Les pierres précieuses et la drogue font bon ménage dans les soutes des trafiquants. Il s’agit, pour ces derniers, de gagner toujours plus. Dans ce Triangle d’Or qui est sa zone d’observation, l’agent spécial Ly scrute les moindres faits et gestes qui pourront le rapprocher de «l’impératrice rouge».
Un roman inédit de Patrice Montagu-Williams
L’intrigue.
Les saisies de drogue atteignent un niveau record dans le 13ème arrondissement de Paris. Cette drogue proviendrait du fameux Triangle d’or, cette zone frontalière située entre la Thaïlande, la Birmanie et le Laos. Quel est le rôle exact de la Chine et de ses services secrets dans cette affaire ? Et qui est exactement cette Impératrice Rouge, somptueuse et tragique femme vampire, qui serait le chef d’orchestre occulte de ce trafic ?
L’agent très spécial Ly, de la DGSE, est envoyé en Thaïlande pour régler le problème, par tous les moyens. Persuadé, comme le dit Sartre, qu’on ne peut vaincre le mal que par un autre mal, il vivra une histoire de passion, de folie et de trahison.
Rappel de l’épisode précédent : Nana Plaza
Ly ère dans le Nana Plaza et l’enquête n’avance pas jusqu’au jour où, dans un salon spécialisé, une fille lui apprend qu’elle a massé l’Impératrice en personne et lui fournit un indice concernant l’endroit où elle pourrait se trouver.
Épisode 15 : Des rubis «sang de pigeon»
Elle a les yeux bleu pâle, comme une aigue-marine. Elle explique que c’est pour cette raison qu’on l’a appelée Ratana, ce qui veut dire « pierre précieuse ». Sa mère avait eu une aventure avec un surfeur, à Kamala Beach, l’une des plus célèbres plages de Phuket, où elle était serveuse, dans un bar. Mais le « farang », un Allemand dont elle ne connaissait que le prénom, Thomas, s’était volatilisé quand elle lui avait avoué qu’elle attendait un enfant de lui.
Il y a quelques mois, Ratana a été engagée à « The Empire of Temptations », comme go-go girl. Elle est là pour tenir compagnie aux clients et les faire boire. Le plus possible. Elle ne va au-delà que si l’homme lui plaît. Par contre, il lui arrive d’aider des copines qui ont besoin d’argent, pour payer leur loyer, sortir ou s’offrir des fringues, et de leur présenter des michés rencontrés au bar qui cherchent quelqu’un pour passer un bon moment.
L’intelligence de Ratana
Ratana est intelligente. Elle regarde cet homme qui l’écoute avec intérêt. Il n’est pas comme tous ces « farangs » qui l’auraient traitée comme une pute. Elle lui prend la main :
— Quelque chose me dit que tu n’es pas Thaï, lui dit-elle.
— Je suis Hmong, répond Ly, ceux que l’on appelle Les Chats Sauvages.
— Le patron nous a demandé de le prévenir si on rencontrait un Hmong. Qui sait, ça peut être une opportunité pour toi. Je vais l’appeler, ajoute-t-elle en sortant son portable de son sac. On recherche quelqu’un
Sans que l’on ait eu besoin de lui dire quoique ce soit, Ratana s’est éclipsée, avec la rapidité et la discrétion d’un serpent qui se glisse dans les hautes herbes, avant de disparaître.
La tournée du Mongol
— C’est moi qui paye la tournée, dit Le Mongol en s’asseyant face à son interlocuteur. Whisky, ça te va, demande-t-il ? Je te rassure : pas thaï, irlandais. Le Jameson est le meilleur des « blended » : il est distillé trois fois…
Tout d’abord, il fait parler son invité. Il veut tout savoir de lui : quand et où il est né, si ses parents sont encore vivants, s’il a des frères et sœurs, s’il est marié ou s’il vit avec quelqu’un, ce qu’il fait dans la vie. L’interrogatoire dure plus d’une heure. Mais Ly avait tout préparé : il était célibataire, n’avait plus de famille, et venait de vendre ses parts dans un bar de Pattaya, le « Big Bar » : il en avait assez des touristes et voulait changer de vie.
L’autre a l’air satisfait. Il explique alors que, derrière, le go-go bar où ils se trouvent, se cache un business beaucoup plus important pour lequel il est chargé de recruter quelqu’un. Il s’agit d’une entreprise qui dispose d’ateliers dans le nord du pays, à Mae Sai, à la frontière avec la Birmanie. C’est pour gérer ces ateliers qu’il nous faut un homme de totale confiance. Un membre de ces « tribus des collines », un Hmong, conviendrait très bien : il sera beaucoup mieux accepté sur place qu’un Thaï, et, bien sûr, qu’un Chinois ou un Mongol, comme lui.
L’homme du «Big Bar»
— Donne-moi ton numéro de portable et laisse-moi quelques jours, que je vérifie une chose ou deux.
Sitôt sorti, Ly appelle Wichak : il pense être sur une piste concernant l’Impératrice Rouge. Si l’on interroge à son sujet l’homme du « Big Bar », à Pattaya, qu’il dise qu’il n’est plus associé dans l’affaire et qu’il a vendu ses parts. Le surlendemain, Le Mongol le recontacte.
— Avant de conclure définitivement notre accord, tu dois rencontrer quelqu’un. Rendez-vous au bar demain, à six heures du soir. C’est elle ! On l’a fouillé puis on lui a bandé les yeux avant de lui faire monter des escaliers. Il a compris qu’on ouvrait une porte, puis deux. Quand on a ôté le bandeau, il s’est trouvé face à une femme très belle, assise sur une bergère recouverte d’une soie rose sur laquelle sont imprimés des dragons. Un gros chat dormait sur ses genoux. Le fauteuil est posé sur une sorte d’estrade et lui fait penser tout de suite à un trône.
L’impératrice rouge
Alors, il comprend : il se trouve face à celle qu’il cherchait depuis son arrivée en Thaïlande : l’Impératrice Rouge en personne ! La femme lui sourit. Ce n’est pas l’un de ces sourires dont les Thaïs sont coutumiers. Ni un sourire froid et professionnel, comme on peut en trouver à Paris. C’est autre chose, de plus profond, comme peut l’être le sourire, à la fois dur et fracturé, d’un être blessé.
— Assieds-toi, lui dit-elle. Je m’appelle Meï. Nous allons parler. Pendant ce temps, notre ami Muqali va préparer mon bain et nous apporter à boire…
A suivre…