GAVROCHE HEBDO – ÉDITORIAL : A Bangkok, le brouillard de la politique en uniforme
Il ne faut pas se tromper et Gavroche l’avait pronostiqué : la bataille la plus redoutable, pour l’ex-opposition Thaïlandaise devenue majoritaire dans les urnes et à la chambre des députés à l’issue des législatives du 14 mai, se jouera sur le tapis vert des rapports de force politique. Pardon : sur le tapis kaki. Car ce qui se passe ces jours-ci était prévu : l’armée, de facto au pouvoir depuis dix ans, est en train de brouiller les cartes. Personne ne conteste la victoire du parti Move Forward et de son allié le Pheu Thai. Mais rares sont les généraux sui sont prêts à lui céder, sans concessions, les rênes du royaume.
Cette situation va durer. Elle installe aussi une guerre des nerfs entre les jeunes dirigeants de l’opposition et les forces politiques traditionnelles du pays, qui ont le soutien d’une bonne partie de l’appareil judiciaire. Il s’agit, ni plus ni moins, de contrecarrer à force d’enquêtes et d’allégations l’aspiration légitime des partis d’opposition à prendre le pouvoir, à l’exercer et à mettre en œuvre quelques-unes des réformes promises dans leur plate-forme électorale. Faut-il s’en alarmer ? Oui et non. Oui, parce que les coups bas visent à discréditer le suffrage universel. Non, parce que les militaires n’ont pas en main toutes les clés, et parce que la société thaïlandaise n’est pas prête à toutes les manœuvres. Il faut donc attendre, et se dire que la société thaïlandaise n’est ni aveugle, ni sourde, ni muette. La porte ouverte par le pouvoir thaïlandais aux généraux birmans, pour revenir à la table des négociations avec l’ASEAN, doit aussi être suivie avec attention. Fidèle à ses habitudes, le royaume de Thaïlande cherche sa voie en dehors de nos paradigmes politiques occidentaux. Le pire y est possible. Mais il n’est jamais sûr.