Notre confrère Pierre Antoine Donnet, dont nous vous recommandons les analyses sur le site Asialyst, vient de publier un article qui fait froid dans le dos à propos de la perte des libertés à Hong Kong, 25 ans après la rétrocession du territoire. Il raconte dans ce texte la détention de l’ancienne journaliste Claudia Mo. Poignant. Nous publions ici des extraits et nous vous recommandons la lecture complète sur Asialyst.
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Ce vendredi 1er juillet, Hong Kong est officiellement à mi-parcours. Entamé il y a un quart de siècle, le processus de rétrocession devait durer 50 ans, selon l’accord sino-britannique de 1984. Cinq décennies à conserver le principe « un pays, deux systèmes », censé garantir la semi-démocratie hongkongaise et ses libertés civiles. Un principe encore « plein de vitalité », a vanté Xi Jinping à son arrivée dans l’ancienne colonie britannique ce jeudi 30 juin. L’étouffement des manifestations pro-démocratie en 2019 puis l’instauration de la loi sur la sécurité nationale en 2020 l’ont pourtant prouvé : la cité vit désormais selon « un seul système », celui de Pékin. Asialyst a choisi un exemple de cette trajectoire glaçante : le destin de Claudia Mo. Journaliste à l’AFP puis députée hongkongaise au vibrant combat pro-démocratie. Aujourd’hui, dans le nouveau Hong Kong, elle paie cher ce combat, derrière les barreaux.
Ancienne journaliste de l’Agence France Presse
Claudia Mo Man-ching (毛孟靜), ancienne journaliste de l’Agence France-Presse, est arrêtée le 6 janvier 2021. Peu après, elle est incarcérée dans une prison de Hong Kong, où elle croupit depuis pour « sédition » et « intelligence avec des forces étrangères ». Mobile de ce double « crime » : avoir dénoncé en public les exactions commises par la police contre les manifestants dans les rues de l’ancienne colonie britannique et, plus généralement, l’emprise de Pékin sur Hong Kong. Son sort est emblématique de la situation tragique de Hong Kong.
Le 4 juin 1989, Claudia a été témoin du massacre de la place Tiananmen, envoyée par l’AFP sur les lieux. « Dès mon arrivée sur la place Tiananmen, je pouvais sentir l’odeur de la poudre, confiait-elle au South China Morning Post. J’ai alors vu des flaques de sang tout le long de l’avenue Chang’an et j’entendais le bruit sourd des convois de chars qui s’approchaient de la place. » Ces événements ont changé sa vie.
Ce jour-là, des centaines de manifestants, probablement autour de 2 700 selon plusieurs sources crédibles, ont été froidement abattus par des soldats de l’Armée populaire de libération, sur l’ordre de Deng Xiaoping. Plusieurs centaines de milliers de jeunes Chinois s’étaient rassemblés depuis plusieurs semaines sur cette immense place au cœur de Pékin pour réclamer davantage de démocratie.
Une ancienne élue au Legco
Après avoir quitté l’AFP en 1991, Claudia a été élue au Legco, le Conseil législatif, parlement de Hong Kong. Elle était devenue une activiste connue très engagée pour le respect des droits humains dans la cité de 7 millions d’âmes. Aujourd’hui, Claudia attend son procès et risque la prison à vie, de même que des dizaines d’autres militants hongkongais pour la démocratie. Conduite au commissariat d’Aberdeen, les policiers lui avaient immédiatement confisqué son ordinateur et son téléphone.
Le 6 janvier 2021 à l’aube, une bonne dizaine de policiers s’étaient présentés devant son appartement et s’étaient mis à frapper furieusement à sa porte. Sa femme de chambre leur avait alors entrouvert. « Ils se sont comportés comme des sauvages » en entrant dans l’appartement, raconte un témoin de la scène, cité par le Financial Time.
Claudia avait alors 64 ans et son mari, le Britannique Philip Bowring, 79 ans. Les deux s’étaient connus au Club de la Presse étrangère à Hong Kong, lui travaillant alors pour le Financial Times. Ils ont deux fils, Simon et Gavin. Depuis son incarcération, les droits de visite sont réduits au minimum. L’un de ses visiteurs habituels était le Cardinal Joseph Zen, 90 ans, une personnalité très respectée à Hong Kong, lui-même arrêté en mai dernier puis relâché. Lors de ses visites à Claudia, il lui avait apporté les livres de Dostoïevski, Crimes et Châtiments et Les frères Karamazov.
« En voyant et écoutant les interviews et déclarations musclées, courageuses de Claudia, je m’inquiétais des risques qu’elle prenait pour sa liberté. Mais il était inutile de tenter de la modérer. C’est un caractère, une personnalité exceptionnelle », confie à Asialyst Georges Biannic, alors directeur régional de l’AFP pour l’Asie-Pacifique à Hong Kong. Je l’ai recrutée au bureau régional de l’AFP à Hong Kong en 1984 où elle a exercé son métier de grand reporter avec un professionnalisme et un talent qui lui ont valu des reprises dans la presse mondiale, notamment pour sa couverture des événements de Tiananmen. Tous ses collègues l’admiraient. Plus encore aujourd’hui qu’elle est prisonnière politique. »
Dissidence bâillonnée
Claudia Mo n’est qu’un exemple parmi beaucoup d’autres de cette chappe de plomb qui s’est abattue sur l’ancienne colonie britannique depuis sa rétrocession à la Chine en 1997 à la suite de l’accord signé entre l’ancienne Première ministre britannique Margaret Thatcher et son homologue chinois de l’époque Zhao Ziyang.