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INDOCHINE – HISTOIRE: Henry Daguerches, l’écrivain du rail

Journaliste : Francois Doré
La source : Librairie du Siam
Date de publication : 16/11/2020
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Quel grand et beau livre chroniqué ici par notre ami François Doré, de la Librairie du Siam et des Colonies. Louis Malleret l’a dit : ‘un livre magnifique et terrible” ! Henry Daguerches nous livre là le troisième volet de son œuvre littéraire. Sans doute son meilleur roman, publié en 1913 alors qu’il se trouve de retour en France où il a été mobilisé. Il vient de passer cinq ans en Cochinchine, au Cambodge et au Tonkin. C’est lors de son séjour à l’État-major à Hanoï et au cours d’une inspection dans le sud de la Chine, que lui est venue l’idée de transposer au Cambodge l’incroyable épopée technique et humaine de la construction de la ligne de chemin de fer de Haïphong à Yunannfou, dont le chantier s’était terminé deux ans avant sa visite en 1912.

 

Une chronique littéraire et historique de François Doré

 

L’ancien polytechnicien s’émerveillera devant l’un des incroyables ouvrages d’art qui parsèment la ligne de 860 km, le ‘pont en dentelles’, exploit unique des ingénieurs français ; pont métallique qui se trouve au Km 83 de la ligne, et qui donnera son titre au roman de Daguerches. Nous retrouvons dans la brousse cambodgienne, notre industriel charentais, Louis de Tourange, venu en Indochine selon son rêve d’y ‘créer des villes et des ponts’.

 

L’ouvrage est titanesque. Il faut terminer la voie ferrée qui va de Battambang à la frontière siamoise, et surtout y arriver avant que les Siamois de leur côté, n’y parviennent. Quinze ingénieurs occidentaux et trois mille coolies recrutés parmi les chrétientés du Tonkin sont lancés à travers une nature hostile. Le chantier est arrivé au Km 83, et se heurte à l’existence d’un marais, aux émanations délétères, qui par centaines tuent les hommes sans la défense de la médecine. Tourange reste l’ordonnateur de cette nouvelle ‘Conquête de l’Ouest indochinois’ par la civilisation coloniale rayonnante, histoire virile et passionnante.

 

Efforts et souffrances

 

Les efforts de tous et leurs souffrances semblent démesurés dans un huit-clos prenant. Les courages, les lâchetés et les folies vont se révéler dans les vapeurs empoisonnées du marais à conquérir. Un roman colonial, qui sera marqué par son époque de conquête, et dans lequel, une fois n’est pas coutume, pas de congaies enjôleuses ou de séances rêveuses dans une fumerie d’opium. L’exceptionnel intérêt du roman, va justement se trouver dans la petite communauté blanche formée par les ingénieurs et leurs compagnes. Une histoire d’hommes et de femmes, artisans de l’œuvre, et qui devront affronter les forces obscures, les traditions, les croyances et les frayeurs populaires, mais aussi parfois les prêches du Vénérable moine bouddhiste. Et les bons ouvriers, porteurs de leur civilisation, se retrouvent tous les quatre autour de leur popote : Georges Lully, le plus jeune, le plus frêle, mais aussi celui qui cache un si lourd secret dans son cabinet…Just Barnot, le plus ancien, âgé, qui s’use dans cet exil pour nourrir ses enfants restés en Suisse… André Moutier, pour Tourange, le meilleur de tous, mais qui a éparpillé sa vie au service d’une entreprise mondiale bien peu reconnaissante… Et puis il y a aussi Vigel, qui ne vit pas avec les autres. Mystère de l’Eurasien, qui se réfugie dans l’éther…

 

Les femmes, force et beauté du livre

 

Beaucoup mourront ! Mais il y a surtout les femmes, et ce sont elles qui feront la force et la beauté du livre. Ne leur faut-il pas plus de courage pour aller suivre leurs hommes au fond de la brousse, hommes qui eux, ont une foi ? : la pauvre Fagui tout d’abord, dont le mari est mort à Battambang, et que le petit Lully a conservée auprès de lui. Fagui qui chaque jour, savait mettre quelques fleurs dans cette réunion d’hommes insensibles..Madeleine Lannier, elle qui sait qu’elle quittera le chantier et son mari le jour où ses doigts amaigris ne retiendront plus l’anneau d’or nuptial… Et cette Madame Valléry, l’anglo-saxone que d’autres ont connue dans une Family-House de Shanghai, et qui a bien dit à son ingénieur de mari qu’elle partirait le jour où le climat outrageux assombrira la blondeur de son teint rose de baby… Et puis, il y a la belle et sulfureuse Elsa de Faulwitz, grande fille, rose de peau, et dont le cou pleurait des diamants comme une fontaine.

 

Mariée à un ingénieur allemand

 

Elsa est la fille du grand patron, le baron Vanelli. Elle est mariée à un ingénieur allemand, déjà en 1913 pour Daguerches, l’ennemi. Pour elle, ‘il n’y a que deux choses qui aient de la valeur au monde : l’intelligence des hommes et la beauté des femmes. Qui veut conquérir le monde, qu’il conquière la femme, d’abord !

 

François Doré.
Librairie du Siam et des Colonies.

 

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