Les sommets de l’organisation régionale ne portent jamais sur la situation politique intérieure des dix États-membres. N’empêche: le contexte politique indonésien attise les questions des partenaires de l’immense archipel après la décision du président Joko Widodo, réélu en avril, de confier le portefeuille clef de la défense à son adversaire battu pour la seconde fois, le général Prabowo Subianto, et alors que les manifestations étudiantes se poursuivent pour protester contre des lois de plus en plus restrictives sur le plan des mœurs. Nous avons le plaisir d’ici d’inaugurer une nouvelle contribution de notre collaborateur Pierre Sarodi, spécialiste de l’Indonésie où il résida longtemps. Pierre suivra désormais pour nous l’actualité indonésienne.
Une contribution de Pierre Sarodi
Il faut comprendre l’enjeu que constitue la nomination de Prabowo Subianto. Ce dernier a fait campagne « à la Chavez » sorte de combinaison de National-Islamisme détonant et résonnant sur la grande détresse des laissés pour compte d’un pseudo essor économique…
Sa place dans le paysage politique est à mettre en rapport avec le désastre d’un pseudo développement (espaces naturels dévastés par l’exploitation massive et souvent sauvage des ressources naturelles – désarroi des services de l’état, pas de systèmes fiables de ramassage/traitement des déchets, Bali vedette du Tourisme est devenu un dépotoir en plein air). Car malgré sa défaite, Prabowo a réussi à ramener 44,5% des voix sur son nom soit 68 millions de votants – «les gilets verts » – contre 85 millions 55,5% pour Joko Widodo.
Ex gendre de Suharto
Prabowo est l’ex gendre du dictateur Suharto, ancien chef des Kopassus (forces spéciales), décoré par la France de l’ordre du mérite et de la légion d’honneur. Il sera encore en passe d’être candidat aux prochaines présidentielles où l’actuel Chef de l’État ne pourra pas se représenter, après deux mandats…
Les cinq années à venir sont cruciales. Si les indicateurs économiques ne s’améliorent pas (monnaie, emplois industriels, PIB, maîtrise de l’inflation, etc…) le ver étant déjà dans le fruit, l’Indonésie tombera dans une dérive « à la Chavez »…. couleur vert pomme.
Histoire d’une islamisation
Rappelons aussi que l’islamisation en Indonésie remonte aux années 80/90 quand le dictateur Suharto commence à perdre pied, après la dévaluation de 40% de la roupie en 1986… Il congédie alors Benny Murdani, catholique, ministre de La Défense et interlocuteur privilégié de Washington. Il nomme à sa place le Gal Wiranto Arismunandar, beau frère de Ibu Tien (femme de Soeharto) et encourage Habibie à créer l’ICMI (Indo Center for Islamic Intellectuals)… Tout le premier cercle devient « Islam connected »… Les mosquées se répandent sur les lieux de travail et dans les services publics (plusieurs millions de fonctionnaires).
Des milices islamiques (FPI, BKRI, etc) pullulent et sont même utilisées comme supplétives du maintien de l’ordre ( notamment pendant les troubles de 98) l’armée, la police, l’école publique sont largement contaminées… les attentats de Bali (2002, 2005) et tous les autres (Hotel Marriott Jakarta, Églises de Surabaya, Sabrina Jakarta et plusieurs dizaines d’autres suivies de dizaines d’arrestations) ne sont que la face révélée d’une immense gangrène…
A suivre…