La drogue est un carburant pour les pires crises et les situations les plus dramatiques. En virtuose du roman policier, Patrice Montagu Williams nous conte l’histoire de l’agent Ly, envoyé par la DGSE française pour dénouer l’écheveau des trafics du Triangle d’Or. Attention: sensations fortes garanties…
L’Impératrice Rouge » : un roman inédit de Patrice Montagu-Williams.
L’intrigue
Les saisies de drogue atteignent un niveau record dans le 13 ème arrondissement de Paris. Cette drogue proviendrait du fameux Triangle d’or, cette zone frontalière située entre la Thaïlande, la Birmanie et le Laos.
Quel est le rôle exact de la Chine et de ses services secrets dans cette affaire ? Et qui est exactement cette Impératrice Rouge, somptueuse et tragique femme vampire, qui serait le chef d’orchestre occulte de ce trafic ?
L’agent très spécial Ly, de la DGSE, est envoyé en Thaïlande pour régler le problème, par tous les moyens. Persuadé, comme le dit Sartre, qu’on ne peut vaincre le mal que par un autre mal, il vivra une histoire de passion, de folie et de trahison.
Rappel de l’épisode précédent : Une réunion est organisée à Matignon, autour du directeur de cabinet du Premier ministre. La politique de la France en Asie du Sud-Est est menacée par le chantage exercé par les Chinois. Il est décidé de confier le dossier à la DGSE.
Épisode 6 : Opération « Chat sauvage »
Ils sont trois assis dans un bureau du CAT, le Centre Administratif des Tourelles, au siège de la DGSE, 141 boulevard Mortier, près de la porte des Lilas, dans le XXe arrondissement, à Paris, que l’on appelle encore, dans le service, « La Piscine », en raison de sa proximité avec la piscine des Tourelles. Marcel Grandet, le directeur du service action, qui est en charge de la planification et de la mise en œuvre des opérations clandestines, et Georges Bianchon, le directeur du service Mission, le DOSM, responsable de la recherche de renseignements par le moyen d’officiers traitants dans les zones où la boîte, comme ils disent, n’a pas de poste fixe, font face à Jacques Corentin, le directeur de la DGSE. La réunion a commencé, il y a plus d’une heure maintenant.
L’homme qu’il nous faut
— L’agent Ly est l’homme qu’il nous faut pour cette opération difficile, explique Marcel Grandet. C’est un solitaire et il n’aura besoin d’aucun appui logistique. De plus, l’intervention doit se faire en Thaïlande. Or, l’agent Ly, qui parle le thaï, est Asiatique, Hmong, pour être plus précis, ceux que l’on appelle dans la région les « Chats sauvages », et il pourra aisément se fondre dans la population locale. C’est d’ailleurs justement parce qu’il n’était pas un « farang », un étranger, un blanc, comme on dit là-bas, qu’il a pu mener à bien l’opération « Nimroud », il y a trois ans.
— Vous nous rappelez, en deux mots, ce qu’était cette opération, Grandet, demande Jacques Corentin…
— Il s’agissait de récupérer des œuvres d’art volées en Syrie et en Irak par l’État Islamique et vendues sur les marchés clandestins de Bangkok pour que l’organisation se refinance. C’étaient des œuvres millénaires, des objets sataniques qu’il aurait fallu laisser sous terre et auxquels les archéologues n’auraient jamais dû toucher, prétextaient les vendeurs.
Des ventes d’antiquités
Les pièces, notamment des joyaux de l’art assyrien, venaient de Palmyre, de Nimroud et de l’antique cité parthe de Hatra. Selon nos amis de la CIA, ces ventes rapportaient plusieurs milliards de dollars à l’EI dans le monde. L’agent Ly s’était fait passer pour le représentant d’un client chinois. La cible a été abattue et les pièces dérobées mises à l’abri.
— Vous avez carte blanche, Messieurs, conclut le directeur de la DGSE en se levant. Je propose que nous appelions cette opération « Opération Chat sauvage ;». Je pense n’avoir pas besoin de vous expliquer pourquoi.
Rendez-vous à Saint-Germain-des-Près
Ly est assis en terrasse, au café-restaurant « Les Éditeurs », carrefour de l’Odéon. On l’a contacté, la veille, toujours de la même façon : en utilisant la messagerie cryptée interne. Il est venu à pied de chez lui, rue Daguerre. Il fait beau sur Paris, aujourd’hui, alors il a pris le temps de descendre calmement la rue de Rennes avant de prendre, sur la gauche, la rue du Vieux Colombier, puis de longer la place Saint-Sulpice. Il aime cet endroit et quand le directeur du service Mission lui a proposé un rendez-vous – « non officiel », avait-il précisé – il lui a suggéré de se retrouver là. En plus, le bruit de la circulation couvrirait leur conversation.
— Votre succès dans l’opération « Nimroud » a plaidé en votre faveur, lui dit Georges Bianchon, peu après s’être assis à ses côtés. Ly se souvient à ce moment-là que l’homme qui venait de lui avouer, après qu’il lui eut arraché les ongles un à un, avec une tenaille, où se trouvaient les pièces recherchées, lui avait jeté au visage qu’il n’était qu’un chien de mécréant incapable de faire la différence entre le Bien et le Mal.
— Tu te trompes, lui avait-il répondu, avant de lui tirer une balle dans la tête : pour moi, c’est très simple : le Mal, c’est la cible !
— J’en ai assez d’entendre que l’on bosse plus pour les politiques que pour le pays et que les Israéliens et les Russes sont bien meilleurs que nous, laisse tomber Bianchon avant d’avaler son expresso. C’est pourquoi je compte sur vous, pour cette opération, agent Ly. Vous savez que vous n’aurez aucune couverture sur place. Les Thaïs se contenteront de vous fournir une pièce d’identité. Officiellement, vous serez un Hmong de nationalité thaï né à Chiang Kong. Ils ne vous gêneront pas, mais ils ne vous aideront pas non plus : ils n’aiment pas partager les informations sur leurs affaires intérieures avec les étrangers.
Royal Thaï Police
En même temps, vu les mauvaises relations qu’ils entretiennent avec votre peuple depuis l’affaire des expulsions vers le Laos, le fait d’être Hmong est une excellente couverture pour ne pas être soupçonné de collaborer avec les services thaïs, si jamais cela devait se produire. Vous avez peut- être gardé des contacts sur place ?
— Le colonel Prawit Wichak, du « Central Investigation Bureau » de la « Royal Thaï Police ». C’est un ami…
Après la conclusion de l’opération « Nimroud », ils s’étaient rendus tous les deux au bordel. Le colonel lui avait expliqué que, dans les textes bouddhistes, un homme marié pouvait parfaitement aller voir une prostituée dans la mesure où il la payait lui-même.
— Bonne chance alors, agent Ly, dit le directeur du service Mission en se levant. Vous en aurez besoin : le Guoanbu, le service chinois, est de plus en plus puissant et efficace…
A suivre…