Un peu de Taïwan dans votre assiette, une chronique culinaire et culturelle de François Guilbert
Si du côté des acteurs politico-diplomatiques occidentaux, il est convenu de parler de l’existence d’une seule Chine, en matière de culture culinaire le pluriel s’impose de fait, et sans la moindre des contestations. A ce titre, il ne fait aucun doute que l’île de Taïwan a sa propre identité, faite de créations récentes (ex. poulet du général Tso, Bubble Tea), des héritages plus ou moins revisités de ses populations autochtones (ex. poitrine de porc salée au poivre de MaGao), des migrants venus du continent (cf. poulet aux trois tasses, poitrine de porc braisée hakka), du Japon (cf. riz PonLai, saumon grillé au miso) ou encore du Pacifique.
Ce n’est pas nécessairement la gastronomie « chinoise » la mieux connue en Europe, ni même d’ailleurs en Asie, mais elle n’en mérite pas moins l’attention des gourmets, qu’ils soient adeptes des mets les plus sophistiqués ou plus simplement des plats de la cuisine des rues (ex. burger Gua Bao, soupe de nouilles Niu Rou Mian).
Menus taïwanais
A Paris, une vingtaine d’établissements proposent des menus taïwanais et affichent leur volonté de mettre en avant un programme gustatif venu de la République de Chine. Dans leur très grande majorité, leurs restaurateurs n’ont pas sis leurs cuisines dans les quartiers « chinois » de la capitale. Si le Taipei Gourmet a installé son pas-de-porte dans le 13ème arrondissement, les autres ont fait des choix domiciliaires très divers. Il en est ainsi du restaurant Foodi Jia-Ba- Buay (traduction : As-tu mangé ? voire Bonjour !) qui s’est implanté au cœur du quartier « Montorgueil-Sentier » dans le 2ème arrondissement et qui fait aussi traiteur.
Sa cheffe résidente en France depuis une vingtaine d’années, Virginia Chuang, active membre de l’Association des entrepreneurs taïwanais en France, était particulièrement indiquée pour rédiger un ouvrage de découverte grand public sur « les meilleures recettes de son pays » comme le proclame le sous-titre du manuscrit publié en février aux Editions Mango. Avant de tenir sa propre table, elle ouvrit une échoppe Bubble Tea mais surtout organisa des ateliers de cuisine asiatique, sous le nom de Zenzoo Food, ce qui nécessite des qualités pédagogiques certaines, ce que l’on retrouve donc sans surprise dans ce premier livre.
Une mise en bouche
Easy Taïwan constitue une véritable mise en bouche. Avec une quarantaine de recettes réparties en sept chapitres (riz (3), soupes (7), viandes (9), poissons et fruits de mer (6), street-food (5), accompagnements (8), desserts (5)), le lecteur amateur de bons petits plats peut se faire une idée du panorama qui l’attend, si un jour il se rend sur l’île nationaliste. En attendant, pour mettre les mains à la pâte il sera aidé d’astuces de réalisation, d’adresses de fournisseurs parisiens, des déroulés précis des étapes à suivre et des ingrédients indispensables aux recettes illustrées. Autant d’éléments pratiques qui font le succès de la vingtaine de livres de la collection dont plus de la moitié des titres parus jusqu’ici a été consacrée aux arts culinaires asiatiques (Cambodge, Chine, Corée, Inde (3), Indonésie, Laos, Thaïlande, Vietnam).
Dans les casseroles de Formose
Une plongée dans les casseroles taïwanaises qui est aussi l’occasion de découvrir quelques traits culturels singuliers des vies des familles à l’occasion des fêtes de naissance (ex. riz gluant à l’huile de sésame), des rituels religieux ou ceux qui rythmes nos années. Mais la promotion de la gastronomie taïwanaise constitue également un acte politique, pour ne pas dire diplomatique.
Comme pour le Cambodge, la Corée, le Japon ou la Thaïlande, la cuisine « nationale » est un outil d’influence et du soft power des États, Taïwan semble l’avoir aussi compris. Virginia Chuang en est une des promotrices. Diplômée en communication et en journalisme, elle est également à l’origine de la plateforme réunissant tous les commerçants taïwanais liés aux métiers de bouche de l’hexagone (Taiwan Style en France) et a donné, depuis le confinement imposé par la propagation de la COVID-19 en 2020, une visibilité nouvelle à Taïwan, via internet et les réseaux sociaux, notamment Facebook et Instagram.
Virginia Chung : Easy Taïwan, Mango Editions, 2024, 141 p, 16,95 €
François Guilbert
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