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INDOCHINE – ECRIVAINS: «Sous les vérandas», le voyage tonkinois de Jules Serré

Journaliste : Redaction
La source : Gavroche
Date de publication : 29/10/2019
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Comprendre l’Asie du sud-est et l’Indochine par les livres. Apprendre ces menues différences entre les peuples et les régions, par la lecture d’ouvrages qui, à l’époque coloniale, ne s’embarrassaient pas du «politiquement correcte» d’aujourd’hui. Notre ami librairie François Doré est un explorateur des pages anciennes, un anthropologue des écrivains oubliés. Des explorations précieuses car elles disent l’Âme Indochinoise. Gavroche est sa maison. «Sous les vérandas» est un exemple de ces livres dont vous gardez le souvenir en tête longtemps. Et le voici désormais réédité !

 

Une chronique de François Doré, Librairie du Siam et des colonies

 

Reconnaissons le ! Les livres d’ethnologues ne sont pas toujours très excitants. Et surtout, alors qu’ils devraient éclater de la vie des peuples qu’ils nous font découvrir, ils se bornent souvent à nous décrire avec une rigueur trop mathématique de bien ‘tristes tropiques’ où l’humain semble parfois oublié.

 

Le docteur Serré n’est pas un ethnologue, mais les deux livres qu’il a publié font la joie du lecteur. Le premier est intitulé «Au pays Thô. (croquis de brousse)» et présente 15 histoires. Le second, «Sous les vérandas», en comporte 10. Ils ont été édités à peu d’exemplaires dans les années 1927-1928. Nous n’avons malheureusement aucun détail sur lui où sa vie et surtout sur son séjour dans ce qu’on appelait la Haute Région, vaste territoire situé tout au long de la frontière du Tonkin avec la Chine du sud.

 

De belles vallées ceintes de collines

 

«Là vit, administrée par une poignée de Français, une population peu dense, mais jalousement cloisonnée, de Thôs, de Nungs, de Chinois, d ‘Annamites et de Mans (Sauvages)» telle que l’a connue le Dr. Serré au milieu des années 20. En 25 petites histoires, de quelques pages chacune, l’auteur nous emmène à travers les décors farouches et grandioses de cette HauteRégion : «De belles vallées ceintes de collines et de lambeaux de forêt drue, des crêtes déchiquetées, des jungles hantées de fauves, des ruisseaux gazouilleurs, vite mués en torrents. Charme agreste, grandeur sauvage, mystère vert ou âpreté tragique…».

 

Tel est le décor que se partagent les différentes ethnies qui peuplent la région, mais ils ne se mélangent pas beaucoup ; chacune vit dans son coin et ce n’est bien souvent que le jour du grand marché régional qu’elles vont se croiser. Les personnages principaux sont bien sûr les Thôs, terme qui signifie terre, par extension agriculteurs. Mais ce n’est pas le Thô qui va s’occuper de la rizière, mais sa femme. L’homme,‘véritable sybarite, joue, fume l’opium, bavarde, tandis que la femme, plus vaillante et robuste, travaille’. Mais c’est bien la femme qui prend sa revanche et qui est le personnage le plus important dans les nouvelles du Dr Serré. Reconnaissons cependant que la fidélité n’est pas leur vertu principale.

 

Là encore, tout finira mal

 

Comme cette Thi-Mien ; mariée contre son gré au gros contrebandier chinois, elle garde toute sa tendresse et la chaleur de ses rendez-vous pour son amour d’enfance, le jeune Giau. La vengeance du mari sera terrible. Ou encore Thi Cam, cette jolie fille annamite qui est la congaie du capitaine du Poste. Mais n’est-elle pas restée fidèle à ce Xuong qui l’avait débauchée alors qu’elle n’était encore qu’une gamine ? Là encore, tout finira mal. Et encore cette Thi Cui, ravissante fille du Delta. Mais qu’a-t-elle donc fait en une seule nuit d’amour à ce pauvre Tri-chau de That-Ké pour qu’il en soit devenu si amoureux ? N’a-t’il pas déjà tout pour être heureux ; son poste officiel, ses rizières, sa travailleuse épouse, ses enfants déjà grands ? Et cette jolie fille, si jeune, qui pourrait être sa fille, mais pourquoi donc s’amouracher d’elle ? Hélas ici aussi tout finira dans une folie meurtrière !

 

Chacun avoue ses faiblesses

 

D’autres personnages, apparaîtront, comme Thi Mot, la terrible sorcière, «usurière, exorciseuse, proxénète, guérisseuse, avorteuse et même accoucheuse». N’est-ce pas à cause d’elle que Thi Haï mourra, pour avoir dérobé quelques canards… Et les Français dans tout cela ? L’auteur les répartit en plusieurs catégories : «Il y a des broussards hérissés, il y en a de résignés, de satisfaits et d ‘enthousiastes…». La petite communauté de KhâcTé regroupe quinze Européens. Tous se retrouvent dans la nouvelle «Sous les vérandas». Les femmes parlent chiffons, les hommes de leurs conquêtes féminines. Les deux bons Pères regardent le tout avec indulgence : après tout, ils savent bien que la moralité coloniale varie avec la température ; l’une baisse quand l’autre monte ! Chacun avoue ses faiblesses pendant que d’autres s’éclipsent pour fumer l’opium.. Le cycle de ces 25 histoires se termine par «Le Vampire». C’est l’histoire de ce déterreur de cadavres qui est condamné au pire des supplices: être écorché vif !

 

Pour Malleret, «notre sensibilité d’Européen hésite et recule, incapable de concevoir qu’il puisse se rencontrer une telle volonté du mal». Le Dr Serré lui, y trouve la toute simple conclusion de son œuvre et la philosophie de tant d’observations : «Et je sentis alors que nous ne comprendrons jamais tout à fait ces gens-là»…

 

François Doré. Librairie du Siam et des Colonies

 

Important : Si certains sont intéressés par le volume «Sous les vérandas», la librairie de François Doré le propose à la vente pour 40 Euros (exemplaire numéroté. Tirage à 500 exemplaires), ce qui est peu.

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