GAVROCHE HEBDO – ÉDITORIAL : Khieu Samphan, miroir des tragédies de la décolonisation
La confirmation, jeudi 22 septembre, de la condamnation à la perpétuité de l’ancien dirigeant Khmer rouge Khieu Samphan mérite d’être commentée à plusieurs titres. D’abord, parce qu’elle met un terme à une procédure judiciaire spéciale controversée, tant le Tribunal extraordinaire pour le Cambodge s’est trouvé limité dans ses enquêtes par les autorités du pays.
Deuxième raison de méditer sur cette condamnation: le profil de Khieu Samphan, dernier responsable en vie de l’utopie meurtrière des Khmers rouges, qui transformèrent le Kampuchea en immense camp de travail forcé entre 1975 et 1979, au nom d’une idéologie maoïste cultivée notamment lors des séjours parisiens de Pol Pot et des principaux dirigeants du mouvement. Dernier motif de réflexion enfin : la responsabilité d’une partie de l’intelligentsia occidentale qui soutint les Khmers rouges dans leur combat pour la « libération » du Cambodge, il est vrai dans le contexte de la guerre américaine au Vietnam.
Cette condamnation est, à bien des égards, un morceau d’histoire. Khieu Samphan, né en juillet 1931, va mourir en prison à Phnom Penh. Cet intellectuel était, dans les années 60, un espoir du renouveau cambodgien. Puis la révolution l’a happé, au nom de la défense des paysans et de la lutte contre les inégalités. L’engrenage totalitaire s’est mis en place, et sa participation aux accords de paix de Paris, en 1991, n’y a rien changé. Dans sa prison, Khieu Samphan est le miroir des tragédies et des illusions meurtrières de la décolonisation.