Les pages tourisme du quotidien français Le Figaro sont souvent riches en articles de qualité, et l’Asie du sud-est est une destination régulièrement à l’honneur. Dernier exemple des pérégrinations du journal dans cette région: ce récit d’une ballade sur le Mékong, enchanteresse et voluptueuse. Loin du Coronavirus et de toutes les inquiétudes ambiantes. Rien de tel que le Laos pour faire oublier la dure réalité de l’Asie en proie à cette inquiétante épidémie…
Nous reproduisons ici des extraits d’un reportage paru dans «Le Figaro» dont nous vous recommandons la lecture ici.
Un reportage de Bérénice Debras
Une virée sur le Mékong est une parenthèse hors du temps au milieu de paysages d’estampe et de forêts denses. Le pays au «million d’éléphants» vu en miroir dans les eaux de son fleuve.
L’Amant n’a pas résisté et s’est glissé dans notre sac de voyage. On le sort timidement à bord du Sabaidee Pandaw, un élégant bateau en tek, affrété par Rivages du Monde. L’Indochine de Marguerite Duras n’est plus mais le Mékong est toujours aussi lascif. Il fait chaud sur le pont. Bercé par les eaux, nous glissons dans la lenteur et l’épaisseur du temps. Langueur et nostalgie nous prennent sans crier gare. La capitale du Laos, Vientiane, est derrière nous avec ses temples et son insolite Arc de Triomphe. Nous remontons maintenant vers l’ancienne cité royale de Luang Prabang sur la «mère des eaux». Nourri des neiges himalayennes, le Mékong coule sur plus de 4 000 km, traversant la Chine, la Birmanie, la Thaïlande, le Laos, le Cambodge et le Viêtnam. Une véritable épopée sujette à ses humeurs parfois dévastatrices.
Villages assoupis
Sur ses rives, de rares villages assoupis se lovent dans la végétation luxuriante. À mille lieues des bruits du monde, ils déroulent une simplicité presque oubliée: terre battue, maisons sur pilotis au toit de chaume ou de tôle, poules et cochons en liberté… Les Lao Lums, Khamus et Hmongs (trois ethnies minoritaires parmi les cinquante du pays) qui les habitent ont la sagesse de la nature, vivant avec elle et de ses ressources. Hommes et femmes ont le regard fatigué de la pêche ou du travail de la terre (rizière, récolte du latex des hévéas…) mais, au fond de l’œil, subsiste toujours un éclat de gaieté. Le sourire, vrai et généreux, n’est jamais loin comme les rires en cascade des écoliers.
Paysages d’estampe
Dans ce décor pauvre et hors du temps, le moindre téléphone portable semble anachronique. Les villageois ont pourtant sauté à pied joint dans ce nouveau siècle connecté sans passer par le téléphone fixe. Alors une jeune fille en habit traditionnel prend la pose, multipliant les selfies comme toutes les adolescentes du monde… La modernité serait-elle à un clic? Dans le petit port de Pak Lai, ancienne ville coloniale, changement d’ambiance. Ça grouille de monde, d’agitation et de voitures. Ce jour-là, la fête foraine offre ses auto-tamponneuses et ses manèges au milieu de masques géants, temples aux toits rouges et stupas dorés. Le soir venu, le fleuve lave un 4×4 flambant neuf, des légumes et des hommes.
Le rideau de la nuit
Le rideau de la nuit tombe soudain. Les criquets entament leur chant comme un seul homme. La nuit est douce – comme les précédentes dans ce lit douillet. Les persiennes laissent passer un filet d’air derrière la moustiquaire. Le lendemain, le jour se lève dans des laisses de fumée, l’odeur du brûlis et de bouses de vaches… Nous repartons dans la brume et la poésie des paysages d’estampes. Sur les berges, des silhouettes de chiens semblent danser comme des ombres chinoises devant la jungle infinie et dense.
Le barrage de Xayaburi
Nous approchons de Xayaburi, un barrage et une centrale hydroélectrique en fonction depuis l’an dernier, surgissant des eaux tel un monstre de béton. L’écluse est vertigineuse. Odeurs de ciment, sentiment de claustrophobie. À peine de l’autre côté, le capitaine jette par-dessus bord des offrandes, riz gluant et bougies, aux esprits. «C’est pour le voyage» dit-il. Le barrage aurait-il compliqué la navigation? Il ne répondra pas mais son silence parle pour lui. Dans ce pays comptant parmi les plus fermés et répressifs de la région, le sujet des barrages est aussi tabou que la politique. Les deux vont de pair. Rêvant de devenir la «batterie de l’Asie du Sud-Est», le Laos en oublierait presque les conséquences sur l’homme et l’environnement. La multiplication à grande échelle des barrages sur le Mékong chamboule les cycles naturels. La pêche est déjà touchée. Elle pourrait perdre entre 40 à 80% de poissons d’ici 2040 si rien ne change, selon une étude de 2018 de la Mekong River Commission.
La suite est à lire dans Le Figaro ici.
Remerciements à Bernard Festy