Phuket, 26 décembre 2004 : les vagues meurtrières déferlent sur les côtes de la mer d’Andaman. Copenhague, 19 décembre 2009 : la conférence de l’ONU sur le climat s’achève par un semi échec. Deux visages de l’Asie face aux diktats de la nature.
Une lettre et un chiffre. Pour symboliser le basculement du rapport de forces mondial aux mains des États-Unis et de la Chine, l’expression « G2 » fait désormais florès. Le G2, comme on dit le G8 (le club des pays les plus riches plus la Russie et moins la Chine), le G20 (Les vingt premières économies mondiales augmentées de strapontins accordés à l’Espagne et aux Pays-bas) ou le G28 (Le club des pays « pilotes » des négociations climatiques à la récente conférence de Copenhague).
Le G2, comme résumé du nouvel axe du pouvoir « global » qui traverse l’océan Pacifique : de la Californie du « software » aux grandes métropoles industrielles chinoises du « hardware ».
Quel rapport, direz-vous, entre ce G2 et le 26 décembre 2004 ?
Le rapport est affaire de calendrier. J’étais, il y a exactement cinq ans, affairé à arpenter les plages dévastées de Khao Lak, au nord de Phuket, où des milliers de touristes, de Thaïlandais et de travailleurs immigrés birmans trouvèrent la mort, balayés par les vagues tueuses du tsunami.
Et j’étais, il y a quelques semaines, affairé à « couvrir » la conférence internationale sur le climat à Copenhague (Danemark). Deux évènements causés par le même facteur : le dérèglement croissant de la planète et du climat. Autour de cet épicentre géologique et politique qu’est l’Asie orientale.
Le souvenir du tsunami, et de ses dévastations, m’est revenu encore plus en mémoire lors du dernier jour des négociations du COP 15, le nom savant du sommet de Copenhague. La Chine, on le sait, s’y est opposé avec succès à tout engagement contraignant à réduire ses émissions polluantes d’ici 2050.
L’Inde, sur la même longueur d’onde, a rejoint le front scellé autour des États-Unis, contre la volonté européenne d’un grand plan international assorti d’un calendrier, de vérifications et de possibles sanctions. Tandis qu’une intervention, discrète il est vrai, est passée presque inaperçue : celle du Premier ministre australien Kevin Rudd, venu à la tribune « présenter ses excuses » aux représentants des petits États insulaires menacés de disparition, même si le réchauffement se limite à deux degrés supplémentaires.
Car la réalité pour ces morceaux d’îles perdues dans le Pacifique, à terme, sera celle que connurent Khaolak et Aceh voici cinq ans. Si les courbes restent identiques, d’autres vagues les submergeront. Et des milliers d’autres personnes succomberont. Ironie du sort : l’Asie industrielle et industrieuse condamne, en voulant sortir à tout prix de la pauvreté par la prolifération de ses usines et une consommation d’énergie massive, une partie de l’Asie insulaire à la ruine.
Pour une ville de Shanghai devenu un monstre en matière d’émissions de CO2, combien d’atolls des Maldives condamnés à s’enfoncer bientôt sous la surface des flots ?
Or curieusement, personne à Copenhague n’a soulevé ces réalités.
Tout le monde, dans la capitale danoise transformée en grand cirque écologique, a voulu voir dans le refus chinois une offense faite à l’Europe. Erreur.
C’est au reste de l’Asie, à commencer par les grands archipels voisins comme le Japon, les Philippines ou l’Indonésie, que Pékin a fait, lors du COP 15, un égoïste bras d’honneur.