Depuis près de quatre décennies l’ethnologue française Bénédicte Brac de la Perrière rattachée au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) analyse les modèles culturels et religieux qui fondent la société birmane contemporaine. Son dernier livre «Bobogyi. À Burmese Spiritual Figure» publié par l’éditeur thaïlandais River Books à Bangkok, se penche sur les esprits gardiens propres à chaque temple ou pagode bouddhiste.
Benedicte Brac de la Perrière dépeint la présence croissante des esprits gardiens dans l’espace urbain, en particulier celui de Rangoun, et n’oublie pas d’en souligner aussi leur instrumentalisation politique, voire partisane comme cela a été le cas par la junte militaire après les événements sanglants de 1988 ou encore à l’heure de la reconstruction des espaces dévastés il y a un peu plus de dix ans par le cyclone Nargis.
Dans les sanctuaires étudiés, Bobogyi est souvent représenté comme un vieil homme, parfois presque grandeur nature. Certains de ces lieux de culte sont d’ailleurs très courus, à commencer par ceux où l’on bénit les voitures neuves et leurs propriétaires.
Bobogyi est en effet utilisé par les fidèles pour s’adresser à certains des Trente-sept Seigneurs (nat) appartenant au panthéon hérité du culte royal des esprits tutélaires.
Les très nombreuses photographies de Cristophe Munier-Gaillard qui accompagnent l’étude de B. Brac de la Perrière, permettent de parfaitement percevoir la manière dont les dévotions sont exprimées, les codes couleurs ou vestimentaires adoptés pour représenter le personnage cultuel, son inscription dans l’espace iconographique bouddhiste présent et comment il s’est enkysté dans l’histoire et des lieux aussi emblématiques que les pagodes Shwedagon, Sule et Botataung de Rangoun.
Une exploration des lieux de culte
Le tour d’horizon des périmètres de culte entrepris Mme Brac de la Perrière et M. Munier-Gaillard sont autant d’occasion de se rendre dans des lieux mémorables, mais aussi moins fréquentés par les touristes étrangers, telle la pagode Kyaikkasan dans le quartier de Thingangyon ou encore des sites apparus tout récemment, et sans liens avec la légende fondatrice de la Shwedagon.
À ce titre, le chapitre consacré à l’étude tout au long d’une année d’un lieu de sanctuaire de rue de la très chic Golden Valley offre aux lecteurs la meilleure des manières pour appréhender au fil des heures de la journée les pratiques spirituelles dans leur grande diversité et comprendre leur insertion dans leur environnement routier et architectural.
L’autel du gardien du banian, le culte a proprement parlé, la diversité des dévots, les dépôts matinaux des brioches ou de fleurs voire des pratiques insolites mettent en lumière la complexité des pratiques et les expliquent par bribes successives.
Autant d’éclairages forts utiles pour mieux comprendre toute la construction de l’espace religieux, ses interactions avec le bouddhisme theravāda et ses rapports à la société urbaine d’aujourd’hui dans un des pays les plus religieux de toute l’Asie du sud-est.
Pour se procurer l’ouvrage : Bénédicte Brac de la Perrière – Cristophe Munier-Gaillard : Bobogyi. À Burmese Spiritual Figure, River, Books, Bangkok, 2019, 80 pages
François Guilbert