Hélas ! L’aventure khmère de Komlah a mal fini. Il a tout perdu, Saramani et ses illusions. Alors, amer, il décide de quitter Phnom Penh, ‘la ville assombrie dont il a partagé, pendant douze ans, toutes les fibres et qui, comme son cœur, saigne dans le crépuscule’…
Roland Meyer, comme son héros, va lui aussi quitter le Cambodge. Son roman Saramani a été mal reçu. ‘Miroir inspiré de tant de merveilles, il avait rendu l’image de quelques laideurs aussi’.
Et les ignorants et les jaloux ne lui pardonneront pas les pages et les descriptions sacrilèges du Palais, des lâchetés de son harem et des vices secrets du Souverain, ou encore son dernier cri de révolté, ‘Je hais les Blancs!’ qui lui attirera l’opprobre de ses compatriotes. Meyer-Komlah va partir sur le grand fleuve, à la recherche de ce Laos ‘{où l’envoûtement irrésistible des instincts des premiers âges, retient à jamais le voyageur…’.
En 1920 Roland Meyer est nommé attaché à la Résidence Supérieure du Laos, puis Chef de la Sûreté et finalement, Secrétaire permanent de la Commission Franco-Siamoise du Mékong.
En 1933 il rentre en France où il est attaché au cabinet du Ministre des Colonies. En 1940, il est admis à la retraite, après avoir été Administrateur de la France d’Outre-Mer.
Son livre Komlah qui paraît en 1929, décrit d’abord le voyage sur le Mékong en remontant vers le Nord: beauté des paysages du Sud Laos, puissance des chutes de Khône et puis surtout la vie édénique des piroguiers. Les premiers villages et ‘leurs sentiers sinueux où s’enlisent des chars préhistoriques attelés de buffles roses’.
Et puis c’est l’arrivée à ‘Vieng-Thiane la Morte et ses pagodes en ruines où sous un suaire de verdure, dort, l’épopée oubliée des princes laotiens’…
Le Chef de la Sûreté qu’est Roland Meyer va curieusement se transformer en poète pour nous livrer une rare promenade à travers la capitale laotienne, généralement ignorée des voyageurs de l’Indochine française. Vieng-Thiane la Morte, c’est un ‘quadrilatère allongé en bordure du fleuve, dans le décor campagnard des rizières et des boqueteaux. Trois ou quatre avenues parallèles au quai, une dizaine de rues transversales, partagent la ville en quarante îlots de verdure…’. Quatre vingts ans plus tard, la ville n’a pas beaucoup changé…
Et puis Komlah le banni va reprendre sa course errante et sa remontée du Mékong. Après vingt jours de pirogue, en bravant rapides et tourbillons, c’est l’arrivée à ‘Luang-Prabang la Lointaine’. La terre promise qu’annonce aux piroguiers une verte colline surmontée de la flèche d’or du P’hou-Sî. ‘C’est la ville du Roi des fêtes et des amours fleuries, l’escale bienheureuse d’où l’on ne revient pas’…
FRANÇOIS DORÉ
Librairie du Siam et des Colonies
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