La bibliothèque coloniale et indochinoise du gavroche n’en finit pas de se remplir d’ouvrages passionnants grâce aux recherches et aux lectures de notre ami François Doré, dont nous vous recommandons la superbe «Librairie du Siam et des colonies» de Bangkok. Le principe de ses chroniques ? Nous raconter les écrivains qui, à l’époque où la France avait en encore un empire, racontait les hauts, les bas et les turpitudes de celui-ci. Certains écrivains furent entourés de mystère. C’était le cas de Renée Jullien (1903-1999)
Une chronique de François Doré
Un tout petit livre, pour quatre merveilleuses histoires. Quatre histoires, ou plutôt quatre tableaux. Car si l’œuvre littéraire est bien oubliée, l’auteur est une peintre célèbre et c’est bien avec un pinceau et une palette qu’elle semble écrire ses histoires. Nous n’avons que très peu de renseignements sur elle et sa vie. Née le 14 janvier 1903 à Paris, elle entre à l’École des Beaux-Arts en 1919. Elle sera la première femme distinguée par le ‘Prix de Rome’ dont elle recevra le second grand prix en 1923.
L’Indochine et la Chine
Renée Jullien partira pour l’Indochine et la Chine l’année suivante grâce à une bourse de l’État. Son livre en marquera les quatre étapes : Angkor, les côtes d’Annam, Yunannfou et enfin le pays Kalmouk chinois. Elle reviendra en France, épousera l’architecte Jean-Paul Hellet-Ferret en 1929 et exposera son œuvre indochinoise à Paris en 1930. Ses quelques tableaux que l’on voit passer dans les ventes illustreront la suite de sa vie voyageuse : le Maroc, le Maghreb, l’Afrique Noire, Madagascar. Puis ce sera le retour à Aix en Provence. Elle y décèdera en 1999.
Son ouvrage littéraire le plus connu est le grand livre qui regroupe 35 gravures de «YunNan-Fou la ville des nuages», paru en 1937. Mais c’est bien dans ses «Histoires d’Asie» en 1943 que Renée Jullien nous enthousiasmera par son grand art d’écrivain. La première des quatre nouvelle. «Une grande victoire’ est un beau moment d’humour : La lourde et énorme porte du Nord de l’enceinte de Yu-nan-Fou s’ouvrit péniblement en grinçant et en raclant le sol pierreux, poussée par vingt solides gaillards. La porte du Nord, rébarbative, verdie de mousse et gardant sur sa triple toiture de la neige durcie et des vautours fatigués. C’est là le décor d’un évènement sensationnel : l’armée complète de la province du Yunnan partait en guerre».
Troupe disparate
Et c’est alors une description hilarante à la Dubout d’une troupe disparate aux soldats vêtus d’uniformes aussi variés et imprévus que possible, suivis d’une musique jouant absolument faux. Ensuite venait la cavalerie, composée de maigres sseutchouanais coiffés de turbans bleus, montés sur des petits chevaux à l’apparence des créatures les plus vicieuses du monde… Et c’est cette armée bien folklorique qui partait affronter l’armée communiste venant de Canton… La nouvelle suivante entraîne au milieu d’un épouvantable typhon en mer de Chine, quatre jeunes élèves françaises, titulaires d’une bourse de voyage de quatre grandes écoles de Paris. Les routes et la voie ferrée sont coupées ; un drôle de petit vapeur, le «Poulo Condor»,commandé par un drôle de capitaine va les prendre à bord à Nha Trang…
Hurlements de cyclone
La traversée qui va mener les jeunes passagères vers Haïpong sera ahurissante au milieu des paquets de mer et des hurlements du cyclone… Les jeunes filles survivront, mais c’est alors que la narratrice, Françoise apprendra une fois à Hanoï, que ce drôle de capitaine, qui leur avait sauvé la vie, était un de ses cousins. Elle sautera alors dans le premier train pour Haïphong, pour essayer de retrouver le commandant Arnoult, mais le destin le lui permettra-t-il ? L’étape suivante est à Angkor. Pierre Valtier, jeune archéologue plein d’avenir, attaché à l’EFEO, vient étudier les bas-reliefs d’Angkor-Vat.
Étourdi par l’émerveillement de sa première découverte du temple, c’est alors qu’il va rencontrer un Blanc, le seul qui habite la région. C’est Raglot, l’inspecteur des ruines, qui en dirige les fouilles depuis seize ans. Va venir alors, une extraordinaire fable, où le vieil archéologue blasé, qui ne supporte plus la vue de toutes ces choses mortes, va essayer de convaincre le jeune homme qui ressemble tant à celui qu’il était lors de son arrivée sur le site, de comprendre que seule la vie et les choses vivantes méritaient d’être admirées. Et pour lui faire comprendre tout cela, il préparera la rencontre incroyable avec celle qu’on appelle ‘la folle d’Angkor’… La dernière nouvelle, ‘la tache blanche’ nous fera découvrir la beauté sauvage de la région chinoise kalmouke, au bord du mystérieux lac Kou-Kou-Nor. La longue caravane des porteurs chinois est menée par deux Blancs. Malleville est envoyé par la Société de Géographie pour essayer de cartographier cette région inconnue. Mais soudain, une troupe de farouches cavaliers Kalmoukes vient stopper la caravane chinoise. Et là, surprise ! : à sa tête, leur chef est lui aussi un Blanc…