu par les Européens et que le roi accorda alors des comptoirs commerciaux à plusieurs pays, dont la France.

 

— Depuis cette époque, continue l’ambassadeur, les relations entre le royaume et notre république sont au beau fixe. Je vous rappelle que le Siam a même envoyé un corps expéditionnaire en France, en 1917, après avoir déclaré la guerre à l’Allemagne, ajoute-t-il, oubliant, diplomatiquement, de mentionner la bataille de Koh Chang, qui opposa, en 1941, les flottes françaises et thaïlandaises.

 

La menace d’une commission d’enquête

 

Martin et GAK vont de groupe en groupe parmi la centaine d’invités rassemblés dans les jardins de l’ambassade. Tout ce qui compte sur le plan économique dans la communauté française de Bangkok est présent. En raison de la chaleur, la réception se tient en fin de journée et la température est supportable. Les deux hommes de Total, rencontrés quelques jours plus tôt en compagnie du Chargé de mission envoyé de Paris, les retrouvent devant le buffet.

 

— Alors, Messieurs, où en sommes-nous de notre affaire, demande de directeur de Total Thaïlande ? J’ai le siège tous les jours au téléphone. Les socialistes et les communistes à l’Assemblée veulent lancer une commission d’enquête sur le contrat Yadana. Heureusement, la droite s’y opposera, mais on parlera de magouilles et certains n’hésiterons pas à nous accuser de financer en sous-main la majorité, n’en doutons pas ! En attendant, l’image de notre groupe, qui était excellente, est très abîmée dans l’opinion !

 

— Nous marchons sur des œufs en raison de la situation politique locale, mais les Thaïs sont de notre côté, répond Martin, et ils nous aideront.

 

— Viens, dit GAK à Martin, une fois que leurs interlocuteurs se sont éloignés : je veux que tu rencontres quelqu’un que je viens d’apercevoir et qui peut nous être très utile…

 

De mauvaises fréquentations

 

Mince et assez petite, elle porte le pha sin, la robe de soie thaï traditionnelle qui épouse le corps, et le boromphiman, un chemisier à manches longues avec un col rond auquel on a rajouté un brocart. Elle n’arbore aucun bijou à l’exception d’un simple collier de perles et d’un bracelet en forme de jonc en argent strié.

 

— Martin, je te présente Jessie, du Haut Comité pour les Réfugiés. Elle parle parfaitement français. Jessie, voici Martin, de la cellule de crise de notre ministère des Affaires Étrangères. Magnifique, ce bracelet, Jessie, ajoute-t-il en lui prenant la main.

 

— Notre agence est basée à Genève : parler le français simplifie les choses, explique-t-elle à Martin. Quant au bracelet, ce sont les Karens dont je m’occupe qui conçoivent et fabriquent ces bijoux, répond-t-elle après avoir fait le wâi. Je vois que tu as de mauvaises fréquentations, GAK, ajoute-t-elle en indiquant du regard les deux hommes de Total.

 

— C’est quand son ennemi se trouve dans une situation difficile qu’il faut négocier avec lui, Jessie. Mais que fais-tu ici ? Je te croyais à Mae Sot.

 

Plus de quinze mille karens

 

— Je suis venue voir les gens qui s’occupent du problème des réfugiés au gouvernement. Nous sommes à nouveau débordés. Les combats ont repris entre la Karen National Liberation Army et l’armée birmane. Plus de quinze mille Karens ont traversé hier le Friendship bridge !

 

— Qu’est-ce que c’est que le Friendship bridge, demande Martin ?

 

— C’est un pont sur la rivière Moei qui relie Mae Sot, en Thaïlande, à Myawaddy, en Birmanie, explique Jessie. Les réfugiés se sont rassemblés dans deux endroits du côté thaïlandais, mais, à la fin de la journée hier, l’Organisation internationale pour les migrations et les militaires thaïlandais les ont transférés vers un site localisé près de

 

l’aéroport de Mae Sot. Selon certaines informations, ce site pourrait s’avérer trop étroit pour faire face au nombre croissant des réfugiés. En attendant, nous avons vidé notre entrepôt pour fournir quatre-vingt-dix tentes que les Thaïlandais et des Karens eux-mêmes ont montées dans la soirée. On y a ajouté des bâches en plastique du HCR pour fournir davantage d’abris. Il y a plus de cent mille réfugiés dans les neuf camps qui bordent la frontière. À Mae La, un camp ouvert en 1984, certaines personnes sont installées depuis plus de vingt ans et beaucoup y sont nées ! Des garde-frontières ont fourni une aide médicale. Les employés du HCR du bureau de Mae Sot se trouvent à nouveau sur le site aujourd’hui pour contrôler la condition et le bien-être des nouveaux arrivants, évaluer leurs besoins et en savoir plus sur la façon dont ils ont fui. Nous essayons de travailler en bonne entente avec le Gouvernement thaïlandais et les ONG pour coordonner les services au bénéfice des réfugiés.

 

— Nous pourrions peut-être trouver un moyen de vous aider, Chère Madame, dit Martin en regardant Jessie dans les yeux.

 

A suivre…

 

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