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JAPON – ASIE: Après la démission de Shinzo Abe, quels changements pour l’Asie du sud-est et le monde ?

Journaliste : Redaction
La source : Gavroche
Date de publication : 30/08/2020
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Notre collaborateur et analyste Yves Carmona connait fort bien le Japon où il fut en poste comme diplomate, et dont il parle parfaitement la langue. Il est donc bien placé pour décrypter la nouvelle donne géopolitique, après l’annonce de la démission vendredi du premier ministre Shinzo Abe, en poste depuis 2012. Gavroche scrute l’actualité. Nos analyses permettent de mieux la comprendre.

 

Une analyse d’Yves Carmona, ancien ambassadeur de France au Laos et au Népal.

 

Le Japon, 3ème puissance économique mondiale, membre du G7, pays qui compte beaucoup dans le monde, n’est pas une « démocratie » comme les autres.

 

Comme l’ont fort bien écrit les correspondants d’un grand journal français du soir, il y a fort peu de chances que le départ d’Abe soit l’occasion d’un changement de parti. Le Parti Libéral Démocrate (PLD) a toutes les cartes pour continuer à régner en maître sur le Japon comme il le fait depuis 1955, à de brèves exceptions près où des transfuges du PLD alliés à des forces d’opposition en 1993-96 puis en 2009-2012 ont, par leur incapacité à exercer efficacement le pouvoir, ruiné l’espoir d’une alternance.

 

Abe avait perdu de sa popularité

 

Abe part parce qu’il est malade comme il est déjà parti une première fois en 2007. Il a perdu de sa popularité, a dû reporter d’un an la tenue des Jeux Olympiques, n’a pas très bien géré la crise du Covid, n’a pas vraiment réussi sa politique économique (les « Abenomics »). Il a pourtant tenu son gouvernement d’une main de fer et a été le Premier ministre le plus durable depuis 1945. Il serait maintenant logique que son successeur incarne une « autre » politique.

 

Mais c’est le Japon…

 

– Le peuple n’a pas son mot à dire, si ce n’est pour valider un choix qui sera fait au sein du PLD, très rapidement (la presse nippone parle du 15 septembre) et qu’on demandera ensuite aux électeurs, y compris les « bouddhistes » qui suivent aveuglément les consignes du Komei allié du PLD, de valider. Le Président du PLD sera ainsi élu presque certainement Premier ministre.

 

– Le choix du futur Premier ministre dépendra des relations entre factions au sein du PLD. M. Abe préside une faction minoritaire à laquelle appartint autrefois le Premier ministre Mori dont il a fait le président du comité d’organisation des JO. Shinzo Abe a gagné son élection en bénéficiant du soutien de la faction majoritaire qui saura réclamer son dû. Au Japon, on garde la mémoire des services rendus.

 

– Ces jeux entre factions produiront un premier ministre mal élu – il n’est pas le seul au sein des pays industrialisés – qui sera confronté aux nombreux problèmes non résolus ce qui explique, par une auto-validation particulièrement frappante au sein de l’archipel, le désintérêt de l’électorat. A quoi bon voter si la classe politique se reproduit par consanguinité (M. Abe est fils de ministre et petit-fils de premier ministre) sans jamais rien résoudre ?

 

– Le nouveau premier ministre aura ainsi à se confronter à des difficultés dont certaines sont mondiales et d’autres propres au Japon.

 

Citons les plus importantes d’entre elles :

 

– Comment résoudre la crise du Covid ? Même si le Japon s’en tire mieux que d’autres, son économie a beaucoup souffert, il a dû renoncer à organiser en 2020 les Jeux olympiques en lesquels l’actuel premier ministre voyait le point d’orgue de sa mission. Les étrangers ne viennent plus, or ils avaient revivifié quantité de régions vides où l’investissement croissant des Asiatiques compensait un sévère exode rural.

 

– Comment lutter contre le changement climatique, dans un pays où l’accident nucléaire de Fukushima a durablement compromis l’usage de l’énergie nucléaire et la confiance des citoyens dans la capacité de leurs dirigeants à la faire fonctionner sans danger ?

 

– Comment donner aux femmes envie de faire des enfants alors qu’elles sont de tout temps reléguées sur leur lieu de travail et dans la vie sociale ? Il n’est que de voir qui aujourd’hui est sur la ligne de départ pour devenir premier ministre…

 

– Comment faire face à un environnement international toujours dangereux ? Les États-Unis y constituent depuis 1945 le garant de la protection contre tous les dangers mais donnent avec Trump des signaux contradictoires. Il a pourtant été courtisé par M.Abe encore plus que par ses prédécesseurs, la Chine et la Corée du Nord se faisant plus menaçantes.

 

Une politique plus équilibrée entre l’Est et l’Ouest et entre l’Occident et l’Asie

 

Pourtant, le Japon en d’autres temps a conduit une politique plus équilibrée entre l’Est et l’Ouest et entre l’Occident et l’Asie. L’Europe et en son sein la France ont remporté quelques succès d’estime, de voyage, de foot et de culture…

 

Alors, pour répondre à la question initiale, il est peu probable que le changement de premier ministre affecte beaucoup ceux qui ont fait la force du Japon depuis 1945 : une sphère économique qui a toujours fonctionné selon ses propres intérêts en cajolant le monde politique et un peuple qui n’attend pas grand chose de ce même monde politique.

 

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