Le sous-marin indonésien de 40 ans, de fabrication allemande, qui a disparu dans les eaux entre Java et Bali, a attiré l’attention à la fois comme une tragédie humaine et comme un symbole du matériel militaire vieillissant du pays. Il est aussi révélateur des luttes internes au sommet des forces armées indonésiennes.
Le navire KRI Nanggala-402, avec 53 membres d’équipage à bord, participait à des exercices de tir réel de torpilles dans le détroit de Bali, un canal étroit et peu profond de seulement 2,4 kilomètres de large et 60 mètres de profondeur dans la plupart des endroits. Le navire a toutefois plongé dans les eaux beaucoup plus profondes situées au nord-est, là où le plateau de la Sonde s’effondre. Les militaires ont annoncé que le Nanggala a été retrouvé à une profondeur de 850 mètres.
Il semble certain que cette tragédie et l’embarras de la perte d’un sous-marin obsolète attireront l’attention sur la nécessité d’un meilleur équipement et d’une position maritime plus robuste face à l’empiètement de la Chine en mer de Chine méridionale. Il n’existe aucun lien connu entre le sort du sous-marin et les activités chinoises en mer, mais ces deux dernières années, des pêcheurs indonésiens ont capturé à plusieurs reprises des drones sous-marins chinois, qui cartographaient les fonds marins et enregistrent les mouvements des sous-marins. Plus récemment, un drone de 2 mètres de long a été capturé dans les eaux de l’île de Selayar, près de la route maritime reliant le détroit de Makassar au nord de l’Australie.
Cinq sous marins
Le premier message de la perte de ce sous-marin est que l’Indonésie ne disposait jusqu’alors que de cinq sous-marins, deux d’âge similaire et trois plus jeunes de type coréen, pour patrouiller certains des détroits les plus cruciaux du monde. Le détroit de Bali est trop étroit pour avoir une grande importance, mais le détroit de Lombok, entre Bali et Lombok, est une voie navigable utilisée internationalement, tout comme les détroits de Makassar, Sunda et Melaka (partagé avec Singapour et la Malaisie). La surveillance de ces mers, avec leurs droits de pêche et leurs nombreuses caractéristiques stratégiques, nécessite une marine beaucoup plus importante que celle que possède actuellement l’Indonésie.
Le deuxième message est que la marine indonésienne, aussi mal équipée soit-elle, effectue des exercices de tir réel, y compris l’utilisation de torpilles coûteuses, dans une mesure qu’elle n’a peut-être pas fait dans le passé, lorsque la simple possession de sous-marins était considérée comme une preuve suffisante de la défense du concept archipélagique. Celui-ci avait été créé par l’Indonésie en 1957 et a finalement été consacré par la Convention des Nations unies sur le droit de la mer. La conscience des menaces potentielles qui pèsent sur ces droits est aujourd’hui plus forte que jamais.
Widodo et la marine
Troisièmement, depuis son arrivée au pouvoir il y a près de six ans, le président Widodo a été remarqué pour l’attention plus grande qu’il a accordée aux affaires maritimes par rapport à ses prédécesseurs. Cela ne veut peut-être pas dire grand-chose, mais par rapport à certains voisins, notamment les Philippines, il a montré une certaine volonté de s’opposer aux navires de pêche étrangers, notamment chinois, qui envahissent ses eaux archipélagiques, et en particulier ses droits sur la ZEE au large de ses îles Natuna.
Le quatrième point met l’accent sur une évolution peu observée, à savoir que le pays a discrètement pris des mesures importantes pour améliorer sa capacité de défense dans le cadre d’accords avec les États-Unis, et au moins à l’état embryonnaire avec le Japon et l’Inde. Il a également des liens militaires avec la Corée du Sud et l’Australie à des degrés divers. Ainsi, bien qu’elle ne rejoigne jamais le quadrilatère (Japon, États-Unis, Australie et Inde) de pays visant à former un front uni contre l’expansionnisme chinois, ses sympathies sont claires au vu des diverses réunions des ministres de la défense avec les membres du quadrilatère.