Le trafic international des espèces protégées est une industrie évaluée à 20 milliards de dollars. Selon Interpol, il est spécialement orchestré par de puissantes organisations criminelles internationales.
Malgré la pression médiatique exercée sur la Thaïlande pour son rôle de plaque tournante dans ce commerce illicite, la législation désuète et le manque de volonté politique restent des obstacles importants à la lutte contre ce trafic. En 1983, la Thaïlande a signé la Convention des Nations Unies interdisant le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) mise en œuvre par la loi BE 2535 (WAPPA) sur la protection et la préservation des animaux sauvages (1992). Conformément à l’article 23 de la WAPPA, personne ne peut importer ou exporter des animaux sauvages protégés (ou leur carcasse) sauf accord du directeur général.
La loi regroupe plus de mille espèces protégées, allant du macaque crabier au bénitier géant. Même si certaines de ces espèces sont vendues sur des marchés publics, il n’en demeure pas moins illégal de les acheter. L’achat de produits fabriqués à partir d’espèces protégées entraîne la même peine que l’achat de l’animal lui-même : jusqu’à quatre ans d’emprisonnement et/ou une amende ne pouvant dépasser 40 000 bahts.
Le risque de se faire arrêter ne fait pas le poids face aux bénéfices potentiels tirés d’une opération de trafic réussie. Selon la Wildlife Conservation Society, un gibbon peut à lui seul rapporter plus de 500 000 bahts sur le marché noir, alors que chaque opération de trafic concerne souvent plusieurs animaux. En février 2011, à l’aéroport de Suvarnabhumi, une saisie impliquant 259 espèces d’animaux exotiques, incluant des bébés léopards, des oursons et autres animaux très rares, a été réalisée.
Un problème majeur de la législation actuelle est que les animaux passés en contrebande doivent correspondre aux catégories d’espèces et de sous-espèces des animaux protégés ou conservés. Or cette liste n’a que rarement été mise à jour depuis 1992.
La Thaïlande a consacré des ressources considérables à la lutte contre le trafic illégal des animaux par le biais du Département des parcs nationaux, de la Conservation de la Faune et de la Flore, ainsi que du Bureau central des Crimes contre les Ressources naturelles et l’Environnement. Une augmentation de la fréquence des saisies aurait abouti à la capture de plus de 46 000 animaux dans les deux dernières années, ce qui représente le double des captures enregistrées les deux années précédentes. De hauts responsables administratifs et politiques admettent que la Thaïlande est une plaque tournante du trafic illégal d’animaux, du fait notamment du manque de cohérence dans la mise en œuvre pratique des contrôles (marquée souvent par une complaisance intéressée).
Les animaux qui sont saisis lors de raids sont souvent libérés dans les réserves fauniques où le risque d’être capturé de nouveau est réduit. Mais d’autres, comme les bébés tigres, encore incapables de survivre par leurs propres moyens, doivent être pris en charge par des organismes gouvernementaux. Le Département des parcs nationaux a déclaré que près de 17 million de baths seraient nécessaires chaque mois pour nourrir tous les oiseaux et animaux dans les centres de réadaptation gouvernementaux à travers le pays. Ainsi, plus les lois contre le trafic sont efficaces, plus les coûts augmentent pour le gouvernement qui doit prendre en charge les animaux récupérés qu’il ne peut relâcher. Le Département des parcs nationaux a créé un fonds pour couvrir une partie de ces coûts et reçoit le soutien de donateurs privés notamment.
La demande mondiale d’animaux exotiques comme animaux de compagnie, décors, nourriture, et produits aphrodisiaques fait de ces espèces sans défense une cible des braconniers et des trafiquants. Bien que la Thaïlande soit actuellement au centre de ce commerce, elle ne doit pas le rester. En mettant à jour la loi, en élargissant la liste des espèces protégées, en alourdissant les peines encourues et en éradiquant la corruption au sein de cette industrie illégale, elle pourra enfin veiller à ce que ces animaux bénéficient d’une protection effective.