Avocats Sans Frontières et l’Observatoire International des Avocats travaillent main dans la main pour favoriser l’accès à une justice digne de ce nom au plus grand nombre. Sensibilisation, formation, surveillance : zoom sur les combats menés au Cambodge et en Asie.
Céline Trublin habite Phnom Penh et est en charge de la coordination des missions d’Avocats Sans Frontières au Cambodge. Et, le moins que l’on puisse dire, c’est que la jeune femme a du pain sur la planche. Présente depuis 2005 dans le pays, l’association a enclenché plusieurs projets en partenariat avec le barreau cambodgien. « Un premier volet concerne la formation et l’information des élèves avocats. Nous organisons des formations au droit international, ainsi que sur la façon d’utiliser cet outil juridique au niveau local. Mais aussi des débats déontologiques, comme sur le rôle de l’avocat ou l’importance de la confidentialité », explique cette spécialiste de l’humanitaire. ASF a également mis en place un cursus de trois ans au sein de l’Ecole royale de la Magistrature, et collabore ponctuellement avec le Pôle de coopération française de la faculté de droit de Phnom Penh en proposant des formations à ses étudiants en maîtrise.
Favoriser la présence d’avocats Voilà pour le projet éducatif. Mais la mission d’ASF ne s’arrête pas là. « Notre but est surtout de favoriser l’accès à la justice à l’ensemble de la population cambodgienne », insiste Céline Trublin. Pour cela, l’association a lancé un plan d’aide juridictionnelle gratuit. Le but est d’installer un avocat cambodgien de façon pérenne dans chacune des provinces du pays.
Ce dernier reçoit une indemnité mensuelle d’Avocats Sans Frontières, tout en conservant le droit de se créer sa propre clientèle. Une sorte d’aide à l’installation pour favoriser l’établissement de cabinets dans les zones de carence de façon durable. « En jouant sur tous les tableaux, nous souhaitons créer une vraie dynamique de justice dans le pays. Trop de gens pensent encore qu’ils n’ont aucun droit, que la justice n’est pas pour eux ou qu’elle ne sera pas en leur faveur. Nous voulons changer ça », explique la coordinatrice. Et, à force d’acharnement des bénévoles, la sauce semble prendre aujourd’hui.
Le pays bénéficie désormais de vingt-deux avocats relais, et les demandes de formation se font toujours plus nombreuses. Un travail de fond similaire à celui débuté au Cambodge est actuellement en cours au Laos. Projets khmers Depuis mai 2008, l’association a également mis en place un plan d’appui pour la défense des parties civiles lors des procès des crimes commis sous le régime khmer rouge, entre 1975 et 1979. « Une équipe de douze juristes et avocats cambodgiens travaille en étroite collaboration sur ces dossiers, appuyée par une quinzaine de confrères français », explique Céline Trublin.
Chaque mois, un avocat quitte donc la France à destination de Phnom Penh pour assister l’équipe et les parties civiles. Les membres d’Avocats Sans Frontières participent également cours devant les chambres extraordinaires crées pour juger ces crimes. L’association a notamment défendu un groupe de 28 parties civiles sur les 91 ayant déposé requête devant les CETC, lors du premier procès mettant en cause Duch, l’ancien directeur du centre de torture S21.
Actuellement, l’heure est à l’organisation de la défense de 1200 autres parties civiles, pour un second procès impliquant quatre des anciens hauts dirigeants du régime, seuls encore en vie. « Cela participe du devoir de mémoire, et c’est primordial pour que ce peuple puisse enfin tourner la page. Le droit est un outil pour l’histoire et la reconnaissance des cultures, mais pour cela, encore faut-il en avoir la maîtrise », insiste Céline Trublin. Grâce à ses participations aux audiences, l’association souhaite également alerter la communauté internationale sur l’importance d’une justice avec un grand J.
Surveillance européenne Pour éviter les dérives du laxisme judiciaire au niveau mondial, Avocats Sans Frontières France travaille en partenariat avec l’Observatoire International des Avocats. « Cette structure s’inscrit dans le cadre du projet intitulé Les avocats au service des avocats », explique Séverine Delacroix, responsable d’ASF pour la région Asie. Financé par la Commission européenne, l’Observatoire a pour vocation de recenser à travers le monde les cas d’avocats victimes de menaces, de pressions ou de tortures.
Un travail de titan mené en partenariat avec les barreaux français, espagnol et italien pour protéger la profession. « Le but est à terme de bannir définitivement les atteintes à la liberté professionnelle des avocats, en leur apportant un soutien juridique, moral et matériel », ajoute-t-elle. Crée au premier trimestre 2009, l’Observatoire a déjà mené à bien plusieurs missions internationales, notamment en Bolivie et en Chine, mais aussi au Viêt-nam, où, en novembre dernier, une délégation a apporté son aide à trois avocats condamnés et privés de leur droit d’exercice sans raison valable.
Cette année, une seconde délégation a assisté en mai au procès de Maître Cong Dinh, ancien vice-président du barreau de Saigon, accusé « d’avoir mené des activités visant à renverser le pouvoir ». Arrêté à son cabinet le 13 juin 2009 et condamné à cinq ans de prison en janvier dernier, l’avocat n’avait alors pas pu bénéficier de la présence de l’Observatoire au procès en première instance, faute d’autorisation gouvernementale. « C’est un dossier complexe qui est d’ailleurs toujours en cours et nous le suivons de près », explique Charlotte Benoit, la coordinatrice de l’Observatoire. Le pays manque cruellement d’observateurs internationaux, et l’association semble bien être la seule à manifester un peu d’intérêt sur la façon dont est rendue la justice sur place.
www.avocatssansfrontieres-france.org
Olivia Corre