L’histoire coloniale française et la bataille de Diên Biên Phu continuent d’inspirer nos lecteurs. C’est une très bonne chose. Continuez de nous écrire. Les colonnes de Gavroche vous sont ouvertes pour faire remonter à la surface toutes les mémoires d’Asie !
Retournant longtemps après la bataille sur les lieux de celle-ci, Arnaud de La Grange (né en 1965) a opté pour le chemin romanesque dans “Le Huitième soir” (Ed. Gallimard, 2019, 158 pages). Aucune prétention d’historien, aucun parti pris idéologique dans ces pages. Seulement l’exposition d’un cadre et le déroulé d’une dramaturgie servant de décor à la nature humaine. Un roman qui a l’ambition d’être à la hauteur des hommes, des Hommes. Au cœur de leurs pensées et de leurs réactions presque instinctives face à des évènements extrêmes.
Pour l’auteur, la guerre c’est la pluie qui vous aveugle, la boue qui ralentit la marche et qui vous enlise et menace de vous engloutir, c’est la mauvaise chaleur qui oppresse les poitrines, c’est l’odeur des pourritures. C’est la faim qui tenaille, le sang qui coule et qui pue. Et partout et toujours la peur, la peur réelle, la peur imaginée, la peur du bruit de ses bottes et des feuilles qui s’agitent dans un coup de vent. Des ingrédients fondamentaux que partagent les combattants d’un bord et de l’autre.
Arnaud de La Grange a tiré de ses innombrables lectures, entre autres la lecture de Pierre Loti, “Le pèlerin d’Angkor” et surtout “La prise du Tonkin” (Ed.”la Part Commune”, 2022, 92 pages) les ouvrages d’historiens, les documents, les reportages (Jean Pouget), les interviews, une substance romanesque hallucinée, celle des ressentis au creux de cette fameuse cuvette. La qualification de “pot de chambre” n’a pas été utilisée par hasard au regard de l’odeur, au sens réel et figuré, qui s’en dégageait. Les mots et les phrases nous font toucher le cœur des sacrifices consentis, des deux côtés, ceux qui furent nécessaires pour acheminer, dans ces paysages difficiles, les pièces d’artillerie à la seule force des muscles et de l’héroïsme.
Du côté français, l’évènement revêt les caractères d’une énigme puisque l’issue de la défaite était, avant même que la bataille ne commence, certaine. D’où le mystère que revêt une bataille engagée qui, au delà de l’horreur et de l’absurdité, semble avoir été un suicide. L’auteur s’interroge longuement sur la notion de “sacrifice” qu’il distingue bien du suicide. Il décèle dans l’âme du combattant un sens suprême du devoir qui n’est nullement une pulsion suicidaire. Aucune recherche de la mort ni de l’immolation, aucune pulsion mortifère, écrit-il.
Au contraire le combattant est décrit comme, tenaillé, torturé par la peur de mourir surtout si jeune mais, au contraire, poussé par l’amour de la vie, il choisit la mort possible mais pas la mort recherchée. Le mystère de la mort choisie… De la Grange décrit des vies transcendées par la survie, un état “supérieur” qui conduit à distinguer l’essentiel de l’accessoire. L’auteur dans une formule décisive et saisissante nous rappelle que “la guerre met à nu”.
Du côté du corps expéditionnaire il nous décrit des hommes ignorant tout du sens du combat et en particulier du combat anti-communiste, mais unis par une immense fraternité. Une fraternité si intense qu’elle continue de s’exprimer, note t-il, même après les hostilités, entre ceux qui ont combattu dans les camps opposés. Le respect, l’estime réciproque a fait naitre un lien commun qu’aujourd’hui encore on reconnait et célèbre dans ces rencontres entre anciens des camps adverses qui manifestent tant d’intensité et d’émotion. Un livre majeur qui met à nu l’humain dans la guerre.
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Contrairement à son prédécesseur, l’empire romain, la France a été une puissance asiatique ; on n’a jamais parlé le latin au Laos, au Cambodge et au Vietnam ; le francais ; oui. C’est la France qui installe la dynastie des Nguyen au Vietnam, au moment même ou les Chakri s’installaient à Bangkok, qui a sauvé le royaume de Luang Prabang ; et tout ceci jusqu’au gouvernement Mendes-France, qu a donne à l’Indochine une paix juste et raisonnable. Le dernier empereur du Vietnam repose au cimetière de Passy. On peut comprendre une certaine nostalgie.