Lorsque le président Indonésien Joko Widodo a annoncé, le 22 octobre, son intention de confier le ministère de la défense à son adversaire battu de la présidentielle, l’ex général Prabowo Subianto, la plupart des observateurs étrangers sont restés stupéfaits. Sur l’île de Java, cœur politique de l’immense archipel, la logique de cette nomination parait toutefois plus évidente…

L’armée Indonésienne est aujourd’hui dans les mains d’un ancien général poursuivi pour crimes et soupçonné d’avoir songé, dans la foulée de la chute du dictateur Suharto – son beau père – à prendre le pouvoir par les armes. Tel est le résultat du spectaculaire revirement opéré le 22 octobre dernier par le président indonésien réélu en avril, Joko Widodo. Lequel a choisi de confier le portefeuille de la défense à son adversaire battu deux fois à l’élection présidentielle: Prabowo Subianto.

A Java, l’île indonésienne dont les habitants sont connus pour masquer habilement leurs opinions, beaucoup voient pourtant une cohérence dans la décision du Chef de l’État qui place ainsi son éternel opposant dans une position de subordonné, à un moment où les velléités putschistes de l’armée sont très faibles. Autre mérite de Prabowo dont le parti Gerindra compte 78 députés: ses connexions avec les partis islamistes qui se retrouveront ainsi surveillés. Dernier aspect enfin de cette nomination: l’obligation pour Prabowo de cesser tout travail de sape envers l’actuel président.

Le pari est risqué. Il peut aussi témoigner, selon les détracteurs de Joko Widodo d’un raidissement de ce dernier, de plus en plus fatigué des manifestations étudiantes de la part d’une bonne partie de la jeunesse urbaine opposée à sa politique. Ce qui ne serait pas de très bon augure pour la toujours fragile démocratie indonésienne.