Des galères et des petits boulots à trois sous, « Miss Da » en a plein sa sacoche. Cette surdiplômée thaïlandaise tente de faire son petit bout de chemin sur la banquise française, non sans mal. Elle pose un regard humoristique sur les symptômes de la société française à travers un cornet de glace. Envie d’une boule ? Alors suivez le guide…
J’aimerais bien préciser que je ne suis pas dame pipi. Non, je tiens un kiosque de glaces italiennes, situé dans un endroit très stratégique. Et, bizarrement, c’est toujours en arrivant devant notre stand que nos chers compatriotes ont envie de faire pipi. Je me demande souvent pourquoi, mais c’est comme ça.
« Bonjour », me dit un client potentiel. « Bonjour monsieur », réponds-je avec mon sourire siamois. « Où sont les toilettes ? », demande-t-il. Sur le coup, je n’ai pas entendu. J’étais en train de faire fonctionner la machine à milkshake qui fait un boucan d’enfer. « Pardon ? » dis-je. « On cherche les toilettes », répète-t-il. Je n’entends toujours pas bien.
À force de travailler dans une galerie marchande, on en devient un peu sourd. Et puis je n’ai pas envie d’arrêter la machine car je sens que ça va encore finir en bureau des renseignements. « Pardon ? Je n’ai toujours pas entendu ». — « Les toilettes, les WC… » dit-il en commençant à s’empourprer de colère ou d’envie pressante.
Je pense qu’il doit se dire : « Encore une Chinoise qui parle pas français ! » « Tout droit », réponds-je en montrant la pipi room du doigt. Il file sans dire merci ni au revoir. Quand on vous harcèle avec les toilettes tous les jours vingt fois par jour, il faut avoir les nerfs solides. Le pire est que le panneau indiquant les toilettes est accroché juste au-dessus de leur tête de linotte. Il leur suffirait de lever un peu les yeux pour voir la flèche qui, elle, crève les yeux.
Certains, un peu plus observateurs, voient parfois le panneau. Mais c’est plus fort qu’eux : « C’est marqué là, les toilettes, mais je ne les vois pas », me dit une dame en désignant la flèche. « C’est tout droit et à droite », est devenu ma phrase fétiche, prononcée à la manière d’une cassette enregistrée.
Mais pourquoi cette charmante dame ne suit-elle pas tout simplement la flèche ? Un autre panneau, vingt mètres après, montre une autre flèche indiquant de tourner à droite pour atteindre enfin le paradis. « On ira tous au paradis… même moiiiiiii… »