En mars 2010, Phnom Penh a accueilli son nouvel évêque, le père Olivier Schmitthaeusler. Arrivé au Cambodge en 1998, cet Alsacien est l’initiateur d’un vaste programme de formation à l’agriculture.
Il y a des jours qui marquent une vie ; celui de Noël dernier en est un pour le pèreOlivier. Alors qu’il célèbre la fête chrétienne dans la province de Takéo, à l’Est du Cambodge, il apprend que le pape Benoît XVI l’a nommé évêque de Phnom Penh. Le même jour, une autre nouvelle tombe : le Premier ministre Hun Sen vient de signer le sous-décret reconnaissant l’Institut Saint-Paul, grand établissement d’enseignement supérieur consacré à l’agriculture et à l’informatique. Pour cet Alsacien de 39 ans, c’est une double reconnaissance. En tant que missionnaire, d’abord : arrivé en 1998 au Cambodge, il commence à célébrer la messe en langue khmère au bout d’un an. Le clergé catholique, peu nombreux, se partage les églises dans lesquelles chaque prêtre effectue une tournée le dimanche. Dans sa zone, la paroisse de Svay Pak, à l’époque quartier des maisons closes de la périphérie de Phnom Penh.
Au début, lorsqu’il arrivait sur sa moto, les filles l’abordaient comme un client. Lorsqu’il a commencé à célébrer la messe, les haut-parleurs tournés vers l’extérieur de l’église, elles ont vite compris leur erreur. En 2007, il devient vicaire général de Phnom Penh. Et à partir du 20 mars prochain, il occupera la fonction d’évêque avec Émile Destombes, 74 ans, qui partira à la retraite en août. Mais cette nomination récompense aussi un parcours sans faute d’organisateur. Envoyé dans le village de Chomkartieng, dans la province de Takéo, alors que celui-ci ne comportait qu’un seul catholique, il en a fait une paroisse vivante de 97 baptisés, qui dispose désormais d’un lycée, d’un atelier de fabrication de la soie et d’une chapelle décorée dans le style bouddhiste par un peintre de pagodes. À 15 km de là, l’Institut Saint-Paul pourra accueillir à terme plus de 600 étudiants et dispose déjà d’une centaine d’ordinateurs connectés à Internet et d’une des six plus grandes bibliothèques du Cambodge par sa superficie.
Tenu, pour l’instant, à l’écart de la communauté expatriée, Olivier Schmitthaeusler devra se faire connaître et apprécier au sein d’un clergé largement étranger : 141 non-Cambodgiens de 20 nationalités différentes travaillent pour l’Église catholique, dont une proportion croissante de Sud-Coréens. Mais une tradition française subsiste : jusque-là, tous les évêques de Phnom Penh ont été des Français, à l’exception de Joseph Chhmar Salas, ordonné le 14 avril 1975. Trois jours plus tard, les Khmers rouges entraient dans la capitale et le déportaient avec le reste de la population. « Les chrétiens ont souffert en tant que chrétiens sous les Khmers rouges, et aussi pendant la période de l’occupation vietnamienne. Mais dans le procès en cours, ils ont du mal à trouver leur place, notamment parce que c’est un procès très politique », estime Olivier Schmitthaeusler.
ADRIEN LE GAL