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Couteau et piment vert

Date de publication : 30/07/2024
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Une chronique culinaire et asiatique de François Guilbert

 

Commercialisée au Japon dans la catégorie des bandes dessinées pour femmes adultes (manga josei), comprendre ici 14 ans et plus et non un scénario à vocation érotique (smut), la série « Couteau et piment vert » compte désormais douze volumes. Elle a été lancée au Japon en 2018 et se poursuit aujourd’hui encore. Le troisième ouvrage en français a été annoncé pour la mi-septembre 2024 et fait suite aux deux premiers opuscules sortis en juin de cette année qui se sont montrés attachants voire séduisants.

 

La romance proposée se déroule au tout début des années 50. Le Japon et sa société se relèvent à peine de la Seconde guerre mondiale, de ses destructions et d’une capitulation humiliante. L’Empire est alors administré par une puissance occupante. C’est dans ce contexte historique particulier et autour de l’avenir d’un restaurant traditionnel (ryôtei) de Kyoto que la mangaka Yuki Isoya a bâti son feuilleton.

 

C’est l’occasion de se pencher sur l’occupation américaine, ses installations hôtelières, les comportements alimentaires des Gi’s et une société autochtone tiraillée entre ceux qui veulent indubitablement plaire aux Américains et ceux qui les rejettent jusqu’à la haine. A sa dimension historique très marquée, le récit ajoute une réflexion genrée sur la place des jeunes veuves au lendemain du conflit mondial, l’accès féminin au marché du travail et aux postes de responsabilités. Cette histoire bien troussée permet de revenir sur la rivalité citadine Osaka – Kyoto et les chemins culturels tortueux vers les modernités du XXème siècle.

 

Pour mener à bien son récit, l’autrice Tokyoïte a construit sa trame narrative autour du couple tout juste formé par Ichika Kuwanoki (34 ans) et l’étudiant Amané Yamaguchi (19 ans) et des arrangements familiaux.

 

Alors que l’épouse doute au plus haut point qu’elle puisse devenir une cheffe reconnue par la brigade gestionnaire de l’établissement reçu en héritage, son conjoint bouillonne d’idée pour redresser au plus vite la Maison Kunwanoki. Mais les choix à opérer s’avèrent aussi douloureux que brutaux. Ichika n’en est pas moins tentée de réaliser des plats occidentalo-nippons et Amané de s’affranchir des objectifs entrepreneuriaux de son clan arrêtés pour son mariage de raison. Aubaines et coups de force vont permettre de mettre en place les stratégies congruentes du couple et de rapprocher ses deux composantes appelées à vivre ensemble par la seule volonté de leur parentèle. A chaque étape sur ce chemin va figurer la réalisation d’un plat.

 

Ainsi le parcours professionnel et sentimental d’Ichika et Imané est l’occasion d’une découverte gestionnaire et gustative. Certes, la réalisation des plats n’est pas décrite mais on peut découvrir en passant comment les Japonais ont découvert, par exemple, le pain de mie et ont pu se mettre parfois à servir aux clients d’un ryotei bien installé des frites en kimono voire une glace au maïs. Des adaptations pour le moins non conventionnelles mais au cœur d’un récit mené avec rythme et doigté. Mais forte est de constater que devant les changements dans leurs assiettes, la plupart des consommateurs japonais se montrent bien moins indulgents face aux imperfections d’une réalisation d’un plat nippon qu’à l’endroit d’un essai d’une recette occidentale ; un constat demeuré d’actualité.

 

Yuki Isoya : Couteau et piment vert, Le Lézard Noir, 2024, Tome 1 : 187 p ; Tome 2 : 175 p, 8,5 €

 

François Guilbert

 

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