Gavroche continue de vous aider à constituer votre bibliothèque idéale sur l’Asie du sud-est. Dès que nous le pouvons, nous vous offrons une recension inédite des livres que nous considérons essentiels pour comprendre cette partie du monde. Essais, romans, poèmes… Nous accueillons aussi vos compte-rendus de lecture. Aujourd’hui : «La vallée des rubis», récit autobiographique envoûtant de Joseph Kessel publié en 1955. Le grand écrivain et académicien français y raconte l’univers de Mogok, cœur de la vallée des rubis, autour de laquelle rôdent les tigres.
De Kessel, je n’avais lu que «Le Lion», ce roman qui relate l’amitié entre une fillette nommée Patricia et un lion appelé King, recueilli alors qu’il était lionceau et rendu ensuite à la vie sauvage.
Et le magnifique «Les Mains du miracle», biographie romancée du docteur finlandais Felix Kersten, spécialisé dans les massages thérapeutiques, qui a soigné Heinrich Himmler en échange de nombreuses vies durant la Seconde Guerre mondiale.
Je n’avais jamais entendu parler de «La vallée des rubis» qui fut, pour moi, une découverte.
Plus secrète que la Mecque, plus difficile d’accès que Lhassa, il existe au cœur de la jungle birmane une petite cité inconnue des hommes et qui règne pourtant sur eux par ses fabuleuses richesses depuis des siècles : Mogok.
La légende assure qu’aux temps immémoriaux un aigle géant, survolant le monde, trouva dans les environs de Mogok une pierre énorme qu’il prit d’abord pour un quartier de chair vive tant elle avait la couleur du sang.
L’aigle emporta alors le premier rubis de l’univers sur la cime la plus inaccessible de la vallée.
Ainsi naquit Mogok. L’histoire est celle de l’auteur qui s’aventure, avec un ami et son associé, marchands de pierre passionnés, sur ces terres sauvages de la Birmanie du Nord, à la recherche de pierres miraculeuses nées dans les entrailles du globe.
Seul un véritable aventurier comme Kessel pouvait écrire un pareil récit.
Joseph Kessel (1898-1979) fut grand reporter, aventurier, résistant et écrivain de renom. Engagé volontaire comme aviateur pendant la Première Guerre mondiale, il tire de cette expérience humaine son premier grand succès littéraire : «L’Équipage». Dès lors, son œuvre romanesque se nourrit de l’aventure humaine dans laquelle il s’immerge.
Après la guerre, il se consacre en parallèle au journalisme et à l’écriture romanesque.
Il publie notamment «Belle de jour» dont Luis Buñuel tira un film devenu célèbre, et «Fortune carrée» inspirée d’un périple en Mer Rouge où il fait la connaissance d’Henri de Monfreid.
Quand éclate la Seconde Guerre mondiale, Kessel est correspondant de guerre, puis rejoint la Résistance et rallie le général de Gaulle à Londres. Il y compose alors, avec son neveu Maurice Druon, les paroles du «Chant des partisans», qui devient l’hymne de la Résistance, et écrit en hommage à ses combattants «L’Armée des ombres». Après la Libération, il reprend ses voyages.
Il en tire de grands reportages et la matière de romans, dont celui qui est considéré comme son chef d’oeuvre, «Les Cavaliers», ou encore «Le Lion», qui rencontra un immense succès.
Il est élu à l’Académie française en 1962. François Mauriac lui rend hommage dans son Bloc-notes : « Il est de ces êtres à qui tout excès aura été permis, et d’abord dans la témérité du soldat et du résistant, et qui aura gagné l’univers sans avoir perdu son âme ».
Paru pour la première fois chez Gallimard dans la Collection Blanche en 1955, La vallée des rubis a été réédité dans la collection Folio en 1973.
Par Patrice Montagu-Williams