La Suisse a trouvé de dignes héritiers : dans le collimateur de la presse internationale depuis que l’opération « Offshore Leaks » alimente la presse internationale en articles vengeurs sur l’évasion fiscale et les paradis fiscaux, Singapour et Hong Kong se retrouvent au banc des accusés. Demain la Thaïlande ?
Pas facile pour ces deux places financières d’Extrême-Orient de se voir traiter de juridictions propices au blanchiment des capitaux et aux fraudes fiscales en tout genre. Oubliés les articles louangeurs sur l’économie en plein boom de la région : l’Europe médiatique se venge à coups de diatribes contre la société Portcullis, cette supposée « pieuvre » juridique singapourienne qui fabriquait à la pelle des compagnies écrans pour le compte de ses clients aux îles vierges britanniques et autres îles Cayman.
Juste procès ? Il n’est pas mal, en tout cas, que les pendules soient un peu remises à l’heure. Si Singapour, comme Hong Kong, peuvent se targuer d’avoir signé le nombre requis d’accords de double imposition à la suite des pressions du G20 en 2009 pour sortir de la fameuse « liste grise » de l’organisation, les zones d’ombre demeurent nombreuses au pied de leurs tours étincelantes de verre et d’acier. Fortes de leur éloignement géographique, les administrations des finances des deux territoires savent manier les demandes d’information reçues d’Europe avec le doigté adéquat… pour ne pas y répondre complètement, ou permettre à leurs clients de trouver entre-temps les bonnes parades juridico-financières.
En bon Français, l’île-Etat de l’Asean et la région administrative spéciale chinoise ont en commun de savoir jouer la montre et faire l’autruche. Pas question, pour l’heure, de balancer des listes de noms de clients à la cantonade, comme les Suisses ont fini par le faire sous la pression des Etats-Unis.
Cela va-t-il durer ? Singapour, comme Hong Kong, ne vont-ils pas devoir céder aux injonctions du G20 et adopter à terme le désormais fameux « échange automatique d’informations fiscales » qui les obligeraient à signaler toute ouverture de nouveau compte par un non-résident à son pays d’origine ? Possible, même si Pékin (contrôle de Hong Kong et de Macao oblige) négociera sans doute en coulisses des conditions spéciales pour les deux ex-colonies européennes.
N’empêche : c’est en Asie, demain, que se jouera la grande bataille de la transparence fiscale. Explication simple : les entrepreneurs ou les financiers désireux de fuir leurs administrations fiscales – soit après s’être acquittés de leurs impôts, soit pas – ont désormais intérêt à mettre entre eux et leur pays d’origine le maximum de kilomètres. Et pour cela, l’Extrême-Orient a bien des atouts. Une meilleure rentabilité offerte à leurs capitaux, un niveau de service financier et juridique de plus en plus performant, des possibilités d’investissement diversifiées… A quoi bon rester en Suisse où les frontières sont de plus en plus poreuses ?
Le secret bancaire va changer de nature. Il ne s’agira plus, demain, de compter sur le mutisme des banquiers. Aucune institution financière de taille internationale, en Asie comme ailleurs, ne peut se permettre de dire non aux requêtes de l’IRS américain, sous peine de perdre sa licence. La meilleure parade, celle qui fonctionne, sera de se fondre dans le paysage, de faire confiance au dédale des administrations opaques. Un compte ouvert en Thaïlande, un autre au Cambodge, sans parler de la Birmanie… Nul besoin de recourir à des sociétés basées dans de lointains îlots à la capacité de résistance juridique minime. Mieux vaudra choisir de vrais pays, dont les services fiscaux sont encore loin, très loin d’être équipés pour gérer les demandes d’entraide. Les fins limiers de Bercy obtiendront peut être des résultats, demain, de Singapour ou de Hong Kong. On leur souhaite bonne chance à Bangkok, Saigon ou Rangoun…